Pourquoi est-il si difficile d’arrêter les ‘Houthis ?

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Le 4 mai, une explosion survenue près de l’aéroport international Ben Gourion, à la suite du tir d’un missile par les ‘Houthis, a mis en lumière l’impuissance partielle des dispositifs de défense israéliens. Ce nouvel épisode a ravivé l’inquiétude quant à la capacité de l’organisation yéménite, soutenue par l’Iran, à frapper des cibles stratégiques à plus de 2.000 kilomètres de ses bases.

Depuis plus d’un an, Israël a toléré — ou plutôt parié — que les missiles tirés depuis le Yémen seraient interceptés avant d’atteindre leur cible. Une stratégie de retenue qui semble aujourd’hui remise en cause. En effet, l’attaque du 4 mai a entraîné l’annulation temporaire de plusieurs vols internationaux, soulignant l’impact direct de ces actions sur la stabilité régionale et le trafic aérien.

L’ascension des ‘Houthis
Nés d’un mouvement rebelle chiite zaïdite basé dans les montagnes du nord du Yémen, les ‘Houthis ont pris de l’ampleur dans la dernière décennie. Dès 2015, ils se sont retrouvés au cœur d’un conflit impliquant une large coalition menée par l’Arabie saoudite, qui cherchait à restaurer le gouvernement reconnu internationalement. Malgré les efforts conjoints des Émirats arabes unis, de l’Égypte, du Maroc ou encore de la Jordanie, cette coalition n’a pas réussi à défaire durablement les ‘Houthis.

Leur progression a été favorisée par leur alliance stratégique avec l’Iran. Téhéran leur a fourni une technologie sophistiquée de fabrication de drones et de missiles balistiques, ce qui leur a permis de cibler à plusieurs reprises des installations stratégiques saoudiennes. Entre 2015 et 2018, 83 missiles balistiques ont été tirés vers l’Arabie saoudite, sans que cela n’entrave leur expansion.

 

Une technologie offensive en mutation
Le soutien iranien a permis aux ‘Houthis d’étoffer leur arsenal avec des drones de longue portée comme le Shahed 136 — également utilisé par la Russie — ainsi que des missiles balistiques comme les Qiam et Ghader. En juin 2024, les ‘Houthis ont même affirmé avoir développé un missile à propergol solide appelé « Palestine », qui disposerait de capacités hypersoniques. Ce type de missile a l’avantage d’un déploiement rapide, difficile à intercepter.

Les ‘Houthis ont également fait preuve d’un sens tactique audacieux. En novembre 2023, ils ont détourné le navire Galaxy Leader, accusé d’être lié à Israël, et l’ont transformé en attraction touristique, libérant son équipage seulement en 2025. Ce geste illustre leur capacité à mener des actions spectaculaires à haute portée symbolique.

Pourquoi sont-ils si difficiles à neutraliser ?

 

Les terrains montagneux du nord du Yémen, où les ‘Houthis ont consolidé leur pouvoir, rendent toute intervention militaire classique périlleuse. Les lanceurs de missiles mobiles, souvent dissimulés dans des grottes, sont difficiles à localiser et à détruire. L’histoire militaire regorge d’exemples similaires : les Scuds irakiens pendant la guerre du Golfe ou encore les troupes vietnamiennes qui, malgré une supériorité aérienne américaine, ont su résister dans les forêts et les montagnes.

Les ‘Houthis s’inscrivent dans cette tradition de résistance asymétrique. Même les campagnes soutenues, comme celle lancée par les États-Unis en 2024 pour protéger la navigation en mer Rouge, n’ont pas réussi à réduire leur capacité de nuisance. Et bien qu’un cessez-le-feu à Gaza ait momentanément suspendu leurs attaques, ils ont rapidement repris leurs tirs lorsque les frappes israéliennes ont repris en mars.

L’Iran : soutien discret mais central
Si l’Iran a toujours nié toute implication directe, de nombreuses preuves tangibles, notamment issues de rapports de l’ONU et de chercheurs spécialisés, attestent de son rôle essentiel dans le développement des capacités militaires des ‘Houthis. Des cargaisons illégales d’armes en provenance d’Iran pourraient avoir été détruites récemment, notamment lors de l’explosion survenue au port de Shahid Rajaee. Ce qui laisse penser que Téhéran pourrait, à terme, ajuster son soutien en fonction de ses intérêts diplomatiques, notamment dans ses relations avec les États-Unis.

Une impasse stratégique ?

 

Aujourd’hui, malgré les efforts conjoints de plusieurs puissances, les ‘Houthis conservent leur influence et leur capacité à frapper loin. Leur résilience tient autant à leur ancrage local qu’au soutien technologique étranger. Toute solution durable au problème ‘houthi devra combiner efforts militaires ciblés, pressions diplomatiques sur l’Iran, et un engagement réel pour une stabilité politique au Yémen, où les divisions régionales restent un terrain fertile pour leur pouvoir.

Jforum.fr

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