Je me demande souvent avec tristesse pourquoi ce grand pays que vous représentez, celui de la capitale des Lumières, ne réalise pas que le combat d’Israël contre la barbarie et le terrorisme islamiste est identique aux valeurs universelles, celles de la République française laïque et du monde libre.
par Freddy Eytan
Je vous félicite d’avoir publié dans Haaretz (1) un article expliquant pourquoi le président Emmanuel Macron a pris l’initiative de reconnaître l’« État de Palestine ». Nous sommes ravis que la voix de la France soit entendue ici dans la langue de la Bible. Cependant, je reste étonné que l’ AFP et les médias francophones vous présentent comme l’ambassadeur de France à Tel-Aviv, alors que chaque enfant israélien sait pertinemment que cette ville côtière n’est pas la capitale de l’État juif.
Depuis la guerre des Six Jours de 1967 jusqu’à nos jours, et juste après la mort du général de Gaulle, j’ai été un observateur privilégié des relations franco-israéliennes. J’ai lu avec grand intérêt la passionnante correspondance entre le fondateur de notre État, David Ben Gourion, et Charles de Gaulle. Je vous recommande de la relire. Dans cet échange épistolaire, tout est dit avec respect et amitié, mais sans la moindre langue de bois ; un document historique exceptionnel qui reste d’actualité.
En tant qu’Israélien francophile, j’avoue ne pas comprendre la politique de duplicité de la France envers l’État d’Israël. Je me demande souvent avec tristesse pourquoi ce grand pays que vous représentez, celui de la capitale des Lumières, ne réalise pas que la lutte d’Israël contre la barbarie et le terrorisme islamiste est identique aux valeurs universelles, celles de la République française laïque et du monde libre.
Vous présentez la démarche de votre président comme un « investissement dans la sécurité à long terme » d’Israël et de la région, et non comme une « victoire du Hamas ». Vous affirmez clairement qu’à l’ONU, la France a obtenu l’isolement diplomatique du Hamas. Je rappelle que le Hamas est une branche des Frères musulmans. Cet isolement diplomatique ne signifie donc pas le départ définitif du Hamas de Gaza. De plus, il a salué votre initiative et affirmé que seule la « résistance armée » permet d’obtenir des gains diplomatiques. Depuis deux décennies, vous faites la sourde oreille à toutes les affirmations israéliennes sur les véritables intentions du Hamas, dont l’objectif demeure la destruction du seul État juif de la planète.
En 2005, lorsque nous nous sommes retirés de toute la bande de Gaza, délogeant 8 000 familles juives de leurs foyers, vous n’avez pas eu le courage d’empêcher le Hamas de prendre le pouvoir par la force et la terreur. Il avait chassé l’Autorité palestinienne et interdit à Mahmoud Abbas de mettre les pieds à Gaza. Abbas, 89 ans, demeure persona non grata et impopulaire auprès d’une grande partie de son peuple.
Plus étonnant encore, vos collègues du Quai d’Orsay ont également œuvré discrètement pour que l’organisation islamiste soit reconnue par la France. Je vous rappelle la rencontre « officieuse » à Gaza en 2008 entre Aubin de La Messuzière, Ismaël Haniyeh et Mahmoud Zahar. Ils avaient promis de mettre fin aux attentats terroristes et avaient même accepté, selon lui, un État palestinien dans les lignes d’armistice de 1949.
Cette rencontre faisait suite à d’autres avec des représentants de vos services de renseignement et des responsables du consulat général de France à Jérusalem, transformé depuis longtemps en ambassade pour les affaires palestiniennes.
Déjà à cette époque, le Quai d’Orsay et Bernard Kouchner à sa tête avaient convaincu le président Sarkozy des « bonnes intentions des islamistes » pour pouvoir parler directement avec eux… Vous n’étiez pas les seuls à penser ainsi… Vous étiez en bonne compagnie avec Barack Obama qui avait favorisé des « élections démocratiques palestiniennes » (les dernières depuis) qui déclenchèrent trois ans plus tard les fameux Printemps arabes et la montée des islamistes en Égypte, en Tunisie et ailleurs, la création de l’État islamique avec Daesh, une guerre civile en Syrie et surtout le renforcement de l’axe chiite iranien en Irak, au Liban et au Yémen.
En fait, vous reconnaissez aujourd’hui, bien des années plus tard, que vous avez commis une grave erreur. Bien sûr, mieux vaut tard que jamais. Heureusement, la France commence à comprendre que pour résoudre le problème palestinien, il faut écarter le Hamas de la direction du peuple palestinien.
Il est également scandaleux d’admettre Mahmoud Abbas comme représentant du peuple palestinien alors qu’il est au pouvoir sans avoir été réélu démocratiquement, qu’il verse des salaires aux auteurs d’actes terroristes et à leurs familles, et qu’il refuse de modifier les programmes et les manuels scolaires. Depuis la maternelle, ses enseignants incitent à la haine d’Israël et cultivent la violence, nient l’Holocauste et effacent les textes sur l’histoire du peuple juif. Dans leurs livres, publications et cartes, l’État juif est totalement inexistant.
Il est révoltant qu’il ait fallu attendre le massacre du 7 octobre 2023 pour que le président Macron comprenne enfin les véritables intentions du Hamas. Mais qu’a fait concrètement la France sur le terrain ? Un déplacement de Macron à El Arish, dans le Sinaï égyptien, pour accueillir les pauvres réfugiés de Gaza ? Hormis un bref passage en Israël, des déclarations de sympathie aux familles des otages et des cérémonies à Paris, a-t-il réellement agi pour libérer les nombreux francophones détenus par les barbares du Hamas, comme l’a fait le président Trump ? N’avait-il pas initialement exigé des alliances dans la guerre contre le terrorisme ?
L’ambassadeur de France en Israël, Frédéric Journès, a remis ses lettres de créance au président de l’État, Isaac Herzog (Haim Zach/GPO)
Dans votre chronique, vous évoquez fièrement l’aide humanitaire offerte par la France aux Gazaouis, mais qu’en est-il des 40 dernières tonnes larguées ? Vous n’étiez pas les seuls ; de nombreux pays y ont participé. Savez-vous combien de tonnes les Israéliens ont transférées à Gaza ? Combien de denrées alimentaires et de médicaments ? Pourquoi n’accusez-vous pas clairement le Hamas ? Celui qui vole le pain des Gazaouis au lieu de contribuer à ostraciser Israël auprès des nations ?
Je suis tout à fait d’accord avec vous : seules les voies diplomatiques peuvent conduire à des solutions pacifiques et garantir la sécurité d’Israël dans des « frontières sûres et reconnues », et surtout défendables. Mais en reconnaissant unilatéralement l’État palestinien, vous ne faites pas preuve de véritable diplomatie. Vous ne consultez pas sincèrement le gouvernement israélien, seul pays démocratique de la région et ami de la France. Vous faites cavalier seul, comme d’habitude.
Les critiques exigent qu’Israël se retire de tous les territoires jusqu’aux frontières de 1967 et accepte Jérusalem-Est comme capitale palestinienne avant même le début des négociations sur le statut définitif. Cette position méconnaît la revendication légitime d’Israël sur Jérusalem comme capitale depuis 1948 – une reconnaissance officialisée par les États-Unis en transférant leur ambassade à Jérusalem. Ces exigences préalables aux négociations constituent une rupture fondamentale avec le cadre établi des pourparlers de paix.
Bien sûr, vous savez que la reconnaissance d’un État doit inclure certains attributs : un territoire spécifique, des frontières reconnues par les instances internationales, dont le Conseil de sécurité de l’ONU. Comment alors accorder un État souverain et indépendant à une population palestinienne dispersée, dirigée par deux gouvernements distincts, dont l’un représente une organisation terroriste déclarée ? Pourquoi cette précipitation ? Est-ce juste après le massacre barbare du 7 octobre ?
La France a sans doute réussi un véritable coup de communication et s’est rapprochée du monde arabo-musulman, mais en réalité, votre gouvernement a ouvertement violé les conventions internationales.
Face à la crise humanitaire à Gaza, votre président cherche par tous les moyens une solution diplomatique. Mais en mettant la charrue avant les bœufs, il brouille les pistes, ignore les réalités du terrain et s’engage sur des chemins périlleux. Il complique votre noble mission de rapprochement entre nos deux peuples. Vos intentions de rechercher la stabilité et la paix au Moyen-Orient sont justifiées. Nous saluons toujours la recherche de la paix ; nous en avons assez des guerres. Malheureusement, votre approche, comme les initiatives précédentes, reste transparente, douteuse et teintée d’hypocrisie et d’intérêts commerciaux.
Nous constatons qu’à chaque événement majeur dans notre région, la France tente de jouer un rôle influent, mais que, dans sa précipitation, elle commet de graves erreurs historiques. Cela remonte aux accords Sykes-Picot de 1916, qui ont divisé le Moyen-Orient. Avant même la Conférence de paix de Paris de 1919, vous aviez signé avec la Grande-Bretagne des accords frivoles et arbitraires, dont les répercussions sont encore aujourd’hui très préjudiciables.
Il est également très intéressant, voire amusant, de consulter le site officiel de votre ministère. Il nous explique en trois minutes « les enjeux de l’initiative de paix au Moyen-Orient », comment résoudre un conflit centenaire, si complexe et si compliqué. Pendant ces 180 secondes, je suis resté véritablement stupéfait, stupéfait de voir que les magiciens du Quai d’Orsay avaient enfin trouvé la bonne formule pour parvenir à la paix.
Plus sérieusement, revenons aux faits historiques, à cette position française officiellement décrite sur le site du Quai d’Orsay : « Israël-Territoires palestiniens ». Je me demande aussi pourquoi la France s’obstine à lier Israël aux Territoires palestiniens, les présentant comme deux frères siamois. L’État juif n’est-il plus un État indépendant et souverain ? Cette politique française à l’égard du conflit israélo-arabe n’a pas changé depuis plusieurs décennies, mais elle n’a pas non plus contribué à la paix.
Vous avez été le premier pays occidental à reconnaître l’OLP en 1974 et à ouvrir un bureau diplomatique à Paris pour une organisation terroriste dont la charte n’est pas très différente de celle du Hamas. Cette charte reste en vigueur malgré les nombreuses affirmations françaises. Elle appelle à la libération de toute la Palestine, du fleuve à la mer. Je suppose que vous comprenez parfaitement ce slogan, qui signifie clairement la destruction de l’État d’Israël. Et pourtant, ce slogan est scandé et inscrit en toute liberté en France, dans le pays que vous représentez.
Vous évoquez « l’ampleur de la tragédie à Gaza et l’urgence de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza. Une situation qui alimente le terrorisme et l’antisémitisme dans le monde entier. »
Nous sommes convaincus du contraire : c’est la reconnaissance de l’État palestinien qui renforce les islamistes et provoque des vagues de haine contre les communautés juives.
Concernant l’Autorité palestinienne, nous suggérons de lire et de relire les discours belliqueux de Mahmoud Abbas en arabe et de vous interroger sur la gestion des affaires, sur la transparence, la démocratie et le respect des valeurs démocratiques. On peut se demander ce que Mahmoud Abbas a fait des milliards d’euros qu’il a reçus de la communauté internationale, y compris ceux reçus par la France depuis la conférence des donateurs de Paris, qui a suivi les accords d’Oslo signés en 1993.
Nous recommandons également de relire et d’écouter les discours des dirigeants du Hamas, qui ne reconnaissent ni l’existence-même de l’État d’Israël, ni même le pouvoir de l’Autorité palestinienne. Enfin, nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles les deux parties n’ont pas sollicité l’intermédiaire de la France et continuent de privilégier la médiation américaine, qu’elles jugent plus crédible et efficace.
Après des échecs successifs, il serait utile de réexaminer la politique française dans notre région. Pour agir dans la bonne direction et adopter enfin une diplomatie nouvelle, créative, efficace, moins conservatrice et plus pragmatique. Pour gagner la sympathie des Israéliens, je conseille à mes collègues français de ne pas se comporter comme de fiers énarques, en adoptant une attitude systématiquement glaciale et un discours moralisateur.
Bien sûr, il ne s’agit pas de boycotter, de rompre les liens avec le monde arabe et de mener une chasse aux sorcières contre le monde musulman. Il faut poursuivre le dialogue et rassembler les modérés et toutes les personnes de bonne volonté dans le cadre des accords d’Abraham, afin de lutter ensemble contre les extrémistes et les fanatiques, et d’éliminer tous ceux qui sèment la haine et la terreur.
Enfin, Israël n’a jamais interféré dans les affaires françaises et ne donne pas de leçons de morale ni de conseils aux pays étrangers. Nous rejetons également les boycotts, les pressions et les diktats. C’est pourquoi nous recommandons, dans l’intérêt des deux pays, de séparer le bilatéral du multilatéral afin de renforcer nos relations dans tous les domaines. Celles-ci sont actuellement au beau fixe malgré les divergences et les malentendus concernant la solution du problème palestinien.
Dans ce contexte, il est temps de préparer une première visite d’État du président Macron, exclusivement en Israël. Il est toujours le bienvenu. C’est ainsi que nous pourrons ensemble rassurer la communauté juive de France, toujours fidèle aux lois républicaines, et apaiser les Israéliens francophones, très déçus par la politique de votre pays.
Freddy Eytan
Source: https://jcpa-lecape.org
1 L’ambassadeur de France en Israël, Frédéric Journès, a publié le 13 août 2025 une tribune dans le journal Haaretz.
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