Les divergences sur Gaza pourraient compliquer la visite de Netanyahu à Washington

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Malgré le succès contre l’Iran, les divergences sur Gaza pourraient compliquer la visite de Netanyahu à Washington

Forts d’une coopération sans précédent en Iran, le Premier ministre et Trump pourraient consolider les résultats obtenus. Mais leurs intérêts ne s’alignent pas entièrement – notamment dans la guerre contre le Hamas.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu est parti pour Washington où il rencontrera le président américain Donald Trump pour la troisième fois depuis le retour de ce dernier à la Maison Blanche, au mois de janvier.

Netanyahu ne manquera pas de se réjouir des invitations répétées qui lui sont régulièrement lancées par l’homme le plus puissant du monde – une personnalité tempêtueuse connue pour ses amitiés aléatoires, avec une tendance, parfois (voire de manière inévitable), à tourner le dos à ceux qui étaient, encore hier, ses confidents et ses proches alliés.

Le Premier ministre a de bonnes raisons d’être satisfait. Sa capacité à conserver Trump à ses côtés est un exploit politique impressionnant. Les isolationnistes et les sympathisants d’une droite hostile à Israël constituent un groupe démographique déterminant dans le camp de Trump – et ils ont voté, lors des élections, pour un président qui saurait mettre un terme aux guerres qui ravagent le Moyen-Orient ou, tout du moins, qui prendrait l’initiative de s’en tenir à l’écart.
Mais malgré leur désir, Israël n’a pas été placé dans l’obligation de mettre fin à la guerre à Gaza. L’État juif poursuit ses frappes ciblées au Liban et il a établi une coordination étroite avec les États-Unis lors d’une attaque risquée contre la République islamique d’Iran, alors même que les négociateurs iraniens s’étaient engagés dans des pourparlers avec l’administration américaine.
Pour couronner le tout, Trump a finalement ordonné à l’armée américaine de frapper les principales installations nucléaires iraniennes, une démonstration sans précédent de la coopération militaire mise en place entre Jérusalem et Washington.

En même temps, Netanyahu sait pertinemment que cette visite sera bien davantage qu’une simple célébration de la victoire qui a été remportée par les deux partenaires face à l’Iran.

Son dernier déplacement à Washington, qui avait eu lieu au mois d’avril, ne devait être qu’une promenade de santé. Le Premier ministre venait de terminer un voyage tranquille en Hongrie, où il avait été accueilli par une garde d’honneur et où il avait parcouru le Danube en bateau. Au cours de cette visite, le Premier ministre hongrois Viktor Orban avait annoncé que son pays rompait tous ses liens avec la Cour pénale internationale. Les deux chefs de gouvernement avaient organisé une réunion par téléphone avec Trump, un entretien qui augurait de la création d’une alliance antilibérale occidentale.

Alors qu’il se trouvait à Budapest, Netanyahu avait accepté une convocation de dernière minute à la Maison Blanche, s’attendant à être le premier dirigeant à négocier la sortie de son pays des tarifs douaniers de Trump. Au lieu de cela, il était tombé dans une embuscade. Alors que le Premier ministre israélien était inconfortablement assis à sa droite, Trump avait annoncé la tenue des négociations lancées par son administration avec l’Iran au sujet du programme nucléaire de la république islamique et il avait fait l’éloge du président turc Recep Tayyip Erdogan. Cerise sur le gâteau : aucun des droits de douane imposés à Israël n’avait été annulé à cette occasion.

Et la visite de cette semaine pourrait bien donner lieu à des scènes similaires.

Il est impossible de savoir ce que Trump fera, cette semaine, à propos de Gaza, alors même que des informations persistantes font état d’une possible avancée dans les négociations consacrées à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu, accord qui ouvrirait la porte à la remise en liberté des otages.

Malgré l’optimisme affiché, ni le Hamas ni Israël n’ont changé leurs positionnements fondamentaux. Le groupe terroriste n’acceptera de relâcher des otages que s’il est convaincu qu’Israël sera contraint à terme, d’une manière ou d’une autre, de mettre fin à la guerre.

En attendant, Israël semble miser sur un nouveau retour au combat après la libération d’autres otages.

C’est ce qu’a dit et répété ouvertement Netanyahu. « Je vous le dis, il n’y aura plus de Hamas », a-t-il affirmé la semaine dernière au cours d’une visite à Ashkelon. « Il n’y aura pas de Hamastan. Nous ne reviendrons pas là-dessus. C’est terminé. Nous obtiendrons la remise en liberté de tous nos otages ».

« Nous les éliminerons jusqu’au dernier », a-t-il continué, insistant sur le fait que la libération des otages et la défaite du Hamas allaient de pair.

Il est tout à fait concevable que Trump puisse considérer l’insistance apparente mise par Israël à poursuivre la guerre jusqu’à la défaite totale du Hamas comme le principal obstacle à ses objectifs plus vastes dans la région – des objectifs qui sont également ceux de Netanyahu en ce qui concerne un grand nombre d’entre eux : la normalisation des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et Israël et une alliance américaine plus large au Moyen-Orient.

Et il pourrait bien le dire à Netanyahu devant les caméras.

Le Premier ministre serait alors en proie à un choix difficile : contredire Trump chez lui ou accepter une voie qui permettrait au Hamas de revendiquer la victoire et qui pourrait bien entraîner le départ de sa coalition des partis d’extrême-droite, faisant s’effondrer son gouvernement.

Les deux dirigeants ne sont pas nécessairement d’accord non plus sur la question de la Syrie. Trump est impatient de pouvoir élargir les accords d’Abraham – ou tout du moins de montrer qu’il est capable de négocier un nouvel accord de grande importance. Si l’optimisme reste de mise face à la perspective de la signature d’un accord entre Israël et la Syrie, ce dernier ne semble pas toutefois particulièrement probable. Le nouveau régime de Damas, de son côté, voudrait finaliser un accord de sécurité étroit qui verrait Israël revenir aux lignes de 1974.

En l’absence de progrès vers un accord de normalisation, Israël a peu de raisons d’accepter un accord de sécurité. La Syrie ne s’en prend pas, de toute façon, à Israël et un retrait renforcerait le risque que les groupes terroristes syriens font peser sur les communautés du Golan.

Désireux de remporter une victoire diplomatique qui lui a échappé jusqu’à présent en Ukraine et à Gaza, Trump pourrait s’appuyer sur Netanyahu sur cette question également.

Les deux dirigeants discuteront aussi de la suite à donner au programme nucléaire iranien. Ils sortent d’une opération spectaculaire au niveau tactique, une opération qui a probablement atteint ses objectifs stratégiques – qui étaient de retarder de plusieurs années le programme nucléaire et balistique de Téhéran.

Mais que va-t-il se passer ? C’est un mystère.

Il semble que les négociations soient de nouveau sur la bonne voie. L’envoyé spécial de la Maison Blanche, Steve Witkoff, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, seraient ainsi prêts à reprendre les négociations consacrées au programme nucléaire de Téhéran à Oslo, cette semaine.

Ce qui ne justifie pas de tirer la sonnette d’alarme à Jérusalem. Israël accueillerait favorablement un accord qui tirerait parti de la position dorénavant compromise de l’Iran et qui consoliderait les acquis de l’opération Rising Lion.

Trump a mis en jeu beaucoup de capital politique pour Israël et il pourrait s’attendre à ce que Netanyahu lui rende la pareille

Mais l’Iran a opté pour une attitude de défi et le pays pourrait bien estimer que le fait que Trump ait obligé Israël à annuler une attaque majeure, au cours des toutes premières heures du cessez-le-feu entre les deux parties en lice, indique que le président américain ne souhaite plus voir de frappes israéliennes.

Trump a mis en jeu une grande partie de son capital politique en faveur d’Israël et il pourrait s’attendre à ce que Netanyahu lui rende la pareille.

Si les deux dirigeants poursuivent leur coopération fructueuse dans le dossier iranien en adoptant une vision commune pour la région, la rencontre pourrait jeter les bases d’une réalité nettement meilleure sur le terrain. Elle pourrait transformer les réalisations militaires de la guerre menée contre l’Iran, qui a duré douze jours, en gains diplomatiques susceptibles d’être soutenus par des accords et par le Conseil de sécurité des Nations unies. Les deux hommes pourraient briser définitivement l’axe iranien au Moyen-Orient et ouvrir la voie à un réseau pro-américain élargi, dont Israël serait la pierre angulaire.

Toutefois, c’est le terme « si » qui reste ici le plus important.

Il se peut que Netanyahu cherche à faire entrer Benny Gantz, faible au niveau politique, dans sa coalition, ou qu’il ait l’intention de provoquer des élections anticipées (comme sa visite très tardive au kibboutz Nir Oz, jeudi, l’a peut-être indiqué). Le cas échéant, le Premier ministre va rester lié à ceux qui, au sein de sa coalition, se soucient davantage d’affirmer la domination juive sur les Palestiniens que de créer des partenariats historiques avec les États arabes.

Et, bien sûr, Trump reste Trump.

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