Le sens du conflit entre Israël et l’Iran des mollahs

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Le conflit entre Israël et l’Iran des mollahs — qui, à l’heure où nous écrivons, donne tous les signes d’être achevé — a fait ressortir le sens que prend pour Israël l’acte même de la guerre. En ôtant à la République islamique d’Iran les moyens de parvenir à ses fins exterminatrices, Israël redéfinit les conditions concrètes de sa sécurité. Se pose alors, avec d’autant plus d’acuité, la question de la poursuite d’une guerre interminable et meurtrière à Gaza. Mais l’affrontement qui vient de prendre fin interroge également l’inaction de l’Europe face aux menaces criminelles proférées depuis des décennies à l’égard de l’État d’Israël et des Juifs, laquelle n’est que l’autre face de son indifférence au sort du peuple iranien.

 

Le danger que représente pour Israël la République islamique d’Iran associe deux dimensions que la séquence qui se conclut maintenant permet de bien distinguer. L’intention de détruire l’État d’Israël ; les moyens à disposition pour le faire. L’offensive israélienne, qui fut relayée par les États-Unis, ne devait avoir qu’un seul objectif : soustraire au régime islamiste le moyen de la destruction de masse dont il porte le projet, en réduisant à néant son potentiel nucléaire militaire. Tout porte à croire que cela soit désormais réalisé, l’inquiétude se restreignant sur la possibilité que l’Iran ait pu cacher à présent de l’uranium enrichi difficile à tracer.

L’intention iranienne, faut-il le rappeler, ne s’est pas limitée à une rhétorique enflammée d’éradication de l’« ennemi sioniste », y compris dans des arènes internationales qui, par principe, auraient dû l’exclure absolument. Bien au-delà des mots, elle s’est concrétisée par des actes, parmi lesquels le 7-octobre, dont le feu vert est venu de Téhéran. Attaque qui s’est prolongée par l’agression du Hezbollah, puis d’autres satellites de l’Iran implantés ailleurs. Que ces satellites soient maintenant très affaiblis n’empêche pas que l’intention y perdurera à coup sûr, dans l’orbite d’un centre iranien qui en nourrit la virulence. Bref, l’antisionisme radical, celui qui vise expressément à rayer l’État juif de la carte, ne disparaîtra pas des esprits, il fait partie des données avec lesquelles Israël doit compter dans le contexte géopolitique qui est le sien, et jusque dans son environnement proximal. Mais dès lors que cette intention n’est plus adossée aux moyens nécessaires au passage à l’acte, les coordonnées de la situation ne sont plus les mêmes. L’arrêt des combats avec l’Iran s’impose pour que s’ouvre une nouvelle séquence.

Une intention sans capacité de prolongement dans l’action, voilà qui demeure certes préoccupant – et contester l’obligation qu’a la cible désignée d’entendre à tout moment cette menace avec tout le sérieux requis, c’est céder à un irénisme pour le moins suspect. Il n’en reste pas moins qu’une pure intention privée de moyens, aucune action militaire n’est en mesure de l’extirper. On doit s’en remettre aux transformations politiques, qui reposent ultimement sur l’espoir que, de l’intérieur, les opinions portées et prônées par l’Iran puissent changer, et que leur influence perde en intensité partout où elle s’exerce. Cela, sur fond d’accords diplomatiques dont il est certain qu’ils se noueront désormais sur de nouvelles bases.

Certains diront qu’un accord diplomatique plutôt qu’une défaite suivie d’une capitulation de l’Iran, c’est encore une manière d’offrir un nouveau souffle au régime, prélude à la relance de ses actes et de son armement. Mais on se heurte ici à une condition à laquelle il est impossible de déroger : si un nouveau départ est envisageable en Iran, ce ne peut être que par la volonté du peuple iranien, et non pas par un effondrement provoqué par une intervention extérieure. Rien ne donne crédit à l’illusion qu’il puisse en être autrement, et surtout pas le droit des États attachés à l’autodétermination des peuples et aux orientations qui en découlent en termes de politique internationale.

On peut même en l’occurrence ajouter ceci : il n’est pas d’État plus conscient de cette condition sine qua non qu’Israël. Il n’est pas d’État moderne plus viscéralement attaché au principe de l’autodétermination des peuples que celui qui, dans sa courte histoire, a tant misé sur lui. Conformément à ses fondements, la conduite d’une guerre ne peut avoir pour cet État d’autre but que la sécurité, parce qu’il lie dans son principe sa mission d’abri pour les juifs à leur autodétermination. Depuis la réalisation du projet sioniste, la sécurité juive repose sur l’autoprotection rendue possible par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans un État souverain. Après la Shoah, la reconstruction du monde juif tout entier à travers la polarité entre Israël et la diaspora a trouvé son point d’équilibre en redéfinissant et en valorisant ce nouage. Que la population israélienne ait donné massivement son appui à l’attaque contre l’Iran, alors même que cette attaque fut décidée et conduite par un gouvernement auquel elle ne voue tout aussi majoritairement que défiance au regard de son échec et de ses crimes dans la guerre à Gaza, suffit à attester de la prégnance de cette conviction. Or c’était aussi exprimer, depuis le pôle israélien, une conviction que partagent tous les Juifs quant au seul fondement possible d’une guerre juste.

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