Les coups portés au président de la Cour suprême d’Israël

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La place du président de la Cour suprême Yits’hak Amit (anciennement Goldfreind) a été foulée voici peu à deux grandes occasions : il n’a pas été invité lors de l’accueil à Trump, et le jour de l’inauguration de la session d’hiver de la Knesset le président de cette assemblée en a parlé comme d’un juge quelconque, et non point à titre de président de la Cour. Le président de l’Etat a protesté sur place, mais le Premier ministre Netaniyahou a appuyé la conduite du président de la Knesseth.

Pourquoi tout cela ? Pr. M. Ayache nous apporte la réponse.

La nomination de Yitzhak Amit n’est pas légale parce que la procédure a contourné l’autorité compétente et les formes qui garantissent la légitimité démocratique.
En Israël, la désignation du président de la Cour suprême passe par le Comité de sélection des juges, lequel doit être convoqué par le ministre de la Justice. Cette exigence de compétence n’est pas un détail technique, c’est la condition qui ancre le pouvoir judiciaire dans un cadre de responsabilité vis-à-vis des autorités élues. Lorsque la convocation provient d’un fonctionnaire de l’administration des tribunaux, et non du ministre, l’acte est vicié ab initio: le comité n’a pas été valablement saisi, ses décisions sont entachées d’incompétence, et la chaîne juridique de nomination est rompue.
À ce vice de compétence s’ajoute un vice de forme substantiel: l’absence de publication dans les registres officiels (Yalkout HaPirsoumim/Rechoumoth). En droit administratif israélien, un acte de nomination de cette portée n’entre en vigueur qu’une fois dûment publié. Sans publication officielle, il n’y a ni opposabilité, ni prise d’effet. On ne peut pas « corriger » après coup une procédure défectueuse par simple usage interne; l’État de droit requiert des actes clairs, traçables et publiés.
L’enjeu majeur ici est la séparation des pouvoirs et la redevabilité démocratique. Le rôle du ministre de la Justice n’est pas symbolique: il empêche la bureaucratie judiciaire de s’auto-organiser sans contrôle. Permettre à un appareil administratif de se substituer à l’autorité ministérielle, c’est accepter une dérive d’auto-cooptation qui affaiblit la souveraineté populaire. Dans ce contexte, le refus du président de la Knesset d’employer le titre de « président » traduit une prudence institutionnelle justifiée : tant que la procédure n’a pas été menée par l’autorité compétente et régulièrement publiée, il n’existe pas de base légale solide pour reconnaître la nomination.
On invoque parfois la « coutume de l’ancienneté » pour justifier une désignation automatique. Mais une coutume ne prime ni la loi ni la procédure. La tradition peut guider; elle ne peut se substituer aux exigences formelles qui protègent la neutralité et la légitimité du processus. La forme, ici, fait le fond : respecter la convocation par le ministre et la publication officielle n’est pas du formalisme creux, c’est la garantie que l’institution judiciaire ne s’émancipe pas des mécanismes démocratiques.
La voie correcte est claire : le ministre de la Justice doit convoquer le Comité de sélection des juges, le comité doit statuer en séance régulière, puis l’acte doit être signé et publié officiellement. Tant que ces étapes ne sont pas respectées, la nomination de Yitzhak Amit ne peut être considérée comme légalement valide.

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