Le retrait très médiatisé des membres de Yahadout HaTora du gouvernement a révélé une nouvelle fissure profonde au sein de la coalition de Netanyahou – mais pas forcément de quoi la faire chuter immédiatement. Les Ashkenazes sont partis, le Shas reste encore dans la coalition, et le gouvernement tient pour l’instant avec 60 députés seulement, avec Avi Maoz jouant un rôle de « joker » ponctuel pour les votes. Le message est clair : le gouvernement vacille, mais il peut encore terminer la session d’été et repousser la crise à « après les fêtes ».
Ynet – Illustration : Réunion des rabbanim de Shas
Le nœud de la crise : la « devinette Deri »
Cette fois-ci, ce n’est plus seulement Yahadout HaTora qui menace – elle a déjà agi de manière spectaculaire. Tous les regards sont désormais tournés vers le siège du Shas à Har ‘Hotzvim à Jérusalem, où doit se réunir aujourd’hui (mercredi) le Conseil des sages de la Tora du mouvement, avec les députés et dirigeants du parti. On estime que la décision d’un retrait pourrait y être prise – mais ce retrait pourrait aussi être progressif, en fonction des évolutions.
En coulisses, le Shas agit en coordination étroite avec Deguel HaTora et son guide spirituel, le rav Dov Landau. Mais contrairement à Yahadout HaTora, qui a quitté immédiatement, le Shas opte pour une stratégie attentiste : observer si le retrait ashkenaze crée un effet domino qui pousserait à la reprise des négociations sur une version convenue de la loi sur l’exemption du service militaire, et n’envisager un retrait complet que si cela échoue.
Le président du Shas, Aryeh Deri, joue sur plusieurs tableaux. D’un côté, il fait partie des cercles sécuritaires les plus restreints – il était au courant à l’avance de l’attaque contre l’Iran. De l’autre, il est le leader d’un public orthodoxe, qui attend de lui qu’il défende les Yechivoth et exige l’application de la promesse d’adopter une loi d’exemption du service militaire. Cette fois, sa patience semble atteindre ses limites.
Une démission qui serait bien plus qu’un geste symbolique
Le scénario que le Shas envisage actuellement dépasse la simple démission rituelle de ministres ‘harédim. Il s’agit de portefeuilles ministériels importants, dont le départ ébranlerait fortement la coalition. Deri, qui ces derniers mois s’efforçait de réduire les tensions avec Agoudat Israël et l’ancien ministre du Logement Yitzhak Goldknopf, envoie un signal bien différent cette fois. S’il abandonne lui aussi, ce serait un coup dur pour la stabilité du gouvernement.
Lors de la conférence des autorités locales (MUNIEXPO), Yuli Edelstein, président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense, a affirmé avoir demandé aux ‘harédim une déclaration claire des grands rabbanim exigeant que ceux dont « l’étude de la Tora n’est pas leur véritable vocation » s’engagent dans l’armée. « Je n’ai pas entendu une telle déclaration jusqu’à présent », a-t-il dit.
Les partis orthodoxes ont rétorqué que l’opposition d’Edelstein portait sur la création d’un mécanisme garantissant que les ‘harédim qui entrent dans l’armée puissent en sortir tout en restant ‘harédim. Ce mécanisme de contrôle n’ayant pas été accepté, ils affirment qu’il n’y avait plus de base pour discuter.
Propositions alternatives du Likoud
Les partis ‘harédim disent avoir reçu diverses propositions de la part du Likoud, notamment la création d’une commission spéciale pour la loi d’exemption, en dehors de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense.
« Nous avions accepté un objectif de 50 % de conscription des jeunes ‘harédim – ce qui aurait été historique pour l’État d’Israël – mais sur le mécanisme qui garantit un mode de vie ‘harédi, il n’y a pas eu d’accord », ont-ils précisé.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a abordé le sujet hier à la conférence MUNIEXPO à Tel Aviv, rapportant une visite effectuée la veille à la base de la brigade orthodoxe « Hashmonayim » : « Ils m’ont dit : nous sommes venus volontairement. Si vous venez avec des marteaux, alors il faut une loi. Mais pas dans la confrontation, pas dans une guerre interne. On peut respecter à la fois le monde de la Tora et l’armée. Il faut sortir la politique de tout ça. »
« Trahison » et accusations mutuelles
L’ancien ministre du Shas, Ariel Attias, qui représente les orthodoxes dans les négociations, a exprimé un sentiment de trahison envers Edelstein. Dans une interview à la radio Kol Hai, il a déclaré : « Un document est arrivé, annulant complètement tous les accords. Il a trompé tout le monde, il a menti. Ils ont changé les principes. Je pense que la stratégie, dès le départ, était de ne faire passer aucune loi. »
Il a ajouté que le Shas ne compte pas se taire et continuera à suivre les instructions des grands rabbanim.
Yahadout HaTora et le Shas ont accusé Edelstein de jouer un jeu politique sur le dos des soldats et d’exploiter la douleur des familles. Selon eux, c’est un cynisme inacceptable, d’autant plus que leurs deux partis planifient d’exempter des dizaines de milliers de jeunes des Yechivoth du service militaire.
Dans sa déclaration à la Knesset, Edelstein a insisté pour une loi incluant des sanctions personnelles, des sanctions contre les institutions en cas de non-respect des objectifs, et des quotas de conscription obligatoires. Il a révélé que la version préparée comporte plus de 50 pages. Il a aussi répondu aux accusations des ‘harédim : « Ceux qui ont violé les accords, ce sont eux – avant même que l’avion ne revienne de Téhéran. »
Selon lui, il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire passer une loi réelle sur la conscription, tout en préservant la coalition : « Même aux moments les plus critiques, j’ai tout fait pour maintenir le gouvernement. Le ballon est dans leur camp. »
Et la dissolution de la Knesset ?
Malgré les déclarations et la tension politique, la dissolution de la Knesset n’est pas à l’ordre du jour pour l’instant.
La loi stipule qu’une motion de dissolution ne peut être soumise que six mois après le rejet d’une proposition similaire – ce qui signifie qu’aucune dissolution ne peut avoir lieu avant les fêtes. Même l’initiative de l’opposition dirigée par Yair Lapid pour avancer la discussion ne suscite aucun enthousiasme du côté ‘harédi, qui préfère épuiser les négociations avant de franchir une ligne irréversible.