Alors que la question de la conscription des étudiants issus du monde ‘harédi agite à nouveau la société israélienne, l’ancien Grand rabbin sépharade, rav Yits’hak Yossef, a pris la parole dans son cours hebdomadaire avec des propos tranchés. S’opposant fermement au projet de loi sur la mobilisation des étudiants de Yechiva, il a qualifié cette mesure de « décret nuisible », allant jusqu’à déchirer symboliquement un mandat d’arrestation concernant l’un de ses élèves.
Ces propos font suite à une série de tensions croissantes entre l’État et les milieux orthodoxes, dans le cadre de débats parlementaires sur la révision du système d’exemption militaire, historiquement accordée aux jeunes hommes engagés dans des études religieuses.
Une opposition religieuse et politique
Le rav Yossef ne s’est pas contenté de s’opposer au décret sur le plan religieux. Il a également livré une critique virulente de l’attachement des partis ‘harédim aux gouvernements de droite : « Nous sommes coincés avec la droite. Je ne sais pas ce qu’ils lui trouvent. Droite, droite, droite… c’est de la folie ! » Selon lui, une alliance avec la gauche aurait permis une approche plus conciliante sur les questions touchant au mode de vie ‘harédi, notamment en ce qui concerne les exemptions de service militaire.
Cette prise de position suscite un vif débat interne dans le monde orthodoxe, où l’alliance avec les partis conservateurs est souvent perçue comme une stratégie politique naturelle. Pour le rav Yossef, cette fidélité à la droite semble aujourd’hui contre-productive, notamment face à ce qu’il perçoit comme une menace directe contre l’étude de la Tora.
Une menace existentielle pour les haredim
Dans ses déclarations, il a présenté la conscription des étudiants de Yechiva comme une atteinte fondamentale à l’essence même du judaïsme ‘harédi en Israël : « S’il n’y a pas de Tora, il n’y a pas de raison de rester dans ce pays », a-t-il lancé, avant d’ajouter : « Aucun d’entre nous ne restera ici si ce décret est appliqué. »
Ces paroles, lourdes de sens, s’adressent à un public fidèle qui voit l’étude religieuse comme la mission centrale de l’existence juive. Le rav considère la conscription comme incompatible avec cette vocation spirituelle.
Il a même évoqué la possibilité d’un exode collectif si les mesures coercitives devaient se poursuivre : « Si des étudiants de Yechiva sont arrêtés, nous partirons tous à l’étranger. »
Attaque contre l’élite politique laïque
Le chef spirituel du Shas ne s’est pas arrêté à la critique du décret. Il a également mis en cause l’élite dirigeante israélienne, en affirmant que ses membres ne pouvaient pas comprendre l’importance de l’étude de la Tora : « Ils ont grandi dans des écoles laïques, ils ont été emmenés parmi les nations. Ils ne savent pas ce que représente la Tora. » Cette remarque renforce le clivage existant entre deux visions d’Israël : l’une fondée sur les institutions démocratiques et laïques, et l’autre centrée sur la prééminence de la tradition religieuse.
Le dilemme israélien
La polémique suscitée par ces propos met en lumière un dilemme récurrent dans la société israélienne : comment concilier la défense nationale avec le respect des particularismes religieux ?
D’un côté, l’armée est considérée comme un pilier fondamental de la citoyenneté. De l’autre, une partie importante de la population, notamment dans le monde ‘harédi, estime que son rôle spirituel est aussi essentiel à la survie du pays que les armes ou les frontières.
La crise actuelle autour de la conscription des étudiants de Yechiva, relancée par les déclarations du rav Yossef, pourrait bien relancer un débat de fond sur le contrat social israélien, la place de la religion dans l’État et le poids des alliances politiques dans les équilibres communautaires.
Cet article s’appuie sur les déclarations publiques de rabbi Yits’hak Yossef lors de son cours hebdomadaire, dans le contexte actuel des discussions sur la réforme de la conscription en Israël.
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