Lutte politique et diplomatique
La nature des activités de Tsahal à Gaza et au Liban est très différente, notamment en raison des différences de caractéristiques physiques et opérationnelles entre les deux théâtres. Il existe bien sûr d’autres raisons à cela, notamment celles issues de la politique intérieure et internationale.
Un autre problème concerne la pression internationale exercée sur Israël. Non seulement le gouvernement de Jérusalem fait l’objet de revendications, de menaces et de condamnations de la part de pays sur des questions spécifiques, comme l’acheminement de l’aide ou les atteintes aux civils, mais de manière générale, la communauté internationale perçoit le conflit avec les Palestiniens différemment de la lutte dans le théâtre d’opérations du Nord. Le Hezbollah ne fait pas l’unanimité parmi les pays étrangers, bien au contraire. Sa guerre contre Israël n’est pas perçue favorablement et est perçue comme une lutte visant à détruire le Liban. Le théâtre d’opérations du Nord n’a donc pas été au cœur des requêtes déposées auprès des tribunaux de La Haye contre les services de sécurité et le gouvernement.
La lutte palestinienne acquiert une « légitimité » internationale, une action justifiée par l’« occupation » israélienne. Les partisans palestiniens sont nombreux en Occident, et ils voient sous leurs yeux l’image, largement véhiculée par les parties prenantes, de la « victimisation » palestinienne, des dangers et de la perception qu’ils sont comme David contre Goliath. Cette situation met Israël sous pression dans ses actions, notamment sur ce théâtre d’opérations, et même le crédit qu’Israël avait acquis grâce aux horreurs commises par le Hamas le 7 octobre s’est rapidement érodé. C’est dans ce contexte que se déroule actuellement, par exemple, la campagne de famine contre le siège de Gaza, qui a suscité des messages anti-Israël même de la part de la Maison-Blanche de Trump. De ce fait, les possibilités d’action d’Israël se réduisent, et le pays se bat toujours avec un sablier politique au-dessus de sa tête.
Cette tendance est également liée au conflit politique interne en Israël : nombreux sont ceux qui, en Israël, adhèrent encore à la solution à deux États et estiment que c’est la bonne solution pour sortir de l’impasse avec les Palestiniens. Ils soutiennent d’une certaine manière les initiatives européennes sur la question et justifient des actions visant à préserver cette idée comme une possibilité concrète. En revanche, aucun mouvement israélien ne réclame une solution politique avec le Hezbollah, notamment parce qu’il comprend l’inutilité d’un tel acte, surtout après le retrait israélien du Liban en 2000 et que l’organisation chiite semble ne chercher que des excuses pour justifier son agression contre Tsahal.
Jusqu’à présent, l’analyse n’a pas abordé l’un des points peut-être les plus importants qui font la différence entre la situation sur les théâtres nord et sud : la question des otages. Le Hamas ne s’est pas contenté d’emmener des civils et des soldats israéliens comme otages dans les tunnels obscurs de Gaza, mais il a parfaitement compris les implications que cela aurait sur les options d’action d’Israël. Sur le plan opérationnel, par exemple, cela signifie que Tsahal n’est pas libre d’opérer librement dans toutes les cellules terrestres de Gaza, car il existe des endroits où l’on craint que ses activités ne portent atteinte aux otages, que ce soit par bombardement ou par vengeance de leurs ravisseurs. Les soldats opèrent également dans toute la bande avec une double mission : d’une part, retourner pierre après pierre pour libérer les otages, et d’autre part, détruire le Hamas au passage. Ces tâches sont parfois contradictoires, et en Israël, il existe un désaccord entre le niveau opérationnel et les décideurs sur la priorité à donner aux objectifs.
Des manifestants allument la torche de leurs téléphones alors qu’ils se rassemblent devant le siège du ministère israélien de la Défense à Tel Aviv, le 22 mars 2025 (Photo : Jack Fuez / AP)
Ce dilemme se reflète également dans l’opinion publique israélienne et dans la pression politique qu’il exerce sur les dirigeants. Il n’y a pas eu de mouvement interne important dans la société israélienne pour mettre fin aux combats contre le Hezbollah, mais ce n’est pas le cas à Gaza. De larges pans de la société israélienne estiment que la libération des otages est prioritaire pour la poursuite de la guerre et qu’un accord – même si les modalités restent floues – devrait être conclu avec le Hamas pour mettre fin à la campagne, se retirer de Gaza, la réhabiliter et donner à l’organisation terroriste la possibilité de se réarmer. Tout cela en échange du retour des otages dans leurs foyers ou leurs tombes.
Effet cumulatif
Il existe de nombreuses différences entre Gaza et le Liban, et l’ennemi n’est pas le même. Cette divergence entre les deux théâtres d’opérations explique que Tsahal n’ait pas encore remporté la victoire finale à Gaza, mais elle ne saurait en revanche justifier la situation actuelle, où la campagne dans la bande de Gaza a été trop souvent caractérisée depuis le début de la guerre par une stagnation.
Nous devons comprendre que la guerre a également un effet cumulatif sur nos ennemis, et que les actions ne se manifestent parfois qu’à long terme. Voici, par exemple, un point intéressant de ces derniers jours : lors d’une conversation avec la presse étrangère, un « responsable palestinien » non identifié a évoqué les conditions posées par le Hamas à la fin de la guerre par Israël. Dans ces conditions, pour la première fois, à ma connaissance, une demande de sortie de Gaza pour des responsables du Hamas a été formulée.
Cela signifie qu’il existe une possibilité de changer la réalité, mais cela dépend aussi de nous à bien des égards. Saurons-nous aller jusqu’au bout et persévérer sous la pression ? Nos dirigeants auront-ils le courage de prendre des décisions difficiles, malgré les difficultés et les contraintes ? Disposerons-nous des ressources politiques, militaires et humaines nécessaires pour atteindre nos objectifs ? Sur ces questions, Israël sera mis à l’épreuve dans les mois à venir.
Elie Klutstein est chercheur à l’Institut Misgav pour la sécurité nationale.