Tuer un juif et empocher 100 000 dollars

0
2

Les visages apparaissent en série, accompagnés d’adresses, de numéros de téléphone et d’un tarif macabre. Sur un site anonyme se présentant comme le mouvement « Punition pour la justice », des universitaires israéliens – et certains de leurs collègues à l’étranger – sont désignés comme des cibles à abattre, avec des primes promises à quiconque accepterait de passer à l’acte.

Selon les captures d’écran et les analyses d’experts, la plateforme propose 50 000 dollars pour l’assassinat d’un universitaire israélien « standard » et jusqu’à 100 000 dollars pour des « cibles spéciales ». Des montants moindres seraient offerts pour des actions d’intimidation : collage d’affiches devant les domiciles, harcèlement, voire attaques contre les biens des personnes visées. L’objectif affiché est clair : transformer chercheurs et dirigeants d’institutions scientifiques en gibier pour militants violents ou tueurs à gages.

La liste publiée ne se limite pas à une poignée de noms. Le site mentionne des centaines d’universitaires liés à des institutions prestigieuses : l’université Ben-Gourion du Néguev, le Technion, l’Institut Weizmann, l’Université hébraïque de Jérusalem, l’Université de Tel-Aviv, mais aussi Harvard ou encore l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Certaines des personnes ciblées résident hors d’Israël, notamment aux États-Unis et en Europe, ce qui donne à cette campagne une dimension internationale inédite.

Parmi les « cibles spéciales » figurent des figures connues de l’espace académique et public israélien : Daniel Chamovitz, président de l’université Ben-Gourion, l’astrophysicienne et militante civique Shikma Bressler, ou encore l’ancien président de l’Institut Weizmann, Daniel Zajfman. Pour ces personnalités, les montants promis sont plus élevés, accompagnés d’un discours qui les décrit comme des « criminels » coopérant avec Tsahal et fournissant prétendument des « armes de destruction massive » à l’armée israélienne.

Les auteurs du site affirment que ces universitaires seraient des « cibles légitimes », au motif qu’ils « utilisent leurs connaissances pour tuer des innocents et des enfants ». Ils prétendent leur avoir envoyé des « avertissements » au cours des derniers mois, les enjoignant de cesser toute collaboration avec l’armée israélienne. Face à ce qu’ils qualifient de refus motivé par des « intérêts financiers et personnels », ils annoncent vouloir « détruire tous leurs intérêts et leurs biens dans le monde entier ». Le texte appelle explicitement des « groupes armés » et « combattants » non étatiques à rejoindre ce « mouvement », en promettant de partager les primes et en se drapant dans le vocabulaire des « droits de l’homme » et de la défense des « enfants opprimés de Gaza ».

Pour les universités israéliennes, le choc est profond. Le forum des présidents d’université parle d’une « escalade dangereuse et horrifique », soulignant que l’on a franchi un cap : il ne s’agit plus de boycott académique ou de campagnes en ligne, mais d’une véritable « liste d’exécution » assortie d’un barème tarifé pour l’incendie de véhicules, les agressions physiques et, au sommet, le meurtre. L’affaire a été immédiatement transmise au Shin Bet, à la police israélienne et à la Direction nationale de la cybersécurité, alors que les autorités tentent d’identifier les responsables d’un site apparemment hébergé en Occident et protégé par des VPN et des systèmes de chiffrement.

Au-delà de la violence verbale, le timing inquiète les services de sécurité. Cette opération intervient en parallèle d’autres campagnes hostiles : des hackers liés à l’Iran ont récemment divulgué les données personnelles de hauts responsables de l’industrie de défense israélienne, accompagnées d’offres de récompense pour des informations permettant de les localiser. Aux yeux de nombreux observateurs, la publication de primes pour l’assassinat d’universitaires s’inscrit dans cette même logique de guerre hybride, où le cyberespace et les réseaux sociaux servent à désigner des cibles humaines à travers le monde.

Le monde académique, en Israël comme à l’étranger, redoute désormais les effets concrets de cette campagne : auto-censure, renforcement de la sécurité personnelle, limitation des déplacements à l’étranger. Des organisations juives et plusieurs responsables politiques occidentaux évoquent une convergence entre antisionisme radical et antisémitisme, estimant que s’en prendre physiquement à des chercheurs en raison de leur nationalité ou de leur institution franchit une ligne rouge. Reste à savoir si les autorités des pays où se trouvent certains de ces universitaires agiront avec la même détermination que les services israéliens pour neutraliser un dispositif qui, cette fois, ne se contente plus de mots.

Jforum.fr

Aucun commentaire

Laisser un commentaire