Be’hipazon avec précipitation…

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Pessa’h. La fièvre pré-Pessa’htique. Ça y est, nous y sommes. Tous nos efforts pour faire l’autruche n’ont donné aucun résultat… Le calendrier continue sa course folle, et du coup, nous aussi…

Toute la maison à vérifier

La chasse au ‘hamets est ouverte, et c’est une lutte terrible qui s’engage. On refuse sa présence de partout, il est traqué, anéanti.

Même les endroits où il est peu probable d’en trouver sont passés au peigne fin…

En haut des armoires… Mais non, il n’y a pas de ‘hamets là-bas ! Pourtant, en démontant l’armoire, on comprend que les enfants ont dû jouer à l’arc et aux flèches, en remplaçant les flèches par des spaghettis…

Les plafonds, c’est pareil, pas besoin de les astiquer… Mais quand on se décide tout de même à le faire, on comprend que le jet du ketchup peut atteindre des horizons inespérés…

 

menageC’est donc forte de ces expériences que l’on nettoie TOUTE la maison, sans faire confiance aux petits fascicules distribués pour calmer la frénésie, et qui stipulent que SEUL le ‘hamets doit être chassé, et non la poussière, avec une liste d’endroits ou de choses qu’on n’est pas obligé de vérifier… « Il faut préparer la maison pour Pessa’h, et non pas faire le ménage de printemps », qu’ils disent. Comment leur expliquer qu’une tartine peut être écrasée aussi finement qu’une crêpe pour passer inaperçue entre les deux pages d’un livre ? Sans compter que le livre en question est une Haggada de Pessa’h ! C’est un complot, vous dis-je !

Dans l’une des bouches d’aération de l’air conditionné, je trouve un gros morceau de gâteau… Peut-être sortait-il du four, et quelqu’un d’intelligent avait tenté de le faire refroidir rapidement, à la source… ?

Donc pas le choix, TOUT est à faire.

 

La course au ménage

produit menagerAlors je cours, je cours, je range du soir au matin, j’astique du matin au soir.

Entre deux cartons d’habits, je siffle un piéton qui tentait de garer en double file un paquet de bisli, bloquant ainsi la sortie des habits de son armoire, et remettant du ‘hamets à un endroit déjà fini…

En douane, je repère un autre enfant qui essaye de passer la frontière avec un bagage à main pour le moins douteux.

Je cours prendre le téléphone qui sonne, c’est Chira qui me demande où j’en suis dans le ménage. Sa maison est déjà prête pour Pessa’h, cuisine cachérisée, elle cuisine et congèle les desserts pour toute la fête, elle voudrait ma recette de dafina spéciale Pessa’h. Lui dire que le cahier de recettes de Pessa’h est à la cave dans les cartons de Pessa’h, qui sont loin d’être rapatriés à la maison, ou ne pas lui dire ? Telle est la question. Me mettre à pleurer en raccrochant, ou continuer à donner l’impression que je gère, je gère…. ? Telle est la seconde question.

 

Les enfants demandent ce que l’on mange ce soir. Quelle question ! On ne mange pas ! Qui pense à manger en ces moments fatidiques ?

Je retourne dans les chambres. Un tri sans répit s’opère. On jette, on jette. Je dois absolument finir deux chambres aujourd’hui. J’appelle les secours pour qu’ils m’aident un peu… Toi, descends les poubelles s’il te plait, toi aide-moi à remettre ce carton en haut, toi sors toutes les chaussures du tiroir…

 

Les listes de choses à faire ne finissent pas. Pour chaque corvée finie que je barre, j’en ai au moins deux à rajouter, auxquelles je n’avais pas pensé au départ.

J’ai la tête qui tourne, j’ai l’impression d’être dans un tourbillon. Un tourbillon de poussière, atchoum !

Ma belle-mère au téléphone, elle nous souhaite une bonne fête. Je commence à m’angoisser. C’est la dernière ligne droite… C’est dans combien de jours, Pessa’h, dites-moi…. ? Ou plutôt non, ne me dites rien, je préfère ne pas savoir… Je crois que je vais aller dormir, c’est le mieux à faire quand tout me monte à la tête…

La nuit, je rêve que l’on est assis le soir du Séder, on soulève le napperon qui recouvre les matsoth, et on voit deux grosses ‘haloth. Terrible, le cauchemar.

 

nettoyage de pessa'hLe lendemain, c’est reparti. En cuisine, les armoires sont éventrées, là aussi on jette, on jette. On lave, on lave. Tout ustensile qui a eu un contact quelconque avec le ‘hamets est passé à la Javel. Pas de pitié pour les croissants !

La fête approche, les enfants reviennent avec des dessins, des coussins pour leïl haSéder, il faut vite leur trouver une place sûre pour qu’ils ne se salissent pas et ne se ‘hamétsisent pas. Je ne vois qu’une seule solution, chez ma mère. Là-bas, tout est propre toute l’année.

 Le ‘hipazon de la sortie d’Egypte

En lui apportant les jolies réalisations, je tombe sur un dessin en forme de montre, où il est inscrit « Veakhaltem oto be’hipazon« . C’est le verset qui parle du qorban Pessa’h. On doit le consommer rapidement. Car Hachem a fait sortir les Bené Israël rapidement. Et ils n’ont même pas eu le temps de faire monter leur pâte, d’où les matsoth

Je m’imagine en Egypte. On me dit de faire vite, il faut tout abandonner, et partir. Pas le temps de faire le pain. Cela ne m’aurait pas étonnée outre mesure. On a l’habitude de vivre avec le stress. Moi aussi, comme en Egypte, je suis parfois obligée d’enfourner mon pain à moitié levé, parce que je dois sortir. Et aujourd’hui, je ne peux pas finir de nettoyer le placard de la cuisine, parce que j’ai rendez-vous chez le dentiste pour un des enfants. On est régulièrement acculé, pressé, on passe d’une chose à l’autre. Le ‘hipazon, l’empressement, cela fait partie de nos vies. Constamment. On court pour tout.

Pourtant, le verset m’interpelle. D’abord je me dis qu’il s’adressait certainement aux hommes ou aux enfants, qu’il fallait presser pour sortir rapidement. Les femmes étant toujours en ‘hipazon, il était inutile de le leur préciser. Mais ensuite, je me dis que c’est peut-être le contraire. Hachem parle peut-être justement aux femmes… Et Il leur dit « cette fois-ci, Je le précise, on a besoin du ‘hipazon« . Sous-entendu que d’habitude, il n’a pas lieu d’être…

Oublions un peu le ‘hipazon

La Torah étant éternelle, ce message est à priori valable même pour notre ère moderne et notre année 2014… Et cela signifierait alors… Que le ‘hipazon n’a pas de raison d’être, si ce n’est à Pessa’h, où l’on est sorti d’Egypte rapidement, et où l’on doit donc finir de consommer le qorban, ou l’afikoman, avant minuit (‘hatsoth). On ne parle donc pas du ‘hipazon de la fièvre d’avant Pessa’h. Et encore moins de la vie de tous les jours où, apparemment, rien ne devrait ressembler au ‘hipazon

En temps normal, on ne devrait donc pas être be’hipazon. On devrait prendre le temps de manger sans regarder la montre. Prendre le temps de raconter une histoire aux enfants sans prendre le téléphone qui sonne sans arrêt. Prendre le temps de sourire aux voisines sans courir après l’autobus qu’on risque de rater. Peut-être qu’on pourrait ainsi mieux apprécier les moments importants. Les personnes qui comptent pour nous. Et on serait aussi plus appréciée.

Cela me rappelle la femme qui dit le soir à son mari : « Je n’en peux plus, je ne me suis pas assise de toute la journée « . Bon, l’histoire ne dit pas si c’était avant Pessa’h… Mais peu importe, Pessa’h ou pas, on n’a pas le temps de s’asseoir… Ni de manger… ni de s’occuper de soi….

A priori, si on demande à la femme ce qu’elle voudrait que son mari lui réponde, cela donnerait à peu près ça : « Ma pauvre, tu travailles tellement dur, tu es une femme exemplaire, vraiment ! Tu te donnes pour la maison et la famille, sans faire attention à ta santé ou à ton bien-être ! Tu mérites de te reposer dans un hôtel cinq étoiles, au bord de la piscine, à siroter une citronnade ».

En pratique, la réponse d’un mari normal diffère beaucoup de cette version.

En entendant que sa femme ne s’est pas assise de la journée, il lui répondra simplement « Eh ben, assieds-toi ! »

 

Pessa’h est peut-être le pire moment pour prendre de la graine de cette réplique, car qui a le temps de s’asseoir ? Mais peut-être aussi, paradoxalement, le meilleur moment pour se dire que le « ‘hipazon« , ce n’était que pour la sortie d’Egypte… Et à aucun autre moment…

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