Antivaxisme : le choix du rien

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Illustration : livre paru sur le sujet des opposants aux vaccins dans l’histoire

Les antivax ne « croient pas » au virus

Comme si les 4,3 millions de morts dans le monde depuis fin décembre 2019 (sur plus de 205,3 millions de personnes contaminées1) étaient un dogme auquel on peut accorder foi ou pas, la polémique fait rage, mettant aux prises les scientifiques d’un côté et les dogmatiques de l’autre…

Les enquêtes montrent que plus on est éduqué et plus on est en faveur du vaccin. A contrario, moins on en sait et plus on refuse la parole des spécialistes et des scientifiques, assimilée à une contrainte, voire à une dictature du syssstème.

Les ignorants d’aujourd’hui se croient originaux. En cela aussi, ils ont tort : en son temps, Pasteur a été moqué et son vaccin contre la rage dénigré. Le Canard enchaîné de l’époque, Le Don Quichotte, surnommait notre plus grand scientifique : « L’ange de l’inoculation » en 1886.

Après l’enthousiasme pour les vaccins obligatoires, qui ont fini par éradiquer variole, polio, diphtérie et autres tétanos, la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations a été créée en 1954. Ayant explicitement choisi le confort du JE contre l’immunité du NOUS, elle est toujours active. Aujourd’hui comme hier, elle soigne l’ego des médiocres, qui préfèrent contaminer autrui et risquer de mourir de maladies obsolètes, plutôt que de renoncer à leur dada anti-tout, qui les rend visibles à leurs propres yeux.

Leur lobby est efficace : de « Touche pas à mon vaccin », la vaccination obligatoire contre rubéole, rougeole et oreillons est passée au stade de simple « recommandation » en 1980.

Comme le reste des mesures prises à cette époque et depuis, les décisions ont des conséquences. En 2011, six Français sont morts de la rougeole. 15 000 autres en ont été atteints mais en ont réchappé. Un résultat pareil avec une maladie éradiquée trente ans auparavant, bravo le lobby !

Gilets jaunes ? Non : gringalets rouges-verts-bruns

Les Gilets jaunes originels protestaient contre l’injustice de l’enfer fiscal, qui les appauvrissait au présent en les culpabilisant pour le futur : un pouvoir aveugle voulait les priver de leur outil de travail, la voiture diesel, pour obéir à l’injonction ignorante, mais médiatisée, des bobos à vélo, dont l’horizon était la fin des temps.

Rien à voir avec les antivax, qui polluent aujourd’hui la vie sabbatique des citadins avec leurs manifs, et la vie quotidienne de leurs prochains avec leur refus infantile de toute contrainte.

Bébé ne veut pas du masque, paske c’est pas agréable. Bébé ne veut pas du vaccin paske ça pique. Bébé ne veut pas protéger les autres, paske Bébé, les autres, il les connaît pas et c’est lui d’abord, lui ensuite, lui toujours.

Si la France était une démocratie pleine, comme le sont 23 pays2, qui ne représentent que 8,4 % de la population mondiale, tous ses citoyens seraient égaux devant la loi. Hélas, notre pays est une « démocratie imparfaite », où les plus bruyants obtiennent toujours satisfaction, où les victimaires les plus médiatisés ne sont jamais sanctionnés pour leurs délits, où l’État est trop pusillanime pour user de la force légale et où il trouve toujours des excuses à ceux qui l’emploient illégalement.

La révolution, une culture, la révolte antivax, une inculture

Les ingénieurs américains sont de moins en moins nombreux dans la Silicon Valley, peu à peu remplacés par des Indiens et des Asiatiques, chinois ou coréens. Et les ingénieurs français ? Une exception, conséquence de l’exception française dont l’Hexagone est si fier.

Pourtant, nous n’avons pas de quoi pavoiser. D’ailleurs nous ne pavoisons plus qu’en cas de victoire au foot, la patrie étant le plus ringard des symboles mal-aimés depuis mai 1968.

Nous ferions mieux de faire profil bas et d’imiter nos voisins, mais alors, nous ne serions plus français ! En effet, la France dégringole avec une belle régularité dans les classements depuis un quart de siècle, aussi bien vis-à-vis des autres pays que par rapport à elle-même.

Ce qui permet de mesurer cette chute est l’étude PISA, acronyme de Programme international pour le suivi des acquis. Ce programme, mené par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres.

En 2020, l’étude PISA montre qu’en maths, les 5 % des meilleurs élèves français sont à peine au niveau des élèves moyens d’il y a 30 ans, et les élèves moyens au niveau des plus mauvais d’hier. C’est pareil en SVT (sciences naturelles) et encore pire en français et en philo.

Par rapport aux autres pays évalués, la France est la dernière d’Europe, et l’avant-dernière des pays de l’OCDE, juste avant le Chili (Libération).

L’exception française se traduit par la méthode utilisée pour combler ce retard culturel : plutôt que de forcer sur l’exigence, on a baissé le niveau général, si bien qu’en 2021, les résultats du bac ont été inversement proportionnels au niveau réel des élèves. 97,8 % de lauréats dans les séries générales, 94 % dans les séries technologiques et 86,7 % pour les Bacs pro (Ministère Éducation).

Quel rapport entre l’ignorance et le refus du vaccin ?

Élémentaire, mon cher Watson. Un journaliste l’ayant déjà formulé avec précision sur Tribune Juive, inutile de réinventer la roue :

« Investi des pouvoirs formidables que lui donnent les réseaux sociaux, l’imbécile patenté et encensé par l’Éducation Nationale se croit investi d’une mission : donner son avis sur les avancées les plus prodigieuses de la science, remettre en cause les études des plus grands chercheurs, défier la communauté scientifique. Il n’a, bien entendu, pas le début du commencement de la moindre compétence dans aucun domaine, à commencer par la médecine, ni le bagage théorique minimal pour comprendre ce qu’est une série statistique ou une probabilité. Ajoutant à cela une méconnaissance complète des grands mouvements de l’Histoire, il s’autorise à se comparer à un résistant, ou à voir dans nos gouvernants des apprentis dictateurs (Tribune Juive). »

Des étrangers peuvent s’étonner d’une autre exception française : la coexistence, dans notre société, d’une infantilisation stalinienne des citoyens, réduits à la dépendance aux aides sociales, et d’une idéologie profondément individuelle où le JE est instruit in utero de ses nombreux droits, mais imperméable au concept de « devoirs ».

C’est probablement pourquoi la famille de M. et Mme ToutLeMonde compte autant de membres persuadés de leur importance au point de croire le gouvernement intéressé par leur médiocrité. Dans le cadre de cette paranoïa, quel meilleur outil pour cette surveillance que le Pass sanitaire ?

Quand l’ignorance le dispute à la vanité…

Comme les fumeurs invétérés qui manifestent contre les OGM à cause d’un potentiel danger, les antivax font, lors des manifs, des selfies qu’ils postent sur Facebook ou Instagram, tout en hurlant

«  Le Pass sanitaire nous espionne !  Le Pass sanitaire est liberticide ! »

Ils étaient déjà farouchement opposés à la 5G et aux compteurs Linky, pour la même crainte irrationnelle d’être « pistés ». La vaccination leur offre une nouvelle raison de protester contre leurs échecs, personnels ou sociaux, et de manifester une inquiétude pour l’avenir, dont ils n’ont pas forcément conscience.

Comme chez les Gilets jaunes, les théories conspirationnistes ont droit de cité chez les antivax. Le rejet du vaccin n’est pas un hasard, pas plus que son acceptation par les citoyens qui se sentent encore appartenir à un ensemble national et liés par un destin commun.

Jean-Laurent Cassely, journaliste sur Slate.fr et intervenant régulier sur France Culture, a de l’indulgence pour les antivax. D’après lui, ils

« ont l’impression que ledit système joue sans eux, voire contre eux, et ils rejettent ses injonctions en raison de la nature de l’émetteur plus que du contenu même du message. Ces mécontents sont encore minoritaires, mais leur isolement croissant aggrave leur impression d’être montrés du doigt par la France des bons élèves (l’Express). »

… Elles sont souvent rejointes par l’antisémitisme

Lors de manifestations anti-pass sanitaire, des pancartes aux inscriptions antisémites ont défilé à Paris, à Metz et probablement ailleurs, largement approuvées par des pépieurs sur Twitter.

Mais, ô surprise, le gouvernement, qui attise en permanence l’antisémitisme en accusant l’État des Juifs d’inhumaine cruauté, s’est décidé, cette fois-ci, à réagir.

« Le préfet de Police porte ces faits de provocation publique à la haine raciale à la connaissance de la justice, au titre de l’art. 40 du Code de Procédure Pénale. »

Qu’est-ce qui est différent dans cette pancarte antisémite par rapport aux pancartes antisémites de tous les autres jours ?

Tous les autres jours, ces pancartes sont brandies par des islamo-gauchistes palestinolâtres. Aujourd’hui, c’est dans la main d’une ex-militante du FN qu’on l’a repérée.

Les Macronosceptiques feront valoir que la qualification de provocation publique à la haine raciale s’appliquait à la torture suivie de l’assassinat de Sarah Halimi aux cris de Allah Akhbar et de sourates du Coran, mais le règlement dit qu’on n’a pas à en tenir compte, puisque l’assassin du médecin juif retraité n’était pas de droite.

Au plan des faits et des chiffres,

« En 2019, 687 faits à caractère antisémite ont été constatés contre 541 en 2018, soit une augmentation de 27 %. S’agissant des faits antichrétiens, leur nombre est stable sur l’année, avec 1052 faits recensés, qui se décomposent en 996 actions et 56 menaces. Quant aux faits antimusulmans, leur nombre demeure relativement faible (154 faits, qui se décomposent en 63 actions et 91 menaces) (Gouvernement.fr). »

Puisque nos compatriotes sont officiellement nuls en maths, rappelons-leur que l’ensemble dont font partie les victimes est une donnée à prendre en compte : les 687 actes antisémites concernent une population de moins de 500 000 personnes et les 154 faits islamophobes en ont touché une qui est estimée entre 6 millions (par le gouvernement) et 12 millions (par les organisateurs).

L’antisémitisme de droite existe encore, SOS Racisme l’a rencontré. Soulagement.

« C’est un vrai test. Si je peux aller dans la rue écrire n’importe quoi sur n’importe qui, mettre en cause des gens, une communauté et en toute impunité, c’est le début du délitement social […] c’est un test qui est jeté et c’est à la justice d’y répondre. »

Dixit Patrick Klugman, avocat de SOS Racisme.

Tous les jours, il y a des gens qui taguent n’importe quoi sur les Juifs et cela ne fait pas une ligne dans les journaux. En revanche, qu’une feuille d’aloe vera soit identifiée sur du papier-Q comme une graphie d’Allah et des produits sont retirés de la vente pendant que d’humiliantes excuses sont publiées (voir « Le nez dans leur caca, certains découvrent Allah »).

En revanche, quand l’antisémitisme est droitier, tout l’éventail politique s’indigne.

Comment se fait-ce ? Un peu de pédagogie : sur la Terre, il y a 57 États musulmans propriétaires de quasiment tout l’or noir planétaire, dont les potentats n’ont rien d’autre à proposer à leurs populations soumises et incultes que la chasse aux Juifs.

Et puis aussi, devinez quoi qu’y n’y a ? N’y a un peuple juif, tout petit (14 millions d’âmes bien éprouvées par l’Histoire), qui n’a qu’un seul État, tout petit aussi, fondé vers 1000 av. J-C, colonisé, après 135 de notre ère, par tout ce que l’Antiquité, le Moyen Âge et le XXe siècle ont produit d’impérialistes, puis né à nouveau de ses cendres en 1948.

En plus des précédents, n’y a un petit pays, la France, qui fut autrefois grand par sa culture, son art de vivre et son rayonnement. Aujourd’hui en proie à un prurit auto-immun, la France se flagelle et pratique une politique suicidaire, privilégiant l’Autre et délégitimant tout ce qui a fait sa grandeur.

L’antisémitisme ne peut être que de droite

En France, on n’a plus le droit de réfléchir ou de débattre, seulement de réciter les mantras en novlangue dans le texte : la gauche c’est le bien (synonyme l’immigré), l’extrême-gauche c’est le bien au carré. La droite c’est le mal, le mâle, l’hétéro-normal, synonymes d’extrême-droite et de « on peut cogner, chef ! »

Tout ce que fait la gauche est bien, y compris quand ses nervis attaquent des synagogues (« dignes » et « incarnant mieux que personne les valeurs fondatrices de la République » en Mélenchon dans le texte – Libération). Tout ce que fait la droite est mal, surtout quand elle veut défendre ses citoyens en employant la violence légale. C’est encore plus insupportable quand cela se passe en Israël (dont la force est, par définition, disproportionnée) mais ce serait aussi valable en France (où la force s’exerce uniquement contre les citoyens respectueux de la loi, la loi étant respectueuse des autres).

Tant que l’antisémitisme est islamo-gauchiste, il n’est qu’une vue de l’esprit. L’esprit de « qui » ? M’enfin, ça tombe sous le sens : de ce que le chantre du Parti de Gauche nomme la « communauté agressive3 », celle qui a vu, depuis 2012, 13 de ses membres assassinés parce que juifs, celle qui concentre près de la moitié des violences racistes dans notre pays : de 2017 à 2019, le nombre d’actes antisémites a augmenté en France de 121 %. En 2019, les Français juifs, qui représentaient moins de 1 % de la population, ont subi 41 % des violences physiques racistes commises (Règle du Jeu).

L’affiche indigne accuse les Juifs, tous ou seulement certains d’entre eux, d’être des traîtres. On peut, on doit s’en indigner, car la porteuse de la pancarte est une authentique militante d’extrême-droite. Et les milliers de manifestants qui l’entourent, dont pas un seul ne s’en désolidarise, ce sont tous des militants d’extrême-droite ?

« Le passe sanitaire c’est le nouvel apartheid (NPA Aube) »

Ce slogan original et sobre a été ramassé sur le site du NPA. Il y a des idées qu’on trouve et d’autres qu’on ramasse. Pour racler celui-ci, il a fallu se baisser jusqu’au lumbago, mais on ne mégote pas sur la vérification des sources.

Il amène à se pencher aussi (aie !) sur les revendications des antivax.

Qu’est-ce qu’ils refusent ? Le pass sanitaire, qui permet aux gens vaccinés, c’est-à-dire protégés contre le virus, de se rendre dans des endroits publics, sans risquer de les transformer en clusters ?

Oui, mais non : leur argumentation tient au fait que le pass sanitaire établit de facto une différence entre les citoyens vaccinés et les autres. Ce serait recevable, si le vaccin était payant ou s’il n’était pas disponible en quantité suffisante pour toute la population. Mais ceux qui évoquent l’apartheid sont ceux qui REFUSENT de se faire vacciner, pas ceux qui sont victimes d’une interdiction de l’être !

Si l’on utilise leur « logique », l’apartheid existe déjà, entre les malades atteints du virus et les autres. Faudrait-il soigner tout le monde, malades et bien-portants, ou personne, pour ne pas encourir leur reproche ridicule ?

« Comment, Salomon ? Vous êtes juif ? »

Une autre question se pose : À quoi se réfère ce « Qui » ?

Qu’ont en commun des Juifs aussi différents que BHL et Soros ? Qu’est-ce qui les rapproche de Macron (qui n’est pas juif, à moins que les jésuites en soient une face cachée) ? Quel est le Salomon incriminé ? Celui incarné par Louis de Funès dans Rabbi Jacob faisait rire, ceux au QI ras de la moquette donnent plutôt envie de pleurer.

« Traîtres » accusent-ils les Juifs cités sur leur pancarte. Traîtres à qui ? En faisant quoi ? Certains de ces Juifs sont médecins, d’autres pas. Certains sont philosophes, d’autres politiciens, beaucoup sont français, un autre est américain immigré de Hongrie. Traîtres à qui, à quoi ?

La haine a ses déraisons que la raison ne connaît pas, mais que la médiocrité reconnaît comme sienne.

Cécile AttalMABATIM.INFO


1 Selon un bilan de l’AFP à partir de sources officielles, le 13 août 2021 à 10h00 GMT (TV5 Monde)

2 Norvège, Islande, Australie, Nouvelle-Zélande… (Economist)

3 Discours de J-L Mélenchon à Grenoble le 24 août 2014 (NPA Aube)

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