Désigner les juges à l’aide d’un logiciel !

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La désignation stratégique des juges – comme l’a révélé Netanel Bendel à propos du comportement du président de la Cour suprême, Yits’hak Amit – nuit gravement à la confiance du public et porte atteinte à l’État de droit. La solution est claire et simple : désigner les juges de manière aléatoire à l’aide d’un logiciel, comme c’est le cas dans les cours fédérales d’appel aux États-Unis.

Ynet

La semaine dernière, le journaliste de Yediot A’haronot et Ynet, Netanel Bendel, a révélé que le juge Noam Sohlberg avait demandé au président de la Cour suprême, Yits’hak Amit, d’élargir la composition des groupes de juges dans les débats de principe, au lieu de les maintenir réduits et orientés. Sohlberg affirmait qu’une telle extension est essentielle pour garantir une diversité d’opinions et maintenir la confiance du public dans l’intégrité du processus judiciaire. Mais selon Bendel, Amit s’y est opposé par crainte de perdre sa majorité activiste parmi les juges qui partagent ses positions.

La loi permet au président de la Cour suprême de désigner les juges pour chaque affaire. Or, l’enquête révèle que ces désignations sont faites selon des considérations stratégiques, visant à garantir une majorité favorable à l’opinion du président. Cela concorde avec une étude empirique que j’ai publiée avec Israël Rosenberg dans la revue Michpatim, montrant des preuves solides que les juges sélectionnent stratégiquement leurs collègues pour les formations de jugement.

L’étude s’est concentrée sur les cas où un juge de permanence à la Cour suprême souhaite rejeter une pétition sans débat. Pour cela, il a besoin d’un panel de trois juges, dont deux sont choisis par lui-même. En examinant environ 800 pétitions rejetées sans débat entre 2015 et 2017, nous avons constaté que les juges ne choisissaient pas leurs collègues de manière aléatoire. L’inégalité dans les choix est très élevée, chaque juge ayant une liste très restreinte de collègues préférés. De plus, il n’existait aucun lien entre la spécialisation du juge et la probabilité qu’il soit sélectionné pour une affaire dans son domaine. Cela confirme que les choix sont guidés par des considérations stratégiques, visant à composer un panel qui soutiendra l’opinion du juge principal.

Notre étude montre également que cette stratégie n’est pas propre aux cas de rejets sommaires : même les présidents de la Cour suprême choisissent les groupes de juges selon leurs préférences personnelles.

Comme le démontre notre étude et comme l’a révélé Bendel, l’autorité du président de la Cour est utilisée de manière abusive pour influencer les résultats des jugements, surtout dans les affaires les plus sensibles au regard du public. Cela signifie que le président peut, à lui seul, déterminer l’issue de n’importe quelle affaire importante s’il obtient le soutien d’un seul autre juge.

La solution est simple et équitable : désigner les juges de chaque affaire par un logiciel informatique, comme cela se fait dans les cours fédérales d’appel aux États-Unis. Là-bas, les affaires sont attribuées aléatoirement à trois juges, ce qui garantit une transparence totale et l’absence de manipulation. L’identité du juge de permanence devrait également être désignée de manière aléatoire, pour éviter qu’un avocat ne retarde délibérément une requête dans l’espoir qu’un juge « favorable » soit désigné.

Certains diront qu’il faut conserver une part de discernement pour exprimer les différentes expertises des juges. Mais en Israël, il n’existe pas de normes officielles de spécialisation judiciaire. Rien ne justifie donc d’exclure un juge d’un domaine particulier. Et même si on acceptait cette objection, il serait possible d’intégrer des critères professionnels dans un système informatique transparent – de sorte que le public connaisse les règles et les raisons de chaque désignation, renforçant ainsi la confiance dans l’institution judiciaire.

La désignation stratégique des juges mine gravement la confiance du public et nuit à l’État de droit. Dans une nation innovante comme Israël, il est facile de mettre en place un système automatisé de désignation judiciaire, sans intervention humaine ni magouilles. C’est une solution juste, simple et équitable. Il est temps de l’adopter.

Professeur Yonathan Givati (notre photo) est professeur titulaire à la faculté de droit de l’université hébraïque de Jérusalem, et chercheur principal à l’Institut pour les politiques du peuple juif.

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