« Le système judiciaire recommence à se moquer de nous tous »

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Un article très dur, mais permettant de mieux comprendre l’intensité de ce sujet, celui de la conduite actuelle (depuis plus de 20 ans) de l’establishment juridique dans le pays.

Pendant un instant, il a semblé que le système judiciaire retrouvait ses esprits.
Qu’un responsable comprenait enfin l’ampleur de la fracture et tentait de faire ce qui était nécessaire pour rétablir un peu de confiance dans le système de droit et de justice.
Mais la série de décisions du juge Yits’hak Amit montre que ce bref moment est déjà révolu.

Shlomo Piotrkowski – Makor Rishon

1.

Le moment de grâce aura été bref, et il semble désormais achevé.
Pendant un court instant, on a eu l’impression que le système judiciaire se réveillait, que quelqu’un en son sein comprenait la profondeur de la crise et essayait de restaurer un peu de confiance dans l’État de droit.

L’arrêt rendu par la Cour suprême dimanche dernier était un modèle de compréhension de la situation exceptionnelle : certes, la principale suspecte dans l’affaire de la fuite et de l’étouffement de l’enquête est l’ancienne procureure militaire en chef, Yifat Tomer-Yerushalmi, mais elle a réussi à entraîner avec elle tous les hauts responsables du système — à leur tête la procureure générale et le procureur de l’État.

Ces derniers, dans une cécité caractéristique, avaient décidé aux premiers stades de lui accorder un soutien sans poser de questions ni enquêter. Ils attaquaient tous ceux qui osaient mettre en doute la probité du système qu’ils dirigent, et se sont ainsi retrouvés totalement impliqués dans l’affaire, au point de devoir répondre aujourd’hui à des questions difficiles et expliquer comment, même par simple passivité, ils ont contribué à étouffer une enquête pénale.

2.

Le problème est que l’éclatement de l’affaire n’a pas ouvert les yeux de tout le monde.
Ou peut-être certains ont-ils ouvert les yeux un instant… avant de retomber aussitôt dans une cécité totale.

Ainsi, malgré l’arrêt de la Cour suprême retirant à la procureure générale et aux hauts responsables du parquet la supervision de l’enquête, le système a réussi à faire échouer toutes les tentatives de transférer cette supervision à une autorité réellement indépendante et opérationnelle.

La tentative de nommer un juge de district en exercice a été bloquée par l’administration des tribunaux.
D’autres candidats pressentis ont reçu des « signaux » très clairs leur indiquant de ne pas mettre la main dans ce « chaudron ».
Et la nomination du juge à la retraite Ben ‘Hamou a été suspendue par le juge Yits’hak Amit, d’abord d’une manière juridiquement douteuse, puis d’une manière juridiquement plus solide — mais extrêmement problématique sur le plan de la confiance publique.

Impossible d’échapper à l’impression que le système ne souhaite pas réellement une supervision efficace.
Quelqu’un au sommet craint énormément ce qui pourrait être révélé si une autorité externe avait accès aux documents, posait les questions difficiles et exigeait des réponses.
Peut-être craint-on que d’autres hauts responsables soient révélés comme impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans cette affaire pénale. Et qu’une supervision indépendante empêcherait de dissimuler de tels éléments.

3.

Il est important de souligner qu’à l’heure actuelle, la procureure générale et le procureur de l’État ne sont soupçonnés de rien.
Mais si l’on veut que les conclusions de l’enquête soient crédibles, il faut absolument permettre une supervision réelle et indépendante.

Rendre au parquet la compétence de supervision détruira le peu de confiance qui pourrait encore subsister lorsque les conclusions de l’enquête seront publiées.

C’est justement pour pouvoir blanchir réellement la procureure générale et les hauts responsables du parquet qu’il est crucial que celui qui supervise l’enquête soit une personne qui ne leur doit absolument rien.

Les actions du juge Amit — actions imprégnées d’une forte odeur de calcul destiné à produire des résultats très spécifiques — donnent la sensation qu’il ne s’intéresse pas du tout à la confiance du public dans le système.
Il fera tout pour protéger la forteresse du conseil juridique de l’État, même au prix de piétiner le public.

Une ligne directe relie son comportement dans l’affaire des irrégularités de construction à son domicile et sa protection de la procureure générale.
Une ligne dont le thème principal est : un long et continu mépris du public, qui est pourtant censé obéir au système qu’il dirige.

Amit peut continuer ainsi — le pouvoir est encore entre ses mains.
Mais rien n’est éternel.
Quand la forteresse tombera — et elle tombera — elle entraînera avec elle tous ceux qui n’auront pas compris à temps qu’un système dépourvu de la confiance du public n’a, en réalité, aucun pouvoir.

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