« Yaakov arriva ensuite à Chalem (…) et il se fixa à l’entrée de cette ville » (Beréchith 33,18).
Le roi Chelomo affirme, dans sa grande sagesse (Michlé 3,34) : « Se trouve-t-il en présence de railleurs, il leur oppose la raillerie, mais il accorde sa bienveillance aux humbles » : si un homme est attiré par les railleurs, il fera lui aussi partie de ceux qui se moquent, ce qui n’est pas le cas s’il se lie à des humbles, car au final, il trouvera grâce aux yeux des hommes.
En voici l’explication : si un homme est un railleur et que toutes ses actions visent à se vanter et à plaire aux autres, même s’ils sont contraints de lui accorder du respect en sa présence, ce n’est que superficiel, car, derrière son dos, ces railleurs se moquent de lui, ce qui n’est pas le cas d’un homme humble, dont les actions sont désintéressées et dont le but élevé consiste à accomplir son devoir dans le monde. Il est admiré et ses actions plaisent à tous.
J’ai entendu à ce sujet de mon me’houtan (parents de mon gendre), l’Admour de Vijnitz zatsal, un récit qu’il avait entendu de rabbi Chelomo Eliézer Wiesel zatsal, rav de Tarniva, qui l’avait entendu du protagoniste de l’histoire : il était l’enseignant de Rabbi Chalom de Sakal zatsal, dans sa jeunesse, dans la localité de Belz et après son mariage avec la fille du rabbi, auteur du Ahavath Israël de Vijnitz zatsal, on l’envoya à Vijnitz pour qu’il continue à étudier là-bas avec lui. Pour les Jours redoutables, il rentra chez lui à Belz, et lorsqu’il s’apprêta à prendre congé de son rav, le rabbi de Belz zatsal, avant de prendre la route pour Vijnitz, le rabbi lui demanda d’attendre quelque peu, et s’attarda avant la Netilat Yadayim, puis dit ensuite : « Envoie mes salutations à mon me’houtan de Vijnitz. »
Lorsque l’enseignant rapporta à Vijnitz les préparations du rabbi de Belz, le rabbi de Vijnitz déclara : « Pourquoi est-ce que je l’affectionne ? Car il étudie la Tora de manière désintéressée, mais je ne comprends pas pourquoi il m’apprécie. »
Lorsqu’il rentra à Belz et rapporta ces propos, le rabbi de Belz répondit : « C’est pour cette raison que je l’affectionne, car il ne comprend pas pourquoi il y a lieu de l’apprécier. »
Toute personne qui fixe des moments réguliers d’étude de la Tora mérite d’accéder à la vertu de l’humilité. En effet, la Tora a la capacité d’ancrer dans le cœur de celui qui étudie une Émouna totale dans le Maître du monde. Et l’orgueil ne provient que d’un manque d’Émouna, comme l’explique brillamment le Ramban zal dans sa célèbre missive depuis Acco, adressée à son fils en Catalogne. Car toute personne qui ancre en son cœur la foi que tout ce qu’il possède est uniquement un cadeau de Hachem, et ne tient pas à la force de son poignet, n’a pas de quoi se vanter.
Il en ressort qu’un commerçant qui fixe des moments réguliers d’étude de la Tora bénéficie du fait que lorsqu’il exerce son activité professionnelle, il aura plus de clients désireux de commercer avec lui, car grâce à son étude, il se conduit avec plus d’humilité, et trouve davantage grâce aux yeux des hommes, comme l’affirment nos Sages (‘Erouvin 54b) : la Tora est qualifiée de (Michlé 5,19) : « Gazelle pleine de grâce », car elle confère la grâce à ceux qui l’étudient.
Il est dit dans la Guemara (Yoma 86a) : « Tu aimeras l’Éternel ton D’ – tu rendras le Nom du Ciel bien-aimé. Il faut lire la Tora, étudier la Michna, servir les érudits de la Tora et se montrer aimable avec les clients dans ses transactions commerciales. Que dit-on d’une telle personne ? Heureux son père qui lui a enseigné la Tora, heureux son maître qui lui a enseigné la Tora, malheur à ceux qui n’ont pas étudié la Tora. Tel ou untel, qui lui a enseigné la Tora, voyez comme ses manières sont agréables, comme ses actes sont convenables. Le verset dit à son sujet et à celui d’autres comme lui : « Tu es Mon serviteur, Israël, c’est par toi que Je me couvre de gloire. »
De plus, l’apprentissage de l’humilité et des autres vertus a lieu par l’étude de la Tora, comme il est dit (Tehilim 19,8) : « Le témoignage de l’Éternel est véridique, il donne la sagesse au simple », et de même (Devarim 4,6) : « Observez-les et pratiquez-les ! Ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, car lorsqu’ils auront connaissance de toutes ces lois, ils diront : « Elle ne peut être que sage et intelligente, cette grande nation ! »
J’ai observé dans la ville de Budapest, et ailleurs, l’existence d’écoles juives affiliées au mouvement Conservative qui acceptent également des élèves non-Juifs, et de nombreux non-Juifs envoient leurs enfants y étudier ! Ils désirent en effet qu’ils soient initiés à l’étude de la Tora afin qu’ils deviennent de brillants commerçants comme les Juifs.
De même, il y a près de cinquante ans, je discutais avec un respectable avocat de Londres, un Juif traditionaliste, qui rencontrait une grande difficulté sur un point précis avec la loi britannique. Je lui donnais alors un conseil qui lui plut. Il fit alors remarquer : « Lorsque je constate que ceux qui étudient la Tora peuvent s’en sortir avec des législations complexes d’une manière que nous, les avocats éduqués, n’y parvenons pas, cela me rappelle la devise populaire avant la Shoah, dans ma patrie natale : on disait que ceux qui étudient la Tora possèdent une tête particulière, une Guemara Kopel (une tête de Guemara) : ils deviennent brillants grâce à l’étude. »
Ainsi, la Michna, dans le traité Avoth (6,1) affirme que celui qui se consacre à l’étude de la Tora de manière désintéressée acquiert de nombreux mérites (…). On met à profit ses conseils et sa sagesse, son discernement et sa puissance (…). Elle [la Tora] lui procure la souveraineté, la maîtrise, un jugement éclairé (…) et la Tora le grandit et l’élève au-dessus de toute chose.
Dans cette perspective, l’auteur de l’ouvrage Pardess Yossef (Beréchith 32,5) commente que c’est pour cette raison que Ya’akov Avinou communiqua à ‘Essav l’étendue de sa richesse. Car dans sa jeunesse, ‘Essav avait l’habitude de prétendre que Ya’akov ne pourrait réussir à gagner sa vie du fait qu’il était un homme intègre qui se consacrait exclusivement à l’étude de la Tora. De ce fait, Ya’akov envoya un message à ‘Essav : au contraire, grâce à l’étude de la Tora, il était devenu plus perspicace et couronné de succès que lui et s’était beaucoup enrichi.
C’est le sens de notre verset mentionné ici : « Ya’akov arriva ensuite à Chalem (complet) : complet dans sa fortune et dans sa Tora (d’après Rachi), grâce à son étude de la Tora alliée à son gagne-pain, « et il se fixa à l’entrée de cette ville » : il se fixa « à l’entrée de la ville », autrement dit, il compta aussitôt parmi les résidents éminents de la ville, car un commerçant qui fixe des moments réguliers d’étude de la Tora trouve véritablement grâce auprès des hommes. »

























