«Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Vayikra 19,18).
J’ai entendu de l’Admour de Klausenbourg zatsal, que lorsque les frères vertueux, rabbi Elimélekh de Lizensk et Rabbi Zoucha d’Antipoli partirent en exil, le satan s’aperçut qu’à chaque endroit où ils se rendaient, ils faisaient faire Techouva aux résidents des lieux. Le satan intervint et leur demanda de cesser leurs voyages et les menaça que si ce n’était pas le cas, il s’en prendrait de toutes ses forces à eux. Ils répondirent qu’il était libre d’agir comme bon lui semblait, mais de leur côté, ils poursuivraient leur mission.
Plus tard, le satan revint à la charge et les menaça : s’ils ne cessaient pas leurs activités, il ferait en sorte de soumettre des ‘Hassidim et des rabbanim. Ils eurent beaucoup de peine et pleurèrent, comprenant que dans ce sillage, il régnerait une confusion, rendant difficile la distinction entre l’appartenance à la sainteté et au sitra a’hra (le mauvais penchant), que D’ préserve, mais ils maintinrent leur position, réaffirmant leur engagement à poursuivre leur mission.
Au bout d’un certain temps, ils arrivèrent dans la localité d’Ouchpitsine, traversée par un fleuve surmonté d’un pont. Lorsqu’ils se trouvèrent sur le pont, le satan se présenta avec une épée en main et leur lança : « Ne traversez pas, de peur que je lance l’épée contre vous ». Rabbi Zoucha dit à son frère : « Continuons, on ne lui demande pas l’autorisation », mais rabbi Elimélekh lui demanda de faire demi-tour. Les deux hommes retournèrent sur leurs pas et ne traversèrent pas le pont.
Par la suite, ils virent quelque chose d’extraordinaire se produire : du côté de la ville, où les frères avaient passé, grandirent des Juifs vertueux et craignant D’ (notre illustration : un Beth haMidrach « Lomdé Michnayoth » de cette ville), et dans la seconde partie de la ville, tous les Juifs s’assimilèrent. Cette tendance se répéta au fil des années, jusqu’à la destruction des Juifs d’Europe pendant la Shoah, bien que la seule chose qui les sépara fût un pont. Pendant la Shoah, les nazis y construisirent le camp d’Auschwitz, du côté de la ville d’Ouchpitsin où le satan n’avait pas permis aux frères Tsadikim d’entrer, au lieu où la Klipa (écorce) était la plus solide.
De ce récit, nous déduisons combien il nous importe d’œuvrer pour ramener des Juifs à la Tora et aux Mitsvoth.
Les Tsadikim ne s’arrêtèrent pas dans leur mission, même lorsque le satan usa de divers stratagèmes et de menaces : ils se rendaient dans les lieux où la Klipa était la plus solide.
À ce sujet, nous connaissons cet adage de nos Sages, stipulant que la faute d’un homme qui fait fauter son prochain dépasse celle de celui qui le tue. En effet, la faute porte atteinte à l’âme, et l’essentiel de l’homme est son âme éternelle, et non son corps, créé uniquement pour être au service de l’âme dans le temps qui lui est imparti dans ce monde. De ce fait, celui qui mérite de sauver des âmes juives accomplit ainsi la Mitsva d’aimer son prochain comme soi-même et prodigue la plus grande bonté possible.
C’est la règle indiquant que lorsqu’on sauve des hommes, les autres Mitsvoth sont reportées, comme l’indique le livre du Chla Hakadoch, qui l’inclut dans la Mitsva de : « Tu ne seras pas indifférent au sang de ton prochain » : si l’obligation de sauver une personne sur le plan physique nous a été attribuée, à plus forte raison est-ce le cas pour sauver son âme.
En conséquence, si quelqu’un n’est pas en mesure d’enseigner soi-même la Tora et le judaïsme aux autres, il pourra au moins contribuer à ces causes sur le plan financier. Le ‘Hafets ‘Haïm, dans son ouvrage ‘Homat Hadath, explique que de la même façon que lorsqu’un homme voit un autre homme se noyer dans un fleuve, même s’il ne sait pas nager lui-même, il a l’obligation de recruter des personnes qui savent nager pour le sauver, de même, lorsqu’il voit d’autres personnes se noyer dans l’océan des convoitises qui détruisent la vie de l’homme dans ce monde et le Monde à venir, il faut payer des personnes compétentes, capables de les attirer vers Hachem, afin de les sauver.
Nous remarquons qu’Avraham Avinou, qui incarnait le ‘Hessed par excellence, s’impliquait surtout dans l’action de rapprocher des personnes éloignées, comme on le déduit des propos de Rachi sur le verset : « Et tous les gens qu’ils avaient acquis à ‘Haran » : ils les avaient fait entrer sous les ailes de la Chekhina (Présence divine), Avraham convertissait les hommes et Sara, les femmes, de sorte que le Texte leur en tient compte comme s’ils les avaient faits.
Le Zohar explique que l’homme doit s’efforcer davantage d’œuvrer dans le domaine de la Tsedaka spirituelle, en enseignant à un homme privé de conscience juive en l’initiant à la crainte du Ciel, encore plus que dans la Mitsva de Tsedaka, en soutenant financièrement un indigent.
Dans l’ouvrage Or’hoth Tsadikim, l’auteur affirme qu’il faut faire preuve de générosité avec ses connaissances en Tora, en enseignant à chaque Juif à se rapprocher de D’, et celui qui rapproche un homme de la vie future effectue le plus grand geste de générosité qui soit.
Le Gaon de Vilna affirme que c’est le sens des propos de rabbi ‘Akiva : « Aime ton prochain comme toi-même est une règle capitale dans la Tora » : pour les autres sujets, il n’y a pas lieu d’affirmer que l’on doit aimer son prochain comme soi-même : on n’a pas l’obligation de lui donner la moitié de ses biens et de sa fortune. En effet, il nous est demandé de ne pas donner plus d’1/5ème de nos biens. Mais en revanche, lorsqu’on enseigne la Tora à notre prochain, on ne perd rien, et il est juste de dire : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », au sens propre.
Le rabbi Yehonathan Eibeshitz, dans son ouvrage Ye’aroth Dvach, met en cause la haine gratuite, à l’époque de la destruction du Temple : ils n’ont pas appliqué le principe de Ahavath Israël en les initiant à la spiritualité, et ainsi, ils ont commis de nombreuses fautes, qui ont enclenché la sanction : la destruction du Temple. Il conclut en expliquant qu’à notre époque, où il existe de nombreuses initiatives de Tsedaka et de ‘Hessed pour les pauvres, celles en faveur de l’âme sont peu nombreuses : or, c’est la plus forme de Ahavath Israël la plus élevée, et il y a lieu de rectifier ce point.
C’est le sens de la parole adressée par D’ à chaque membre du peuple juif : « Tu aimeras ton prochain » : aime ton prochain en ce sens qu’il voie : « comme toi-même, Je suis l’Éternel » : qu’il sache, tout comme toi que : « Je suis l’Éternel. »
Chavoua tov !