Un enquêteur du dossier Netanyahou : “Nous avons dépassé les limites fixées par le conseiller juridique dans l’affaire 1000”

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L’ancien commandant adjoint de la police, Tsahi Havkin, a déclaré hier, lors de son témoignage, que des pistes d’enquête avaient été suivies au-delà de ce qu’avait autorisé l’ex-conseiller juridique du gouvernement Avichaï Mandelblit.
Concernant la manœuvre d’enquête menée à l’encontre du témoin d’État Nir Hefetz, il a reconnu : “C’était peut-être légal, mais ce n’était pas correct.”

Un témoignage explosif devant le tribunal de Jérusalem

Havkin, ancien enquêteur principal dans les trois “affaires des milliers” visant le Premier ministre Benjamín Netanyahou, a témoigné hier (mercredi) devant le tribunal de district de Jérusalem.
Il a révélé avoir alerté en 2018 le département des enquêtes internes de la police (Mahash) sur des “événements irréguliers” dans la conduite des investigations, et a reconnu que les enquêteurs avaient outrepassé les autorisations données par Mandelblit dans l’affaire 1000 (concernant les cadeaux offerts à Netanyahou).

On a également appris hier que c’est Havkin lui-même qui, après avoir quitté la police, avait contacté Dovi Shertzer, haut responsable du Mahash à l’époque, pour lui transmettre des informations sur des irrégularités dans les enquêtes.
Jusqu’à présent, Shertzer refusait de révéler l’identité de sa source, expliquant que la cheffe du Mahash, Keren Bar Menachem, s’était opposée à toute enquête tant qu’il n’y aurait pas de plainte officielle.

“Nous avons peut-être fait une erreur”

Shertzer a confirmé hier pour la première fois que Havkin était bien la source du signalement : “Je lui ai parlé récemment. Il m’a dit qu’il ne comptait pas mentir devant le tribunal, et m’a autorisé à révéler son nom.”

Havkin a ensuite décrit plusieurs épisodes jugés problématiques.
Il a expliqué que, bien que Mandelblit ait limité les enquêteurs à un seul aspect – vérifier si Yair Netanyahou, le fils du Premier ministre, bénéficiait gratuitement d’un appartement de luxe appartenant au milliardaire James Packer à l’hôtel Royal Beach de Tel-Aviv – les policiers ont posé des questions dépassant ce cadre.

“Avec le recul, je reconnais que nous avons peut-être commis une erreur en interrogeant sur d’autres cadeaux non autorisés”, a-t-il déclaré à la cour.

Il a ajouté que les enquêteurs avaient alors découvert que c’était en réalité Yossi Cohen, chef du Mossad à l’époque, qui utilisait fréquemment l’appartement — un élément qui n’a jamais été exploré, Mandelblit ayant ordonné que ce dossier soit “séparé” et “examiné ultérieurement”… ce qui, selon Havkin, n’a jamais été fait.

“Le procédé envers Nir Hefetz n’était pas correct”

Havkin a également évoqué le “stratagème d’enquête” mis en œuvre contre Nir Hefetz, témoin d’État clé, lorsqu’une femme proche de lui avait été utilisée pour faire pression psychologiquement.
L’avocat de Netanyahou, Amit Haddad, lui a demandé : “Vous saviez, au moment des faits, qu’on le menaçait en insinuant que sa famille serait détruite ?”
Havkin a répondu : “Oui. Faire venir quelqu’un qui n’a aucun lien avec l’affaire, uniquement pour exercer une pression, ce n’est pas correct. Ce n’est pas criminel ni illégal, mais ce n’est pas acceptable.”

“Certaines limites de Mandelblit nous ont dérangés”

Havkin a précisé que d’autres aspects de l’enquête l’avaient troublé, notamment le fait qu’Ilan Yeshua, ancien PDG du site Walla, n’ait pas été interrogé sous avertissement, alors qu’il était impliqué dans des échanges constitutifs d’infractions possibles : “Je ne comprenais pas pourquoi un témoin si central était interrogé librement.
On m’a répondu : ‘C’est l’ordre du conseiller juridique’.”

Selon lui, Mandelblit aurait imposé des restrictions qui limitaient les enquêteurs, provoquant leur frustration : “Dès le début de l’affaire 1000, on a senti que le conseiller nous envoyait dans des directions sans issue. Nous avons donc posé des questions plus larges que ce qui avait été autorisé.”

Un dossier toujours politiquement explosif

Enfin, Havkin a rappelé que le refus de Mandelblit d’autoriser une enquête sur Yossi Cohen lui paraissait “incompréhensible” : “Nous avons présenté les éléments au conseiller, il a ordonné de séparer le dossier… et à ma connaissance, cela n’a jamais été examiné depuis.”

Il doit poursuivre son témoignage dans deux semaines.

Contexte : suspension temporaire du procès Netanyahou

Dimanche dernier, les juges ont annulé deux jours d’audiences prévues cette semaine, après la demande du Premier ministre de raccourcir les sessions en raison de “réunions diplomatiques urgentes”.
Netanyahou a informé le tribunal qu’il ne pourrait pas comparaître mercredi à cause de la visite du vice-président américain J.D. Vance, ni jeudi en raison de la cérémonie d’entrée en fonction du nouveau chef du Shin Bet, David Zini.

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