Ces concessions inédites pour une paix fragile

Ces concessions inédites pour une paix fragile

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Dans les négociations actuelles entre Israël et le Hamas, un basculement dans la chronologie des concessions — et non seulement leur contenu — semble avoir été déterminant pour aboutir à un cessez-le-feu. Contrairement aux phases précédentes de pourparlers, chacune des parties a accepté de faire des gestes qu’elle rejetait jusqu’alors, ouvrant la voie à une trêve qui pourrait durer.

Pendant des mois, Israël s’était refusé à cesser ses bombardements avant d’obtenir des engagements clairs du Hamas. Mais récemment, l’armée a interrompu ses tirs pendant plusieurs jours sans gain tangible en retour, un arrêt qu’elle n’aurait jamais accepté auparavant. Ce silence militaire a duré cinq jours, pendant lesquels Israël a accepté de ne pas frapper, en espérant qu’un accord verbal suffise. En outre, si les premiers otages sont relâchés lundi, cela signifierait que le pays aura laissé passer neuf jours entiers sans riposte avant d’obtenir quoi que ce soit de concret. C’est une rupture nette avec la doctrine antérieure, qui exigeait que les hostages soient libérés avant tout cessez-le-feu.

De l’autre côté, le Hamas a concédé quelque chose d’encore plus radical : la libération de tous les otages restants, et ce, simultanément. Jusqu’à maintenant, il envisageait souvent de retenir quelques captifs pour préserver un levier stratégique, ou de conditionner les libérations à un retrait total immédiat d’Israël. Mais sous la pression de médiateurs tels que le Qatar, l’Égypte ou la Turquie, ainsi que les encouragements (voire les exigences) de l’administration américaine, le Hamas a accepté de rendre tous les otages vivants ou morts en une seule fois, avant tout retrait complet de Tsahal.

Aussi paradoxal que cela paraisse, Israël a finalement toléré que la guerre soit déclarée terminée sans avoir totalement désarmé le Hamas — une concession stratégique majeure. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait pourtant proclamé en diverses occasions que la guerre ne cesserait que lorsque le Hamas serait « anéanti » ou « désarmé complètement ». Mais sur le terrain, le Hamas a été militairement défait : les 24 bataillons structurant son appareil militaire ont été démantelés. Ce qui subsiste aujourd’hui ce sont des cellules de guérilla isolées, incapables de menacer Israël à grande échelle — bien que certaines frappes de faible intensité ou infiltrations ponctuelles subsistent.

Par ailleurs, Israël a largement neutralisé la direction du Hamas au fil du temps, en éliminant successivement les chefs majeurs — Mohammed Deif, Yahya Sinwar, Mohammed Sinwar, Marwan Issa, Ismail Haniyeh, parmi d’autres, ont été tués au cours de la campagne. Ceux qui restent — comme Izz al-Din Haddad ou Raed Saad — semblent désormais tolérés à Gaza plutôt que expulsés, ce qui marque une inflexion dans les objectifs initiaux d’Israël d’éradiquer toute direction du Hamas.

Sur le terrain de la souveraineté territoriale, le Hamas a aussi accepté que certains périmètres de Gaza restent sous surveillance israélienne après le cessez-le-feu. Plutôt que d’exiger une évacuation totale de Tsahal, il a toléré qu’Israël maintienne une zone tampon de sécurité, d’une profondeur pouvant aller de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres dans certaines zones. Israël, de son côté, a obtenu un retrait partiel, mais conserve le droit d’intervenir ponctuellement — notamment via des raids ciblés ou des frappes de drones — pour neutraliser les cellules résiduelles du Hamas.

Enfin, les modalités d’après-guerre restent sujettes à négociation, notamment sur l’administration de Gaza, le rôle d’une force de sécurité internationale, la reconstruction, la supervision par des États tiers, et la gouvernance locale. Le plan de paix en plusieurs étapes proposé par les États-Unis prévoit que la première phase inclue un échange d’otages, une réduction militaire israélienne, et une montée de l’aide humanitaire, avant de s’orienter vers des étapes plus ambitieuses. Si ces compromis sont respectés, ils traduisent un pragmatisme nouveau de la part d’Israël et du Hamas, et un avantage stratégique persistant pour Israël, dont l’objectif de sécurité est renforcé par les concessions des deux camps.

Depuis le nouvel accord, les troupes israéliennes ont commencé leur repli de certaines zones de Gaza, et l’entrée d’aide humanitaire accrue est planifiée. Le Hamas de son côté s’est engagé à libérer 48 otages en échange de centaines de prisonniers palestiniens, et Israël libérera des détenus, notamment des femmes et des enfants. Ces gestes réciproques montrent que l’équilibre négocié n’est pas symétrique, mais qu’il repose sur la capacité d’Israël à maintenir ses gains stratégiques tout en acceptant des compromis sur la forme de la paix.

Jforum.fr

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