Le retour de l’anneau de feu iranien autour d’Israël ?

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par le Dr Yossi Mansharof

Avec la fin de la guerre de Gaza, l’Iran dresse le bilan de deux années turbulentes qui l’ont entraîné dans un cercle plus large de combats et de tirs, contrairement à la retenue que Téhéran cherchait à maintenir avant la guerre. Suite au choc infligé par Israël lors de la guerre israélo-iranienne, connue sous le nom d‘Opération Lion Montant en Israël, et au coup dur porté à son réseau de mandataires, il semble que l’Iran prenne des mesures pour reconstruire sa dissuasion et manifeste son intention de renouveler son « cercle de feu » autour d’Israël.
Cette décision intervient dans un contexte de pression extérieure croissante, notamment l’activation du mécanisme de rétablissement des sanctions du Conseil de sécurité, et un sentiment de traumatisme en Iran après avoir été surpris par Israël.

Premier signe inquiétant en provenance d’Iran: Téhéran semble déterminé à accroître la portée de ses missiles balistiques à des distances intercontinentales, soit 5 500 kilomètres et plus. Le député Mohsen Zanganeh a récemment déclaré à la télévision iranienne que les lumières non identifiées aperçues dans le ciel iranien deux jours plus tôt et qui ont suscité la curiosité du public étaient en fait le résultat d’un essai réussi d’un missile intercontinental. Il pourrait s’agir du missile balistique Khorramshahr-5, dont la portée serait de 12 000 kilomètres, mais qui, selon le ministre de la Défense Nazirzadeh, n’est pas encore entré en service opérationnel.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a démenti les affirmations du Premier ministre Benjamin Netanyahou après l’essai, selon lesquelles Téhéran travaillerait sur des missiles intercontinentaux lui permettant de menacer Washington et New York. Cependant, Ahmad Bakhshaish Ardestani, membre de la commission des Affaires étrangères et de la Sécurité du Parlement, a confirmé cette information. Dans une interview accordée aux médias iraniens, il a déclaré que le Guide suprême, Ali Khamenei, avait supprimé la limite antérieure qui maintenait la portée des missiles iraniens à moins de 2 200 kilomètres, et que l’Iran développait désormais son programme de missiles autant qu’il le souhaitait, car il devait renforcer ce qu’il a qualifié de sa principale puissance militaire, à savoir son programme de missiles.

Deuxième signe inquiétant en provenance d’Iran : parallèlement aux discussions sur les missiles intercontinentaux, la pression s’accentue au sein du régime sur Khamenei pour qu’il approuve la production d’armes nucléaires. La semaine dernière, Ali Shamkhani, conseiller principal de Khamenei et gestionnaire de longue date du programme nucléaire iranien, a exhorté le régime à développer des armes nucléaires, affirmant qu’il aurait été préférable que l’Iran en développe dans les années 1990. Plus tôt, le 22 septembre, il a été rapporté que 70 députés avaient adressé une lettre au Conseil suprême de sécurité nationale, l’instance suprême qui prend les décisions stratégiques du régime, exigeant l’autorisation de développer des armes nucléaires. Les députés ont souligné que leur demande visait à autoriser la possession et le développement de telles armes à des fins de dissuasion, mais pas leur utilisation.

Parallèlement, le scientifique nucléaire Mahmoud Reza Aghamiri, président de l’Université Shahid Beheshti de Téhéran, pays sous sanctions américaines et européennes en raison de ses liens avec le programme nucléaire, a déclaré la semaine dernière que si l’Iran était un jour contraint de fabriquer la bombe atomique, il pourrait y parvenir. Il a ajouté que l’Iran avait la capacité et les ressources nécessaires pour développer des armes nucléaires, mais qu’il n’en avait pas l’intention.

Installations nucléaires iraniennes (Archives), Photo : AFP

Troisième signe inquiétant en provenance d’Iran : parallèlement aux deux précédentes initiatives, Téhéran affiche sa détermination à reconstruire son réseau de relais malgré les changements majeurs provoqués par la guerre au Moyen-Orient. Comme l’a révélé le compte rendu en persan du Mossad sur X, Abdollah Saberi a été nommé à la tête de la branche palestinienne de la Force Al-Qods pour remplacer Saeed Izadi, éliminé lors de l’opération « Lion insurgé ». À ce titre, Saberi sera chargé de reconstruire le Hamas et le Jihad islamique dans la bande de Gaza, au Liban et en Syrie.

Saberi devrait s’appuyer sur l’unité 840 de la Force Qods, l’unité responsable des opérations spéciales que ces dernières années Tsahal et le Shin Bet ont déjouées dans leurs tentatives de faire passer en contrebande des armes de pointe et révolutionnaires aux acteurs terroristes en Judée-Samarie ; sur l’unité 340, l’unité d’assistance technique de la Force Qods qui fournit un savoir-faire et des équipements technologiques aux réseaux régionaux iraniens ; et sur l’unité 190, qui est responsable de la contrebande d’armes au réseau, dont le commandant Henam Al-Hiryari a également été tué lors de l’opération Am Kelavi.

Téhéran considère le développement de ce qu’on appelle « l’Axe de la Résistance » comme essentiel à sa sécurité nationale. Cette idée a été reprise récemment par le président du Parlement et membre du Conseil suprême de sécurité nationale, Mohammad-Bagher Ghalibaf, qui a explicitement exprimé l’aspiration iranienne à renouveler la ceinture de feu autour d’Israël. Il a affirmé que si l’Iran ne combattait pas Israël sur le front du Golan, Israël le combattrait à ses propres frontières. Il a également souligné que la voie de l’Iran pour transférer son soutien au Hezbollah restait ouverte, même si elle est devenue plus difficile compte tenu des changements régionaux, signe de la volonté iranienne de reconstruire le Hezbollah et de revitaliser l’organisation. Le commandant de la marine du Corps des gardiens de la révolution islamique, Ali-Reza Tangsiri, s’est récemment vanté de la capacité de Téhéran à exporter des missiles, des drones et des navires de guerre.

 

Le traumatisme est toujours là

Cette tendance se reflète également dans la réponse de la République islamique au message transmis récemment par le président russe Vladimir Poutine, de la part du Premier ministre Netanyahou, selon lequel Israël n’a pas l’intention de reprendre la guerre contre l’Iran. Le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a déclaré que les forces iraniennes restaient en état d’alerte face à la possibilité d’une reprise de la guerre, car il s’agit très probablement d’une tromperie israélienne.

Parallèlement, afin de freiner la chute brutale de la monnaie nationale et d’apaiser les troubles susceptibles de déclencher des manifestations, le régime adresse des messages d’apaisement à sa population. Des responsables de la sécurité ont déclaré aux médias que l’ennemi n’oserait pas reprendre la guerre et que la probabilité d’une telle reprise était faible. Le chef d’état-major des forces armées, Mohammad Bagheri, et le commandant en chef du CGRI, Mohammad Pakpour, ont souligné dans des déclarations aux médias que les forces iraniennes étaient pleinement prêtes à affronter avec force toute menace ou agression.

Où va Téhéran ?
Et que dit le Guide suprême ? Dans un discours prononcé le mois dernier, Khamenei a longuement soutenu que la reprise des négociations avec les États-Unis serait une décision dont les inconvénients surpasseraient les avantages, car elle équivaudrait à une capitulation face au président Trump et susciterait de nouvelles exigences américaines en matière de missiles et dans d’autres domaines.

Néanmoins, les camps modérés et réformistes remettent en question sa politique, comme en témoignent les vives critiques suscitées par le refus du président Pezhakian d’assister à un sommet organisé par Trump à Charm el-Cheikh. Selon eux, sa participation aurait pu ouvrir la voie à une reprise des négociations avec les États-Unis et à un apaisement des tensions. Cependant, compte tenu de la profonde méfiance et du manque de confiance de Khamenei envers Trump, il semble que, pour l’instant, le dirigeant iranien continuera de poser des conditions strictes à la reprise des négociations et prônera une politique conçue pour résister à l’ère Trump.

À la lumière de ces développements, Israël devrait se préparer à l’éventualité d’un retour de l’Iran en Syrie, notamment dans un scénario où Khamenei serait convaincu par des responsables radicaux appelant au développement d’armes nucléaires. La tentative de l’Iran de moderniser son programme de missiles et de restaurer l’« Axe de la Résistance » démontre une fois de plus que Téhéran restera au cœur des calculs stratégiques d’Israël.

Le soutien national au développement de l’arme nucléaire, l’isolement international croissant de l’Iran, les missiles que Téhéran tente de développer contre l’Occident et, pour l’instant, la fin de la guerre de Gaza sont autant d’occasions pour Israël de renforcer son partenariat stratégique avec les États-Unis sous la présidence Trump. Israël devrait donc s’efforcer d’élargir ce partenariat aux principaux États européens, ce qui permettrait de développer une large coopération contre l’Iran, d’intensifier la pression sur Téhéran et de légitimer toute action cinétique et économique contre lui.

Source: ILH – JForium.fr

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