Recep Tayyip Erdogan a multiplié les signaux : Ankara se dit prête à « participer » à la stabilisation post-conflit de Gaza, à surveiller la mise en œuvre d’un cessez-le-feu et à contribuer à la reconstruction de l’enclave. Sur le papier, la proposition coche les cases de la « normalisation fonctionnelle » : aides d’urgence, sécurité des corridors, redémarrage des services essentiels, puis chantiers de reconstruction confiés à des groupes turcs aguerris. Dans la pratique, Jérusalem a opposé un non clair, rappelant qu’Israël décidera qui peut déployer des personnels étrangers à Gaza — et que l’armée turque n’en fera pas partie.
Sécuritaires ensuite : la Turquie présente sa participation à une « task-force » de surveillance du cessez-le-feu comme un prolongement de son rôle de médiation, avec d’éventuels effectifs civils et militaires. Or, pour Israël, l’enjeu central reste la neutralisation et le démantèlement effectif du Hamas — pas sa survie administrative sous un parapluie international. La crainte est simple : qu’une présence turque, proche des réseaux frères-musulmans auxquels Ankara assimile le Hamas, se traduise par une consolidation de l’appareil du mouvement, cette fois à l’ombre d’un label de « maintien de la paix ».
Du côté turc, l’offre n’est pas que géopolitique ; elle est aussi économique. Les grands consortiums de BTP d’Ankara, qui ont bâti des villes entières au Moyen-Orient, voient dans la reconstruction un gisement de contrats et d’influence. Politiquement, Erdogan capitaliserait sur un rôle de « garant » — un statut qui accroît sa stature régionale, réactive ses réseaux dans Gaza et lui permet de parler à la fois à Washington, au Caire, à Doha… et à l’opinion turque.
Côté israélien, la ligne s’affine : oui à une architecture internationale si elle est strictement compatible avec trois impératifs — démilitarisation réelle du Hamas, contrôle israélien des critères d’entrée des contingents étrangers, et priorité donnée à des partenaires perçus comme non alignés sur l’islamisme politique. Les signaux publics sont cohérents : Israël revendique un droit de veto sur la composition de toute force, rappelle sa souveraineté décisionnelle et réaffirme que la sécurité aux abords de Gaza ne sera pas sous-traitée à des acteurs ayant soutenu, politiquement ou logistiquement, l’appareil du Hamas.
En arrière-plan, une question structurelle : la « communauté internationale » acceptera-t-elle un cadre où Israël filtre les contributeurs à la stabilisation ? Les dernières déclarations occidentales laissent entendre qu’aucune force n’imposera des troupes qu’Israël juge inacceptables. C’est la condition, selon Jérusalem, pour éviter une « internationalisation » qui, loin d’apporter la paix, figerait un rapport de force au bénéfice du Hamas.
Dire non à des troupes turques à Gaza n’est pas un réflexe de fermeture, c’est un choix de sécurité cohérent : démanteler durablement le Hamas exige des partenaires qui ne légitiment pas son projet. Israël a raison d’exiger un droit de regard sur chaque acteur, de lier reconstruction et désarmement, et de privilégier des mécanismes qui consolident sa sécurité comme celle des civils. C’est ainsi que la stabilité régionale pourra progresser — par des alliances claires, des garanties vérifiables et la mise à l’écart des agendas qui perpétuent la violence.



























