Norvège  : la Nuit de Cristal anti-israélienne

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President Donald Trump poses for a photo with Prime Minister Gahr Store of Norway, Thursday, April 24, 2025, in the Oval Office. (Official White House Photo by Daniel Torok)

« Nuit de Cristal » en Norvège : mémoire bousculée, polémique relancée

La participation du Premier ministre norvégien (notre photo) à une commémoration alternative de la Nuit de Cristal a provoqué une onde de choc diplomatique et un vif malaise au sein de la communauté juive du pays. En choisissant un rassemblement organisé par des associations antiracistes et syndicales, également soutenu par des organisations pro-palestiniennes, plutôt que la cérémonie portée par la communauté juive, le chef du gouvernement a heurté des sensibilités déjà à vif. L’accusation la plus lourde porte sur le risque d’instrumentalisation : transformer une date dédiée à la mémoire des victimes juives en tribune contemporaine, au risque de brouiller les repères.

Côté israélien, la réaction a été cinglante : les mots employés — « dépravation morale », « hostilité anti-israélienne », « antisémitisme » — témoignent d’une indignation qui dépasse le simple reproche protocolaire. Ils s’inscrivent dans une inquiétude plus large, partagée par de nombreuses institutions de mémoire : l’usage de l’imaginaire de la Shoah pour commenter l’actualité du Proche-Orient produit souvent des glissements, des analogies erronées et, in fine, une banalisation du génocide. La communauté juive d’Oslo, qui a pris ses distances avec cette commémoration alternative depuis plusieurs années, souligne quant à elle un climat devenu dissuasif pour ses membres et une confusion entretenue entre critique politique d’Israël — légitime dans une démocratie — et rhétorique antisioniste qui cible identitairement des personnes.

Le Premier ministre a, de son côté, défendu un message d’unité civique. Dans son allocution, il a rappelé l’impératif absolu de combattre l’antisémitisme, s’est inquiété que nombre de Juifs norvégiens ne se sentent plus à l’aise de participer à l’espace public, et a martelé qu’il doit être possible en Norvège d’affirmer fièrement son identité juive. Sur le fond, l’intention est claire : faire de cette date un moment de pédagogie universelle, rappelant que les haines ciblées finissent toujours par menacer l’ensemble du corps social.

Reste que le lieu, les alliés de tribune et les symboles comptent. Pour les responsables juifs qui ont appelé à privilégier la cérémonie communautaire, la présence du chef du gouvernement sur une scène portée, entre autres, par des associations particulièrement hostiles au sionisme — et parfois accusées de confondre Israël, les Israéliens et les Juifs — envoie un signal contradictoire. On ne peut pas, plaident-ils, prétendre protéger une minorité tout en cautionnant un cadre où se banalisent des mots, des slogans ou des cadrages qui la stigmatisent.

Ce débat norvégien dépasse d’ailleurs la Norvège. Partout en Europe, la question revient : comment commémorer la Nuit de Cristal en 2025, alors que les passions déchaînées par la guerre contre le Hamas saturent l’espace public ? Une voie exigeante se dessine : tenir ensemble deux exigences — l’universalité du « plus jamais ça » et la singularité du crime —, sans amalgame ni surenchère. Cela implique, très concrètement, de respecter la parole des institutions mémorielles et des communautés concernées, de ne pas transformer ces dates en meetings, et d’écouter ceux qui, par héritage familial et expérience vécue, en portent la gravité.

La Norvège dispose d’outils pour y parvenir : un plan national contre l’antisémitisme, des programmes éducatifs et une coopération étroite avec les musées et centres de mémoire. Encore faut-il les incarner sans faux pas symboliques. Car l’enjeu n’est pas de gagner une bataille de récits, mais de préserver l’intégrité du souvenir, de protéger des concitoyens trop souvent pris pour cibles, et d’éviter que la mémoire ne soit l’otage des querelles du jour. C’est à cette condition que la commémoration retrouvera sa fonction : un temps de recueillement, de lucidité et de courage civique — non un ring où s’opposent des identités instrumentalisées.

Jforum.fr

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