Espagne : Toréer les Juifs, encenser les tyrans : l’Espagne a oublié ses crimes,...

Espagne : Toréer les Juifs, encenser les tyrans : l’Espagne a oublié ses crimes, pas son orgueil

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Mabatim – Serge Siksik

Il y a des pays qui se repentent, d’autres qui assument leur noirceur, et puis il y a l’Espagne. Elle, continue de faire claquer ses castagnettes sur les ruines d’un âge d’or juif qu’elle a elle-même immolé. Elle joue du flamenco sur les cendres d’Abrabanel, se pavane dans les arènes de son Histoire, mais ce ne sont plus les taureaux qu’on y égorge, ce sont les vérités.

L’Espagne aime à rappeler son héritage juif… après l’avoir traqué, humilié, converti de force, expulsé, brûlé. Elle distribue tardivement quelques passeports aux descendants des bannis de 1492, comme on jette un os à un chien après l’avoir abattu.

Elle célèbre Cordoue, Salamanque, Tolède, mais oublie de dire qu’elle a toréé ses Juifs plus souvent qu’elle n’a combattu ses tyrans.

Le paradoxe est glaçant : comment la terre espagnole, qui enfanta, abrita ou inspira des géants de lumière — Samuel ibn Nagrela à Grenade, Salomon ibn Gabirol à Malaga, Bahya ibn Paquda à Saragosse, Juda Halévi et Abraham ibn Ezra à Tolède, Moché Maïmonide à Cordoue, Abraham Aboulafia à Saragosse, Moïse de Léon à Guadalajara, Hasdaï Crescas à Barcelone, Yossef Albo à Monreal de Campo, Isaac Abravanel né à Lisbonne, mais conseiller des rois catholiques à Tolède et Séville –, a-t-elle pu sombrer dans l’abîme de l’Inquisition, puis persévérer, siècle après siècle, dans la haine, sous des formes plus modernes, plus policées, plus « progressistes » ?

Le Rambam enseignait que « la grandeur d’un peuple se mesure à la manière dont il traite ses justes ».

L’Espagne n’a pas seulement trahi ses justes : elle les a réduits au silence, au feu, à l’exil, avant de les ériger en vitrine culturelle. C’est cela, l’indignité maquillée.

Mais le mépris espagnol pour les Juifs ne commence pas avec l’Inquisition.

Dans l’Épître au Yémen du Rambamil y est rapporté un fait redoutable : lors de la destruction du Premier Temple, Nabuchodonosor appela à l’aide plusieurs rois, dont un souverain ibérique, seigneur de Sefarad, l’Espagne. Ce dernier participa à l’assaut contre Jérusalem et reçut en « butin » les habitants d’un quartier où vivaient des érudits, des nobles, des descendants de la maison de David. Ils furent emmenés de force en Espagne. Ainsi débuta l’histoire juive d’Espagne : non dans l’accueil ou la lumière, mais dans la déportation, la collaboration et la honte.

Et si l’Espagne n’avait pas persécuté ses Juifs malgré ce qu’ils lui avaient offert… mais précisément à cause de cela ?

Car il est parfois plus facile de haïr ceux à qui l’on doit tout, que de reconnaître sa dette. Comment supporter d’avoir chassé ceux qui vous ont illuminé ? Comment vivre avec l’idée que la richesse, l’intelligence et la finesse de votre culture doivent tant à ceux que vous avez condamnés au feu ?

La Tora ordonne pourtant : « L’étranger qui réside parmi vous sera comme un indigène, et tu l’aimeras comme toi-même » (Lévitique 19,34).

Mais en Espagne, ce verset n’est jamais parvenu à la cour des rois, il est resté bloqué en mer ! On a préféré inventer la limpieza de sangre, la « pureté de sang » (chrétien) sans « contamination » juive pour garantir l’exclusion permanente. Le Juif pouvait tout être : médecin du roi, astronome, philosophe… sauf Espagnol.

Et aujourd’hui, en 2025, l’Espagne continue d’encenser les tyrans et de toréer les Juifs. Ce ne sont plus les inquisiteurs en robe rouge, mais des députés bien peignés qui acclament les criminels du ‘Hamas et dénoncent Israël à chaque occasion. Ils hurlent à la justice comme hier on hurlait à l’hérésie.

Les arènes sont parlementaires, les banderilles sont idéologiques, mais la cible reste la même : le Juif, le sioniste, l’enfant de David.

Ironie macabre : en offrant en 2015 la nationalité à certains descendants de Juifs sefarades, l’Espagne a cru solder sa dette avec un tampon administratif.

Trop peu, trop tard. Car on ne répare pas l’exil avec un décret, ni les bûchers avec un drapeau.

Et pendant qu’elle encense les tyrans contemporains, l’Espagne rejoue la partition de l’infamie sans même la honte qui, parfois, rachète une trahison.

On prétend que l’Histoire ne se répète pas. C’est faux.

Elle bégaie, inlassablement. Et quand elle bégaie en Espagne, c’est toujours sur le même mot : Juif.

Et toujours avec les mêmes gestes : toréer, mépriser, accuser.

Mais que l’Espagne le sache, les Juifs n’ont rien oublié.

Ni le quartier de Jérusalem volé à ses ancêtres, ni la grandeur qu’ils lui ont offerte. Et comme dit le Talmud : « Celui qui se souvient du passé construit l’avenir. »

L’Espagne a troqué sa mémoire contre l’orgueil. Elle a conservé ses arènes, ses cris, ses capes rouges et sa sangria, cette boisson liturgique païenne où l’on célèbre le sang versé. Elle a caressé ses tyrans, encensé ses bourreaux, et scellé ses crimes dans le silence.

Mais en effaçant les Juifs, elle a éteint la lumière et en refusant de se souvenir, elle a condamné son avenir.

Serge Siksik, MABATIM.INFO

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