Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Il n’y a pas de jour sans que des échanges de tirs aient lieu en Cisjordanie. Le Shabak, la sécurité intérieure, protégé par l’armée qui quadrille en permanence la région, procède à des arrestations préventives de Palestiniens souvent membres du Djihad islamique. Cette situation de tensions, qui frise parfois l’émeute, ne peut pas être acceptée par le gouvernement d’autant plus que l’Autorité palestinienne reste passive devant ces escarmouches croissantes. Elle est soit complice, soit impuissante face à des émeutiers déterminés. Les affrontements armés ont lieu tous les jours au contact des troupes d’élite israéliennes. Jusqu’à présent les troubles se manifestaient dans ce qui est le cœur de la contestation, au camp de réfugiés de Djénine et dans la vieille ville de Naplouse. Mais ils s’étendent jusqu’au camp de Balata à Naplouse, au camp d’Al-Faraa près de Tubas, au village de Rujib près de Naplouse, au village de Silwad près de Ramallah et dans les villes de Burqin et Qabatiya près de Djénine.
Les Palestiniens surarmés redoublent d’audace, en particulier la dénommée Brigade de Naplouse, puisqu’un bus transportant des soldats a été visé sur la route entre Naplouse et Qalqilya entrainant sept blessés. Tsahal a considéré que cette attaque était un changement qualitatif dans la stratégie des groupes armés palestiniens. Pour l’instant, les Palestiniens sont toujours arrêtés après leurs attaques grâce aux systèmes de surveillance mais ils persistent dans la volonté d’en découdre. Le même jour, un poste de contrôle militaire près de Ramallah a été attaqué et quatre soldats blessés. L’armée a reçu des ordres d’engagement moins restrictifs ; elle peut tirer à vue sur des hommes armés. Mais malgré cela, le nombre de morts est très limité eu égard à la violence des échanges. Le 7 septembre, un Palestinien a été tué dans le camp d’al Faraa.
Tsahal n’hésite pas à mettre les gros moyens lorsqu’il le faut. Un Palestinien a été tué après que les forces israéliennes ont pris d’assaut à l’aube la ville de Djénine, dans le nord de la Cisjordanie, à travers plusieurs axes après avoir fermé plusieurs entrées. Des tireurs d’élite ont été déployés sur les toits de certains immeubles de la ville. Le gouverneur de Djénine, Akram Rajoub, a déclaré à la télévision que plus de 100 véhicules militaires ont pris d’assaut la ville avec l’intention de démolir la maison d’un terroriste palestinien, Raad Khazem. Il était à l’origine de la fusillade à Tel Aviv en avril qui avait fait trois morts israéliens. Malgré des affrontements violents en plusieurs endroits de la ville, seuls 16 blessés par balles, souvent dans les jambes, ont été dénombrés.
Deux jeunes terroristes, barricadés dans une maison du village de Rujib, ont tenu des heures face à l’armée qui a refusé d’user de missiles pour la détruire. Les échanges ont cessé faute de munitions et les jeunes se sont rendus, après avoir abandonné leurs armes sachant que Tsahal ne vise pas des hommes désarmés. L’armée a révélé le bilan des 60 fusillades entre janvier et fin août qui ont aussi fait des victimes parmi les habitants des implantations, sur onze points de confrontation. Il s’agit d’une très forte hausse depuis 2021. Elle a déjoué 220 attaques cette année.
Le Djihad islamique n’hésite plus à provoquer, voire à menacer ouvertement Israël. Khader Adnan, haut responsable, a déclaré : «La résistance armée en Cisjordanie se développe. Elle a atteint les parties centrales de la Cisjordanie, ouvrant la voie à son expansion dans toute la Cisjordanie. Jusqu’à présent, la résistance en Cisjordanie implique des jeunes qui ont été influencés par ceux qui sont tombés en martyrs dans le camp de Djénine et à Naplouse, et elle n’a pas encore pris un caractère organisationnel. Cela nécessite des efforts de toutes les factions pour fournir les capacités nécessaires à tous les combattants de la résistance. De plus, les arrestations, assassinats et poursuites quotidiennes menées par l’occupation lors de ses raids sur les villes, villages et camps palestiniens, et la coopération sécuritaire entre Israël et les services de sécurité palestiniens empêchent une confrontation à grande échelle».
Ces troubles qui se développent partout sont la preuve du déclin de Mahmoud Abbas et de ses policiers. Il semble bien que l’objectif du Djihad ne soit pas Israël mais la prise de pouvoir en Cisjordanie. A chaque arrestation de terroristes, le Shin Bet découvre quantités d’armes, de mitrailleuses et d’explosifs. C’est pourquoi Tsahal mène des actions préventives pour empêcher des attentats. Le gouvernement envisage la construction d’une barrière en dur entre la Cisjordanie et Israël car le passage y est libre à certains endroits. Ronen Bar, chef du Shin Bet, le service de renseignement et de sécurité générale intérieure, vient d’annoncer : « Nous avons déjoué 312 attentats terroristes importants, des coups de couteau, des fusillades, des attentats-suicides et avons procédé à 2110 arrestations». Il se dit prêt à aider l’AP à se renforcer si elle le souhaite car elle montre une incapacité totale à gouverner les zones nord de Cisjordanie. Il a affirmé que l’Iran était à l’origine de la plupart des actions terroristes.
Israël s’attend à une escalade importante dans les semaines à venir. Si l’Autorité palestinienne ne prend pas part à la répression des terroristes et si les attaques augmentent, Tsahal envisage sérieusement une opération militaire de grande envergure dans le nord de la Cisjordanie avec utilisation de chars et mobilisation des combattants réservistes. Ces troubles organisés pourraient en effet donner des ailes au Hezbollah qui interprèterait l’attitude de Tsahal comme une faiblesse. Israël craint une Intifada qui prendrait naissance au nord de la Cisjordanie pour dégénérer à travers toute la région. Tsahal fait à présent face à des hommes lourdement armés qui pourraient utiliser des missiles. Envahir la Cisjordanie pour déloger le Djihad islamique est une option d’actualité.