75e anniversaire de l’Altalena

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75e anniversaire de l’Altalena : la guerre fratricide au cœur de l’idéologie du camp “progressiste” en Israël
Par Pierre Lurçat

Photo : L’Altalena en flammes au large de Tel-Aviv

La désignation d’un “bouc émissaire” à l’intérieur même d’Israël s’inscrit dans la droite ligne de nombreux événements du même acabit, depuis l’époque des accords d’Oslo, par lesquels Rabin et Pérès entendaient sacrifier les Juifs au-delà de la “ligne verte” sur l’autel d’une paix illusoire avec les ennemis – véritables – de l’OLP, intronisée en “partenaire de paix”. Mais cette politique du “bouc émissaire” remonte plus loin encore dans l’histoire moderne d’Israël.
On la trouve déjà à l’œuvre à l’époque du Yishouv, quand le Mapaï prédominant utilisait son emprise sur l’économie – au moyen de la toute puissante Histadrout – pour exclure du marché du travail les jeunes membres du Betar, dont le chef idéologique, Vladimir Jabotinsky, était qualifié de “fasciste” et d’ennemi du peuple (accusation qui perdure jusqu’à nos jours). On la retrouve pendant les années de plomb de la lutte pour l’Indépendance, quand la Haganah et le Palmah s’allient aux forces de police britanniques pour chasser manu militari et parfois torturer et assassiner des jeunes membres du Lehi et de l’Etsel, eux aussi proclamés “ennemis du peuple”,au nom du même parti-pris idéologique, qui préfère s’allier à l’ennemi extérieur pour “nettoyer” le pays de certains de ses adversaires idéologiques…
On la retrouve aussi quand le Premier ministre David Ben Gourion ordonne au chef du Palma’h, Itshak Rabin, de bombarder l’Altalena, bateau affreté par l’Irgoun à bord duquel des militants de l’Irgoun, parfois rescapés de la Shoah, transportent une précieuse cargaison d’armes destinées à équiper la petite armée juive, face aux ennemis arabes plus nombreux et mieux armés. Cet épisode est crucial pour comprendre l’ADN idéologique d’une partie de la gauche israélienne, hier comme aujourd’hui. Non seulement Ben Gourion (1) ordonna de couler l’Altalena, en arguant d’un prétendu risque de sédition de la part de son adversaire politique, Menahem Begin. Mais pire encore : il qualifia le canon qui avait bombardé l’Altalena – faisant plusieurs morts parmi ses passagers – de “canon sacré” (2).
Cette sacralisation de la violence fratricide et de la guerre civile se poursuit jusqu’à nos jours. La volonté de l’actuelle opposition de désigner un ennemi idéologique au sein du peuple Juif et de renverser le gouvernement élu par tous les moyens, y compris par la violence, s’inscrit dans la droite filiation de l’Altalena et du “canon sacré” de David Ben Gourion. Elle montre qu’aux yeux du camp “progressiste” et d’une partie de la gauche israélienne, l’impératif politique demeure, envers et contre tout, celui de la démonisation et de la lutte à outrance contre l’adversaire politique, désigné comme bouc émissaire et comme “ennemi intérieur”, au lieu de s’allier à lui pour lutter contre les ennemis extérieurs au peuple Juif.
Notes
1. Ben Gourion avait pourtant rencontré Jabotinsky à Londres et conclu un accord avec lui, pour lequel il fut désavoué par son propre camp, épisode relaté dans une pièce de théâtre écrite par A.B. Yehoshua.
2. Le journaliste Shlomo Nakdimon rapporte que lorsque le commandant adjoint de l’armée de l’air se mit en quête de volontaires pour bombarder le navire en haute-mer, trois pilotes non-juifs refusèrent l’ordre de mission, l’un deux déclarant “Je n’ai pas perdu quatre camarades et volé 10 000 miles pour bombarder des Juifs”. Un autre soldat, Yosef Aksen, vétéran de l’Armée rouge, déclara être prêt à subir la mort pour insubordination, plutôt que de tirer sur des Juifs.

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