Netanyahu à la frontière syrienne. Pourquoi était-ce si urgent ?

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À l’aube, Netanyahu s’est envolé vers le plateau du Golan élargi, dans ce secteur de Syrie où Tsahal maintient depuis la chute du régime Assad une présence militaire continue. À ses côtés, le ministre de la Défense Israel Katz, le ministre des Affaires étrangères Gideon Sa’ar et le chef d’état-major, le général Eyal Zamir. Sur place, le Premier ministre a passé en revue les postes avancés israéliens, dont deux implantés sur le versant syrien du mont Hermon, avant de tenir une évaluation sécuritaire avec ses généraux.

Officiellement, il s’agissait de remercier les soldats déployés et de « s’assurer que le nord reste protégé ». Mais le calendrier ne doit rien au hasard. Cette démonstration de présence intervient alors que les négociations de sécurité entre Israël et la nouvelle Syrie d’Ahmed al-Sharaa sont au point mort. Damas exige un retrait israélien de l’ensemble des positions conquises depuis décembre 2024, y compris du secteur hermonien, tandis que Jérusalem refuse de renoncer à ce qu’elle considère comme un atout stratégique irremplaçable.

Le contexte régional ajoute une dimension supplémentaire. Le 10 novembre, Ahmed al-Sharaa, ancien chef rebelle devenu président de la Syrie, a été reçu avec tous les honneurs à la Maison Blanche. À l’issue de cette rencontre inédite, Donald Trump a salué un dirigeant « à l’histoire compliquée » mais qu’il dit désormais prêt à assumer pleinement la reconstruction de son pays. Washington a clairement affiché son ambition : transformer la nouvelle Syrie en partenaire contre l’État islamique, desserrer l’étau des sanctions et, dans ce cadre, encourager un accord de sécurité avec Israël.

C’est précisément cette combinaison – pression américaine, attentes syriennes et enjeux internes – qui rend la visite de Netanyahu au front si explosive. Pour Damas, la présence israélienne au-delà de l’ancienne ligne de séparation n’est qu’une extension de l’occupation du Golan. Pour une partie de l’establishment sécuritaire israélien, c’est au contraire une assurance-vie : du sommet du Hermon, les radars israéliens dominent la Galilée, surveillent les abords de Damas et surtout les axes de contrebande d’armes vers le Hezbollah libanais. Le site est depuis longtemps surnommé « les yeux du pays ».

Ces derniers mois, malgré la rupture officielle entre la nouvelle Syrie et l’Iran, des réseaux liés au Hezbollah ont tenté de reconstituer des routes de trafic d’armes à travers la frontière syro-libanaise. Les services de renseignement israéliens redoutent qu’un retrait précipité du Hermon réduise drastiquement la capacité de détection et permette aux convois de roquettes, drones et missiles de franchir la frontière plus facilement. D’où les appels répétés de responsables militaires à « ne pas lâcher le sommet », même au prix de tensions diplomatiques.

Au sein même d’Israël, la décision de privilégier cette visite au détriment d’une audience au tribunal suscite un débat. Les adversaires de Netanyahu y voient une nouvelle manœuvre pour retarder un procès qui le poursuit depuis des années. Ses partisans, eux, soulignent que le Premier ministre reste, avant tout, responsable de la sécurité nationale : à leurs yeux, il est logique qu’il choisisse d’être aux côtés de ses soldats à un moment où l’avenir du front nord se joue sur le terrain autant qu’à la table des négociations.

Reste une certitude : en se montrant physiquement sur le versant syrien du Hermon, Netanyahu adresse un message simultané à Damas, à Washington et au Hezbollah. Aux Syriens, que la question des positions israéliennes ne sera pas réglée par la seule signature d’un texte. Aux Américains, que toute pression en faveur d’un retrait devra intégrer les contraintes opérationnelles du renseignement et de la défense aérienne. À l’ennemi au nord, enfin, que malgré les discussions, Israël n’entend pas relâcher sa surveillance. Tant qu’aucun arrangement durable ne sera trouvé, le sommet du Hermon restera, pour Jérusalem, moins un objet de négociation qu’une ligne rouge.

Jforum.fr

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