Pékin 2025 : simple défilé anniversaire ou nouveau bloc ?

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Le Quartet autoritaire, la Chine, la Russie, la Corée du Nord et l’Iran : un nouvel ordre mondial en devenir ?

par Majid Rafizadeh

Le spectacle qui s’est déroulé récemment à Pékin ne ressemblait à aucun autre défilé militaire au monde. Pour célébrer le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Chine a présenté sa plus grande démonstration de puissance militaire, mettant en avant des missiles hypersoniques, des drones sophistiqués, des divisions de cyberguerre et un arsenal qui ne laissait aucun doute sur ses ambitions de devenir une superpuissance militaire mondiale.

Ce qui a véritablement marqué ce moment, cependant, n’était pas le défilé d’armes sur la place Tiananmen, mais le rare rassemblement de dirigeants côte à côte. Xi Jinping accueillait Vladimir Poutine et Kim Jong-un, en présence du président iranien Massoud Pezeshkian – créant ainsi un tableau qui symbolisait bien plus qu’une tradition militaire. Il ne s’agissait pas d’un simple défilé anniversaire; c’était la déclaration d’intention d’une coalition d’États qui rejettent l’ordre occidental et cherchent à le remplacer par une alternative autoritaire.

Le symbolisme était on ne peut plus saisissant. Trois États dotés de l’arme nucléaire – la Chine, la Russie et la Corée du Nord – se sont unis, tandis que l’Iran, en quête de longue date de capacités nucléaires, les a rejoints sur la même tribune, adressant au monde un message commun : ils construisent une alliance suffisamment solide pour défier les États-Unis, l’Europe et leurs alliés.
Chaque nation a ses propres motivations : la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine, la détermination de la Chine à repousser l’influence américaine en Asie, la quête de légitimité et de ressources de la Corée du Nord, et la mission idéologique du régime iranien visant à étendre la gouvernance islamique et le contrôle autoritaire à travers le monde.
Pris ensemble, ce rassemblement représentait ce qui se rapprochait le plus de la formation d’un nouveau bloc : un bloc qui pourrait viser à construire un ordre mondial entièrement nouveau, défini non par la démocratie, mais par la coercition, la censure et la force.

Le timing et le contexte ont rendu l’événement encore plus significatif. Le défilé faisait suite au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tianjin, où ces mêmes dirigeants s’étaient déjà réunis pour promouvoir leur vision du monde. Dans les deux cas, leurs paroles et leurs actes ont souligné un thème récurrent : le système international dirigé par l’Occident a fait son temps et doit désormais céder la place à une nouvelle ère où les puissances autoritaires fixent les règles.
Xi Jinping a profité de sa tribune pour insister sur le fait que « le grand renouveau de la nation chinoise est inéluctable » et qu’aucun « intimidateur » – une allusion à peine voilée aux États-Unis et à leurs alliés – ne pourrait freiner sa progression.
Cette rhétorique faisait écho à des décennies de griefs, mais, dans le contexte de ce vaste déploiement militaire, elle ressemblait davantage à la proclamation d’une stratégie.

Pour la Russie, le défilé offrait une solidarité indispensable à un moment où la guerre en Ukraine demeure une campagne épuisante et coûteuse. Poutine se tenait fièrement aux côtés de Xi et Kim, comme pour montrer au monde que, malgré les sanctions et les condamnations internationales, plus d’un million de morts dans la guerre et une économie fragile, Moscou est loin d’être isolée.
La Corée du Nord a déjà fourni des munitions et des hommes à l’armée russe, contournant ouvertement les restrictions internationales qui lui étaient imposées. En retour, Moscou offre à Pyongyang une reconnaissance diplomatique et des moyens de contourner son isolement économique.
La Chine joue un rôle crucial dans ce triangle en achetant son pétrole et en aidant la Russie à accéder aux technologies et aux marchés, offrant ainsi à Moscou et à Pyongyang une marge de manœuvre.
La présence de l’Iran a ajouté une couche supplémentaire. Bien que le régime iranien ne possède pas encore l’arme nucléaire, son gouvernement a ouvertement soutenu la guerre russe en Ukraine par le biais de drones et d’une coopération militaire, tandis que l’idéologie iranienne reste centrée sur l’exportation de l’autoritarisme islamiste au Moyen-Orient et au-delà.
L’inclusion de Téhéran dans ce spectacle de Pékin semble avoir pour but de montrer que cette alliance émergente ne se résume pas à un simple soutien militaire, mais vise également à aligner les modèles autoritaires de gouvernance totalitaire sur les normes démocratiques.

Pendant des décennies, des régimes autoritaires comme la Russie, la Chine et la Corée du Nord ont cherché à assurer leur sécurité individuellement ; aujourd’hui, ils semblent converger ouvertement et publiquement.
Leurs dirigeants mettent en avant leur confédération lors de grands événements internationaux. En défilant ensemble, ils envoient le message qu’ils sont capables de former une alliance durable, alliant puissance militaire, interdépendance économique et convergence idéologique.
Le président américain Donald Trump a réagi au défilé par une remarque cinglante sur les réseaux sociaux : « Veuillez transmettre mes plus chaleureuses salutations à Vladimir Poutine et Kim Jong-un alors qu’ils conspirent contre les États-Unis d’Amérique. »
Ses propos, bien que sarcastiques, ont exprimé l’essence de ce que beaucoup à Washington auraient pu tenter de nier : que ces dirigeants conspiraient bel et bien pour affaiblir l’Occident, saper ses alliances et construire progressivement un système alternatif de gouvernance mondiale.

La question sous-jacente est désormais de savoir si cette alliance autoritaire émergente perdurera comme un partenariat symbolique ou évoluera vers une stratégie coordonnée aux conséquences mondiales durables. Il serait irresponsable de réduire ces événements à une simple mise en scène.
L’invasion russe en cours en Ukraine constitue un défi direct à la stabilité de l’Europe – un défi que l’Iran et la Corée du Nord soutiennent matériellement.
La Chine, quant à elle, étend son empreinte militaire en mer de Chine méridionale et accélère ses préparatifs en vue d’une éventuelle confrontation future avec Taïwan. Ensemble, ces puissances testent les limites de la détermination occidentale.
Elles observent également de près si les États-Unis, l’Europe et leurs alliés réagiront avec hésitation ou avec force.

L’histoire nous offre une leçon édifiante: l’apaisement face à une agression autoritaire prévient rarement les conflits. Le récent refus d’Israël de se soumettre à l’agression du Hamas, soutenu par l’Iran, montre ce que la force et la résilience peuvent accomplir.
Le régime iranien a commis une erreur en s’attendant à ce que la peur et la diplomatie paralysent sa cible. Au lieu de cela, il s’est heurté à une résistance acharnée qui a perturbé ses plans et détruit des « milliers de milliards de dollars » d’investissements dans des centrales nucléaires.

Sur la scène internationale, si l’Occident choisit la faiblesse ou des « tables rondes » interminables et sans issue, il enhardit ceux qui cherchent ouvertement à saper l’ordre mondial.
En revanche, si l’Occident adopte une stratégie de « paix par la force » – et impose des sanctions secondaires strictes, une dissuasion militaire et des lignes de défense claires –, ses chances de dissuader cet axe autoritaire augmentent considérablement.

La Chine, la Russie, la Corée du Nord et l’Iran n’agissent plus comme des puissances distantes et déconnectées, aux intérêts partagés.
Elles s’alignent publiquement, célèbrent leur unité et se préparent à tester la solidité du système international actuel.
Elles semblent pleinement conscientes de ce qu’elles font et de la raison pour laquelle elles le font : remodeler le monde pour en faire un monde où leur autorité dicte les règles, où la liberté est réprimée et où les démocraties hésitantes et maladives sont démantelées comme elles le méritent.

Le monde est entré dans l’heure du choix : les nations occidentales parviendront-elles à dissuader ce quatuor autoritaire avec unité et force, ou se laisseront-elles bercer par l’illusion que la « diplomatie » – si l’on en parle suffisamment longtemps – peut contenir les ambitions belliqueuses ?

Le défilé de Pékin a lancé un avertissement: face à des pouvoirs autoritaires déterminés, seule la détermination suffira.

Le Dr Majid Rafizadeh est politologue, analyste diplômé de Harvard et membre du conseil d’administration de la Harvard International Review. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la politique étrangère des États-Unis.

Source: gatestoneinstitute.org
Sur la photo : Poutine, Xi et Kim assistent au défilé le 3 septembre 2025. (Photo : Alexander Kazakov/Pool/AFP via Getty Images)
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