« La Fin des Juifs de France ? » : Une enquête sur l’antisémitisme

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« La Fin des Juifs de France ? » : Une enquête percutante sur l’antisémitisme

Co-écrit par Didier Long, théologien et ancien moine bénédictin, et Dov Maïmon islamologue et chercheur au Jewish People Policy Institute, « La Fin des Juifs de France ? » est sans doute l’un des meilleurs ouvrages sur la question de l’antisémitisme en France. Particulièrement documenté, précis et fort bien écrit.

avec Emmanuel Razavi

Paru en mai 2025 aux éditions du Cherche Midi (208 pages, 19,50 euros), « La Fin des Juifs de France ? » est une enquête au long cours, fruit d’une année d’investigations s’appuyant sur des entretiens avec des politiques, des juges antiterroristes, des policiers, des leaders religieux et de simples citoyens, ainsi que sur des rapports des services secrets français et israéliens. Ce livre, d’une rare précision, analyse la poussée exponentielle de la fièvre antisémite en France.

Autant le dire tout de suite : l’ouvrage, extrêmement documenté, doit nous alerter. On pourra dire un peu trop vite que c’est « un livre choc ». Mais c’est bien plus que cela. « La Fin des Juifs de France ? » est une autopsie de notre société, le récit glaçant d’une France malade de l’antisémitisme au moins autant que de l’islamisme. Déclenchée par l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, qui a provoqué une hausse de 1 000 % des actes antisémites dans les semaines suivantes selon le ministère de l’Intérieur, l’enquête interroge, à partir de constats édifiants, l’avenir des Juifs en France. Les auteurs l’assurent : « Nous comptons 440 000 Juifs en France. Nous sommes loin des 650 000 des années 1970 », soulignant un déclin démographique lié à l’insécurité et l’émigration (6 000 départs vers Israël en 2024, selon l’Agence juive).

Le thème central de l’enquête repose sur la menace existentielle qui pèse aujourd’hui sur la communauté juive, dans un contexte de montée de l’islamisme, de tensions géopolitiques au Moyen-Orient, et de fractures sociales profondes dans notre pays. Long et Maïmon dissèquent au scalpel, les formes modernes de l’antisémitisme – comme l’antisionisme radicalisé, la haine en ligne, influence des Frères musulmans – et leurs manifestations: graffitis, agressions, attentats contre des synagogues. L’enquête dénonce l’inaction des pouvoirs publics, notamment d’une justice qui, selon les auteurs, « reconnaît difficilement l’antisémitisme », avec seulement 25 % des auteurs de crimes antisémites sanctionnés et des statistiques officielles ne reflétant que 20 % des incidents réels.

Il faut bien le reconnaître : l’antisémitisme, qui a traversé le temps, des persécutions de l’inquisition espagnole à Vichy, en passant par la Rome antique, connaît un renouveau aussi sidérant qu’effrayant, exacerbé par l’importation du conflit israélo-palestinien depuis le pogrom du 7 octobre 2023.
En 2024, 1 570 plaintes pour actes antisémites ont été enregistrées, contre 436 en 2022, selon le ministère de l’Intérieur !

Les auteurs le rappellent dès lors avec gravité : « Le 17 octobre 2024, on apprend par la chaîne de télévision anglaise BBC que l’Iran a recruté des membres de l’un des plus gros gangs suédois, pour mener des attaques contre des intérêts israéliens ou juifs dans ce pays. Idem au Danemark. Et en France aussi, de nouveaux attentats étaient planifiés. Ce qui fera dire à la DGSI que « la menace s’est encore aggravée […] dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas »

Les auteurs ne font l’impasse sur rien, pointant du doigt le manque de réaction des institutions de la République face à un fléau qui menace bien plus que le fameux « vivre ensemble » : notre société tout entière.

Ils citent un rapport édifiant du Renseignement intérieur de 2018 : « 53 % des Français de confession musulmane pratiquent un islam “conservateur”, voire autoritaire” qui confine à une forme de sécessionnisme politique et social pour 28 % d’entre eux ». Dans 800 quartiers sensibles, dont 300 zones de « non-droit », selon la DGSI, l’antisémitisme prospère.

La DGSI, qui compte 5 000 agents « alors qu’il faut 16 agents pour surveiller un seul individu », manque de ressources humaines et techniques pour surveiller les 1 600 profils menaçants qui pourraient passer à l’action et commettre un attentats. « La surveillance des personnes radicalisées est finie depuis longtemps, faute de moyens », confie un ancien stratège du contre-terrorisme, alors même que Pierre Brochand, l’ex-patron de la DGSE, alertait en 2019 sur un choc entre « l’islam et la République », lié à l’immigration.

Dans ce contexte, les auteurs nous disent que les Juifs de France « traumatisés » se replient désormais sur eux. « 25 % de la population juive de France vit dans quatre arrondissements de Paris : le 16e, le 17e, le 19e et le 20e. Dans le premier cité, il y a actuellement 25 000 âmes juives, 40 000 dans le second. 40 000 dans les deux derniers aussi. Ainsi, les Juifs pensent qu’ils pourront s’entraider au cas où. »

« La Fin des Juifs de France ? » est un document révélateur d’une société embourbée dans des temps obscurs, dirigée par des élites politiques incapables de protéger leurs concitoyens juifs de la barbarie animale propagée par des groupuscules d’idéologues dangereux, et des islamistes aux cerveaux ravagés par la haine de l’Occident. « Les Français juifs sont directement visés et se savent menacés. Alors ils se demandent comment partir. Les visas pour le Canada et les US sont compliqués à obtenir. La Roumanie ? Le Portugal ? Au Consistoire, la demande de certificat de judéité, qui permet d’obtenir la nationalité israélienne, a explosé. À Sarcelles en tête. »

Le livre, et c’est là sa force des deux auteurs, n’évite aucune question qui fâche. En le refermant, on est sonné. Et l’on se demande si c’est bien de la France de 2025 dont ils nous parlent.

Didier Long et Dov Maïmon publient « La Fin des Juifs de France ? » aux éditions Le Cherche Midi

Source: atlantico.fr
JForum.fr

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