Pourquoi la guerre à Gaza n’est pas finie (2)? Analyse

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Lutte politique et diplomatique

La nature des activités de Tsahal à Gaza et au Liban est très différente, notamment en raison des différences de caractéristiques physiques et opérationnelles entre les deux théâtres. Il existe bien sûr d’autres raisons à cela, notamment celles issues de la politique intérieure et internationale.

Ainsi, au Liban, Tsahal a réussi à créer une alternative politique face au Hezbollah. Les combats menés par Israël au Liban ont perturbé l’équilibre politique qui prévalait jusque-là dans le pays, et il est soudain devenu évident qu’une autre adresse à Beyrouth pouvait être contactée pour gérer les affaires. La guerre a en effet déclenché un profond changement social au Liban, à l’issue duquel il est possible que les nouvelles institutions étatiques, nées en réponse aux destructions massives subies par le pays pendant la guerre, parviennent à désarmer le Hezbollah.
À Gaza, la situation est très différente. Aux yeux du gouvernement israélien, l’Autorité palestinienne n’est pas perçue comme une option pertinente pour gérer la bande de Gaza, et tant qu’aucun autre organisme international ne sera trouvé pour en assumer la gestion – une tâche qui n’intéresse personne tant que le Hamas détient suffisamment de pouvoir pour démontrer sa force face à un tel facteur – aucune alternative potentielle à la domination de l’organisation terroriste sur les habitants ne se présentera. Le Hamas refuse de relâcher son contrôle sur Gaza, que ce soit en coulisses ou ouvertement, et refuse d’accepter qu’un organisme qui ne lui soit pas soumis puisse gérer les affaires de la bande.

 

Un autre problème concerne la pression internationale exercée sur Israël. Non seulement le gouvernement de Jérusalem fait l’objet de revendications, de menaces et de condamnations de la part de pays sur des questions spécifiques, comme l’acheminement de l’aide ou les atteintes aux civils, mais de manière générale, la communauté internationale perçoit le conflit avec les Palestiniens différemment de la lutte dans le théâtre d’opérations du Nord. Le Hezbollah ne fait pas l’unanimité parmi les pays étrangers, bien au contraire. Sa guerre contre Israël n’est pas perçue favorablement et est perçue comme une lutte visant à détruire le Liban. Le théâtre d’opérations du Nord n’a donc pas été au cœur des requêtes déposées auprès des tribunaux de La Haye contre les services de sécurité et le gouvernement.

La lutte palestinienne acquiert une « légitimité » internationale, une action justifiée par l’« occupation » israélienne. Les partisans palestiniens sont nombreux en Occident, et ils voient sous leurs yeux l’image, largement véhiculée par les parties prenantes, de la « victimisation » palestinienne, des dangers et de la perception qu’ils sont comme David contre Goliath. Cette situation met Israël sous pression dans ses actions, notamment sur ce théâtre d’opérations, et même le crédit qu’Israël avait acquis grâce aux horreurs commises par le Hamas le 7 octobre s’est rapidement érodé. C’est dans ce contexte que se déroule actuellement, par exemple, la campagne de famine contre le siège de Gaza, qui a suscité des messages anti-Israël même de la part de la Maison-Blanche de Trump. De ce fait, les possibilités d’action d’Israël se réduisent, et le pays se bat toujours avec un sablier politique au-dessus de sa tête.

Les pays du monde entier tentent souvent de préserver les plans-cadres auxquels ils se sont tenus dans la région, notamment la solution à deux États pour deux peuples. Ainsi, lorsque la France, par exemple, discute avec Israël de la guerre à Gaza, elle part toujours du principe qu’elle souhaite promouvoir la reconnaissance des Palestiniens. Ainsi, en pleine guerre, alors que de nombreux otages étaient encore retenus dans les tunnels obscurs du Hamas, l’Irlande, la Norvège et l’Espagne ont officiellement annoncé la reconnaissance d’un État palestinien. Cette conscience peut expliquer, par exemple, pourquoi l’annonce faite cette semaine par la France, le Royaume-Uni et le Canada contre Israël, tout en menaçant de sanctions, a combiné la poursuite de la guerre à Gaza et la « construction dans les colonies ». C’est également la raison pour laquelle, parallèlement à l’annonce britannique de l’arrêt des discussions sur un accord commercial avec Israël en raison de l’opération à Gaza, des sanctions personnelles ont été imposées aux habitants des colonies de Judée-Samarie en raison du harcèlement présumé des Palestiniens.

Cette tendance est également liée au conflit politique interne en Israël : nombreux sont ceux qui, en Israël, adhèrent encore à la solution à deux États et estiment que c’est la bonne solution pour sortir de l’impasse avec les Palestiniens. Ils soutiennent d’une certaine manière les initiatives européennes sur la question et justifient des actions visant à préserver cette idée comme une possibilité concrète. En revanche, aucun mouvement israélien ne réclame une solution politique avec le Hezbollah, notamment parce qu’il comprend l’inutilité d’un tel acte, surtout après le retrait israélien du Liban en 2000 et que l’organisation chiite semble ne chercher que des excuses pour justifier son agression contre Tsahal.

Jusqu’à présent, l’analyse n’a pas abordé l’un des points peut-être les plus importants qui font la différence entre la situation sur les théâtres nord et sud : la question des otages. Le Hamas ne s’est pas contenté d’emmener des civils et des soldats israéliens comme otages dans les tunnels obscurs de Gaza, mais il a parfaitement compris les implications que cela aurait sur les options d’action d’Israël. Sur le plan opérationnel, par exemple, cela signifie que Tsahal n’est pas libre d’opérer librement dans toutes les cellules terrestres de Gaza, car il existe des endroits où l’on craint que ses activités ne portent atteinte aux otages, que ce soit par bombardement ou par vengeance de leurs ravisseurs. Les soldats opèrent également dans toute la bande avec une double mission : d’une part, retourner pierre après pierre pour libérer les otages, et d’autre part, détruire le Hamas au passage. Ces tâches sont parfois contradictoires, et en Israël, il existe un désaccord entre le niveau opérationnel et les décideurs sur la priorité à donner aux objectifs.

 

Des manifestants allument la torche de leurs téléphones alors qu’ils se rassemblent devant le siège du ministère israélien de la Défense à Tel Aviv, le 22 mars 2025 (Photo : Jack Fuez / AP)

Ce dilemme se reflète également dans l’opinion publique israélienne et dans la pression politique qu’il exerce sur les dirigeants. Il n’y a pas eu de mouvement interne important dans la société israélienne pour mettre fin aux combats contre le Hezbollah, mais ce n’est pas le cas à Gaza. De larges pans de la société israélienne estiment que la libération des otages est prioritaire pour la poursuite de la guerre et qu’un accord – même si les modalités restent floues – devrait être conclu avec le Hamas pour mettre fin à la campagne, se retirer de Gaza, la réhabiliter et donner à l’organisation terroriste la possibilité de se réarmer. Tout cela en échange du retour des otages dans leurs foyers ou leurs tombes.

Effet cumulatif

Il existe de nombreuses différences entre Gaza et le Liban, et l’ennemi n’est pas le même. Cette divergence entre les deux théâtres d’opérations explique que Tsahal n’ait pas encore remporté la victoire finale à Gaza, mais elle ne saurait en revanche justifier la situation actuelle, où la campagne dans la bande de Gaza a été trop souvent caractérisée depuis le début de la guerre par une stagnation.

D’un autre côté, cela ne signifie pas qu’Israël ne remportera pas la victoire sur le Hamas, du moins selon un modèle similaire à celui de la défaite infligée au Hezbollah. La campagne n’est pas terminée et il est difficile de prédire son évolution. Cela dépend aussi, entre autres, de la définition la plus définitive possible des objectifs, de la tension entre les niveaux militaire et politique, de succès concrets qui créeront une inertie des événements, et plus encore. L’élimination de Mohammed Sinwar, par exemple, si elle était confirmée, pourrait en être un. Le frère de l’auteur de l’attentat du 7 octobre est considéré comme un symbole extrémiste au sein du Hamas, en plus d’être actuellement le commandant en chef et le cerveau opérationnel. Son retrait du théâtre pourrait ouvrir la voie à des compromis de la part de l’organisation terroriste, même si, pour l’instant, les négociations entre les parties concernant la libération d’otages supplémentaires semblent au point mort.

 

Nous devons comprendre que la guerre a également un effet cumulatif sur nos ennemis, et que les actions ne se manifestent parfois qu’à long terme. Voici, par exemple, un point intéressant de ces derniers jours : lors d’une conversation avec la presse étrangère, un « responsable palestinien » non identifié a évoqué les conditions posées par le Hamas à la fin de la guerre par Israël. Dans ces conditions, pour la première fois, à ma connaissance, une demande de sortie de Gaza pour des responsables du Hamas a été formulée.

Avant de nous réjouir, il faut garder à l’esprit que cette déclaration n’a qu’une crédibilité très limitée. On ignore qui l’a prononcée, quelle est son affiliation organisationnelle et politique, et ce que la source a précisément perçu dans sa vision. Néanmoins, cette exigence est novatrice, elle fait écho à un objectif israélien qui n’était pas encore apparu du côté palestinien. Elle nous apprend peut-être que la pression agit également sur le Hamas et les habitants de Gaza, et qu’il est possible qu’à l’avenir nous puissions atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

 

Cela signifie qu’il existe une possibilité de changer la réalité, mais cela dépend aussi de nous à bien des égards. Saurons-nous aller jusqu’au bout et persévérer sous la pression ? Nos dirigeants auront-ils le courage de prendre des décisions difficiles, malgré les difficultés et les contraintes ? Disposerons-nous des ressources politiques, militaires et humaines nécessaires pour atteindre nos objectifs ? Sur ces questions, Israël sera mis à l’épreuve dans les mois à venir.

Elie Klutstein est chercheur à l’Institut Misgav pour la sécurité nationale.

JForum.fr avec www.jns.org/from-the-blm-riots-

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