L’attaque survenue mercredi devant le Musée juif de Washington D.C., ayant coûté la vie à deux employés de l’ambassade d’Israël, marque un tournant dramatique : il s’agirait du premier attentat antisémite meurtrier sur le sol américain depuis 2019. Cette fusillade a frappé en marge d’un événement organisé par l’American Jewish Committee, et a rapidement été qualifiée d’acte terroriste.
Un retour de la violence depuis 2018-2019
Le dernier attentat antisémite meurtrier avant celui de Washington remonte à décembre 2019. À Monsey, dans l’État de New York, un homme armé d’une machette avait attaqué une célébration de Hanoukka, blessant mortellement Josef Neumann, 72 ans. La même année, une fusillade dans une épicerie casher de Jersey City avait fait quatre victimes, dont un policier. Plus tôt, en avril, une fidèle de 60 ans, Lori Gilbert-Kaye, avait été tuée dans une synagogue de Poway, en Californie.
L’attentat le plus sanglant reste toutefois celui de 2018 à Pittsburgh, où un suprémaciste blanc avait assassiné 11 personnes dans la synagogue Tree of Life. Ces événements ont profondément marqué la communauté juive américaine et entraîné une réponse sécuritaire sans précédent.
Une sécurité renforcée mais des menaces persistantes
Face à cette vague de violence, les organisations juives ont renforcé leurs dispositifs de sécurité : déploiement de gardes communautaires bénévoles, formation au Krav Maga, installation de systèmes de surveillance et recours à des subventions gouvernementales. Malgré ces mesures, les tentatives d’attaques ont continué, en particulier en 2024, après les événements sanglants d’octobre 2023 en Israël, qui ont ravivé les tensions mondiales.
Ainsi, ces derniers mois, plusieurs projets d’attentats ont été neutralisés à temps. En février, un homme a été arrêté alors qu’il se dirigeait vers New York après avoir menacé une synagogue de Manhattan. En janvier, un autre individu a été interpellé en Floride, armé et prêt à attaquer une organisation pro-israélienne. En décembre 2023, un projet d’attentat contre le consulat israélien à New York avait été déjoué par le FBI.
Des menaces multiples, au-delà des suprémacistes blancs
Si les suprémacistes blancs restent identifiés comme la menace principale, les autorités notent également une montée des violences provenant de mouvances islamistes radicales ou anti-Israël. En septembre 2024, un homme arrêté au Canada projetait une fusillade dans un centre juif de Brooklyn au nom de l’État islamique. En juillet, un néonazi de Géorgie, surnommé « Commandant Butcher », a été inculpé pour avoir planifié une série d’attaques, notamment l’empoisonnement d’enfants juifs.
Parmi les autres incidents récents, certains n’ont pas été classés officiellement comme antisémites, bien qu’ils aient visé des Juifs ou des lieux fortement symboliques. En 2023, Paul Kessler, un manifestant pro-Israël, a trouvé la mort dans des circonstances troubles. En 2022, un professeur a été assassiné en Arizona par un agresseur convaincu à tort qu’il était juif. Et en avril 2025, la maison du gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro, a été incendiée en pleine fête de Pessa’h. Bien que l’inculpation porte sur des faits de terrorisme, aucune mention de crime de haine n’a été retenue.
Le spectre d’une haine multiforme
Le tireur de Washington a crié « Free Palestine » en ouvrant le feu, confirmant la politisation croissante de certains actes antisémites. L’amalgame entre la critique d’Israël et la haine des Juifs semble nourrir un nouveau type de violence, plus difficile à anticiper, car nourrie autant par des idéologies extrémistes que par une rhétorique politique virulente.
Face à cette menace évolutive, les responsables communautaires et les forces de l’ordre restent sur le qui-vive. L’enjeu est désormais d’anticiper des attaques menées par des individus isolés, radicalisés en ligne ou motivés par des discours extrêmes, souvent à la frontière entre idéologie politique et haine religieuse.
L’attaque de Washington n’est donc pas un acte isolé, mais l’aboutissement inquiétant d’une tendance déjà bien amorcée. Les prochaines semaines diront si cet attentat marque un tournant durable dans la sécurité des Juifs américains ou s’il reste un drame isolé dans une chronologie déjà bien remplie.
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