Une entente israélo-palestinienne est-elle définitivement impossible ?

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Mabatim, Klod Frydman

L’actualité l’affirme.

Mais l’histoire témoigne qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

L’année 1913 qui fut une étape importante dans le démantèlement de l’Empire ottoman fut également un tournant dans les relations judéo-arabes. On vit, chose inimaginable aujourd’hui, des Arabes de premier plan suggérer que Juifs et Arabes fassent cause commune contre les Ottomans[1], qu’ils aient un avenir commun.

— Début 1913 : Daoud Barakatle directeur du quotidien égyptien Al Ahram écrit : « Il est impératif qu’une entente voie le jour entre Arabes et sionistes, car cette guerre des mots ne peut qu’être néfaste. Les sionistes recherchent le bien du pays. Les capitaux qu’ils apportent, leurs connaissances et leur intelligence ainsi que la diligence qui les caractérise conduiront indubitablement à la régénération du pays ».

— Printemps 1913 : les dirigeants à Beyrouth du Parti de la décentralisation et du Progrès[2] envoyèrent aux sionistes (sans doute Nahum Sololow) des représentants chargés de les informer du désir des Arabes de trouver un arrangement. Rafiq Bey a’Azm déclara : « Nous apprécions trop bien ce que la précieuse combinaison du capital juif, de la main-d’œuvre et de l’intelligence juive peut nous apporter pour le développement de nos provinces pour ne pas commettre l’erreur de les refuser »[3].

— Juin 1913. Le premier Congrès arabe se tient à Paris en présence d’une délégation sioniste. Le président du Congrès, le syrien Abd al-Hamid al Zahrawi, s’entretient en privé avec Samy Hochberg, leader de la délégation sioniste, de la nécessité de parvenir à un accord, y compris sur l’immigration juive en Palestine. Il déclare : « Les Juifs sont en fait des Syriens émigrés… Nous sommes tous, musulmans et chrétiens animés des meilleurs sentiments envers les Juifs. Nous sommes même sûrs que nos frères juifs sauront prêter leur concours tant pour faire triompher notre cause commune que pour le relèvement matériel de notre pays commun ».

— À la conférence de Versailles en février 1917, le délégué syrien Chekri Ganem : « La Palestine est incontestablement la partie méridionale de la Syrie. Les sionistes la revendiquent. Nous avons trop enduré de souffrances semblables aux leurs pour ne pas leur ouvrir largement les portes. Qu’ils s’établissent en Palestine, mais dans une Palestine autonome, liée à la Syrie par les seuls liens d’une fédération. S’ils y forment la majorité, ils seront les maîtres ».

— Le 3 janvier 1919, à la conférence de paix de Paris après la Première Guerre mondiale, un accord fut signé entre l’émir Fayçal ibn Hussein, futur roi de Syrie, d’Irak et du Hedjaz, et Haïm Weizmann, futur président de l’Organisation sioniste mondiale et de l’État d’Israël. Cet accord devait entamer une coopération judéo-arabe pour le développement d’un foyer national juif dans la région de Palestine et d’une nation arabe sur la plus grande partie du Moyen-Orient[4].

— Certains partis allèrent jusqu’à proposer une alliance islamo-juive, tels le Comité pour l’Union et le Progrès de Jérusalem et l’Entente Libérale.

— Le roi Abdallah de Transjordanie dit à Golda Meier, qu’il appelait « mon amie » : « Je crois que c’est la divine providence qui vous a ramenés ici, vous, un peuple sémitique, qui s’est trouvé en exil en Europe et qui a partagé ses gloires, qui vous a ramené dans cet Orient sémitique qui a besoin de vos connaissances et de votre initiative. Avec votre aide, les peuples sémitiques recouvreront leur ancienne gloire »[5].

— Ragheb Nashashibi, député et maire de Jérusalem, palestinien, nationaliste modéré refusait un état sioniste mais acceptait l’idée d’un « foyer juif » en Palestine[6].

Le journaliste et écrivain Paul Giniewski a parlé d’un « véritable philosémitisme arabe » à l’époque d’avant le mandat britannique.

On pourrait multiplier les exemples. Le journal Falastin, créé en 1911 par les cousins Issa et Youssef el-Issa pour lutter contre la colonisation britannique, avait, au moins au début, pour le sionisme, une position considérée comme « neutralité positive ».

Si ces intentions arabes s’étaient réalisées, la région Palestine serait aujourd’hui prospère, certainement une des premières puissances parmi les pays arabo-musulmans.

Que s’est-il donc passé ?

En 1920 Hajj Amine el Husseini a fait irruption sur la scène palestinienne

On ne peut pas concevoir le Proche-Orient d’aujourd’hui si on ne comprend pas le rôle joué par le Grand Mufti de Jérusalem, Amin el Husseini (1896-1974).

Il était l’héritier et le dirigeant d’un des plus importants clans palestiniens de Jérusalem. Doté d’un grand sens politique, de charisme, d’une intelligence brillante et d’une impressionnante faculté de manipulation, il fut surnommé le Glaive de l’Islam.

Il a été présent et influent dans tout le Proche-Orient de la première moitié du 20e siècle.

Engagé en Turquie, pendant la première guerre mondiale, il était officier d’artillerie dans l’armée turque. Basé à Smyrne, il a participé au génocide arménien.

Après la victoire des alliés, il changea de camp et se mit au service des Anglais.

De retour en Palestine en 1920 il organisa les émeutes arabes qui montèrent en puissance jusqu’en 1936 et firent plusieurs milliers de morts parmi les Juifs, les Anglais, et ses opposants arabes modérés.

En dépit des violences, malgré son jeune âge, 24 ans, son absence de qualifications religieuses et de mandat électif, sir Herbert Samuel, le haut-commissaire anglais, le nomma Grand Mufti de Jérusalem, le poste de leader politique et religieux le plus important de la région. Le Colonial Office[7] espérait ainsi calmer la situation et assurer au Royaume-Uni l’alliance des Arabes contre l’Allemagne. La nomination d’Amine el Husseini se révéla être une catastrophe dont les séquelles perdurent jusqu’à aujourd’hui.

Amine el Husseini, chef du clan que les modérés palestiniens appelaient « féodaux-cléricaux[8] » était un admirateur d’Hitler. Aidé des Frères Musulmans, il introduisit le nazisme au Proche-Orient et en particulier en Palestine. Il participa au coup d’état nazi qui échoua en Irak. Hitler lui envoya son avion personnel pour l’exfiltrer. Il collabora avec l’Allemagne et mit sur pied les divisions SS musulmanes pour participer à l’effort de guerre nazi. Elles commirent d’innombrables atrocités. Condamné comme criminel de guerre, il s’enfuit en Égypte, aida des milliers de nazis à se réfugier dans les pays arabes où ils occupèrent des fonctions importantes dans la police, l’armée et la propagande. Leader arabe, il participa à la création de la Ligue Arabe. Des livres entiers sont consacrés à son histoire et à ses crimes, à sa gloire dans les pays arabes, et au rôle de la France qui l’a soutenu.

Amine el Husseini est mort à Beyrouth le 5 juillet 1974. Peu avant sa mort il tint à déclarer qu’il partait tranquille puisque « 5 millions de Juifs (sic) étaient partis en fumée ». Il est devenu le grand héros de la Palestine arabe. Des écoles portent son nom et diffusent son message. Avec le KGB, sous Brejnev, il avait formé ses successeurs :

— Ahmed Choukairy, dont le programme consistait selon son expression, à « jeter les Juifs à la mer ». Il se rapprocha du mouvement fascisant Jeune Europe[9]antiaméricain et tiers-mondiste, lequel fusionna avec Ordre Nouveau dont la revue épousa la cause palestinienne et soutint l’OLP[10]. Certains membres de Jeune Europe comme Jean-Claude Madoni ont même rejoint les trotskystes de Lutte Ouvrière et en Italie les Brigades Rouges comme Renato Curcio[11]. Ce qui rapprochait toutes ces organisations palestiniennes, fascistes, une partie de l’extrême droite et de l’extrême gauche, c’était l’antiaméricanisme et l’antisémitisme[12] qu’ils appellent, de nos jours, antisionisme.

— Yasser Arafat se revendiquait petit-neveu du grand mufti de Jérusalem Hadj Amin al-Husseini. Il fut secrètement entraîné avec d’autres jeunes aux opérations de commando par un officier allemand de la Waffen SS[13]. Lorsque, après les accords d’Oslo en 1993, Arafat a pris le contrôle de la zone A des territoires disputés, la police palestinienne qu’il passait en revue le glorifia du salut nazi, le bras droit tendu et dressé vers le haut. Il s’est déclaré honoré de marcher dans les pas du Mufti Husseini, dont il n’a jamais manqué de célébrer la mémoire[14]. Pour lui, « la présence des Juifs est une agression qui réduit à néant le processus de paix[15] ».

— Mahmoud Abbas. L’actuel président de l’Autorité palestinienne, est l’auteur d’un livre négationniste : The Connection between the Nazis and the Leaders of the Zionist Movement 1933–1945, dans lequel il reprend les thèses de Faurisson, niant la Shoah. S’il concède que des Juifs ont quand même été tués, il l’attribue à une action commune des sionistes et des nazis[16]. Pour lui, ceux-ci ne sont pas seulement des complices, ils forment une seule et même entité. Abbas a affirmé qu’Adolf Eichmann a été enlevé par le Mossad pour avoir révélé dans le magazine Life[17] la conspiration des Juifs et des nazis.

Son livre, en arabe, est toujours présent en librairie. « Mein Kampf » d’Adolf Hitler, traduit en arabe par Luis Heiden, alias par Luis al-Haj, un criminel de guerre nazi, le dépasse en notoriété et en ventes. Ce best-seller a atteint la sixième place des ventes à Ramallah, il est toujours présent sur les foires du livre arabes.

L’Autorité Palestinienne doit faire face en interne à de nombreuses accusations de corruption et de violation des règles démocratiques. Les accusations de détournement de fond d’Arafat vers son compte personnel des subventions reçues principalement des pays occidentaux vont de 898 millions de dollars (selon le rapport du FMI) à plusieurs milliards[18]. Mahmoud Abbas est beaucoup plus modeste avec une fortune détournée de 300 millions de dollars investie en partie dans les Panama Papers[19].

Les contestataires dans les territoires sont durement réprimés, souvent assassinés, particulièrement les partisans du dialogue. Les nazis palestiniens ont assassiné ceux des leurs qui voyaient plus loin que le bout de leur kalachnikov : le roi Abdallah de Jordanie, Fakhri el Nashashibi, Saïd Hammami, Ezzedin Kalak, le docteur Issam Sartaoui, Abu Iyiad[20], Anwar el Sadate et tant d’autres partisans du dialogue avec Israël. Selon Amnesty International, les prisonniers politiques sont souvent torturés avec l’aval de l’Autorité palestinienne. Bassam Eid, journaliste palestinien et directeur de Palestinian Human Rights Monitor Group, confirme que « l’Autorité palestinienne est à l’origine de chacun des actes de ses services de sécurité[21] ».

Depuis avril 1969, les organisations palestiniennes participent aux congrès néo-nazis. Au congrès de Barcelone[22], les représentants traitèrent des besoins en fonds, en trafic d’armes, en propagande et en instructeurs militaires. Ils les trouvèrent chez les anciens officiers nazis comme Erich Altern[23] dit Ali Bella ancien dirigeant régional des Affaires Juives de la Gestapo pour la région de la Galicie ou Jean-Robert Debbaudt[24], ancien officier SS Belge qui se mit à leur disposition au congrès de Paris en 1970[25].

Et nous arrivons au Plan Trump !

Ce plan ne satisfait personne. Il semble favoriser Israël, ce qui fait hurler le Monde pour qui c’est un coup de force et Courrier International qui le trouve indéfendable.

— Ce plan ne satisfait, en Israël, ni la droite puisqu’il prévoit la création d’un État palestinien, ni la gauche de Shalom Ah’chav (la Paix maintenant) puisqu’il ne prévoit pas le retour aux « frontières » d’avant 1967, ni les Arabes d’Israël qui malgré leur identification palestinienne veulent demeurer israéliens.

— Il ne satisfait pas les dirigeants palestiniens qui ont refusé à priori de le lire et d’en discuter. Ils refusent l’existence de l’État d’Israël et craignent pour leur peuple la contagion démocratique.

— Il ne satisfait pas certains pays arabes qui en sont restés au Triple NON de Khartoum en 1968. Non à la reconnaissance d’Israël, Non à la négociation avec Israël, Non à la Paix avec Israël.

— Il ne satisfait pas non plus les pays européens, la France en particulier qui voudrait voir le chou manger la chèvre.

— Il ne satisfait pas non plus l’ONU, tenue à l’écart.

— Politiquement ce plan est rejeté par tout le monde.

Les seuls que l’on n’entend pas sont les Palestiniens de la rue qui souffrent au quotidien sous une dictature.

Les projets pour une paix israélo-arabe proposés jusqu’à présent étaient politiques. Ils ont tous échoué.

Le plan Trump est présenté comme une base de négociation. Il promet une solution par la prospérité en injectant des milliards de dollars dans le développement économique. Le grand gagnant serait le peuple palestinien qui aspire à une vie meilleure. Pourquoi ne pas lui donner une chance ?

Pourquoi la solution passerait-elle obligatoirement par le nationalisme, le fanatisme religieux, la misère, le sang comme le dit Mahmoud Abbas ? Pourquoi faudrait-il que, comme le soutient le Jihad Islamique, la paix passe obligatoirement par la destruction des Israéliens ou le martyre des Palestiniens[26] ?

Les dirigeants palestiniens sont arc-boutés dans leur refus absolu de renégocier cette nouvelle approche[27]. Pourquoi ? Est-ce parce qu’ils risqueraient leur vie en faisant un pas vers la paix ?

À quand un printemps palestinien ? Le peuple palestinien doit prendre son destin en main en se libérant de l’influence du Mufti Al Husseini. Alors une nouvelle intelligence israélo-palestinienne sera possible, comme avant la 2e guerre mondiale, avant le nazisme. KF♦

Klod FrydmanKlod Frydman, MABATIM.INFO

[1] Benny Morris : Victimes : histoire revisitée du conflit arabo-sioniste
[2] Deux tendances s’opposaient sur le sionisme : le Comité Union et Progrès (Turc) et le Parti de la Décentralisation (syrien)
[3] Les mémoires d’Issa el Issa, un intellectuel palestinien. P.66. Issa et Youssef el-Issa avaient créé le journal Falastin.
[4] Wikipédia. Les anglais feront capoter cet accord en ne respectant pas leurs promesses.
[5] Golda Meir : Ma vie – Robert Laffont, 1975.
[6] Des tentatives d’attentat et des menaces l’ont contraint à l’exil en Jordanie. Nombreux sont ses partisans qui ont été assassinés.
[7] Ministère britannique des colonies.
[8] Ghassan Kanafani : La révolte de 1936-39 en Palestine. Les féodaux-cléricaux étaient les chefs de clans à la fois grands propriétaires terriens et dirigeants religieux.
[9] Christophe Bourseiller, Les maoïstes, la folle histoire des gardes rouges français, Paris, Points, 2008, p. 311-315, cité par Wikipedia
[10] Nicolas Lebourg, Jonathan Preda, Joseph Beauregard – Aux racines du FN, le mouvement Ordre Nouveau p.40.
Philippe Baillet, L’autre tiers-mondisme : des origines à l’islamisme radical : fascistes, nationaux-socialistes, nationalistes-révolutionnaires entre défense de la race et solidarité anti-impérialiste, p. 179-180. (cité par Wikipedia).
[11] Wikipedia, Jeune Europe.
[12] Ibid
[13] Arafat : la poudre et la paix, Janet Wallach, John Wallach, 1996 p. 37
[14] Claudine Douillet – http://www1.alliancefr.com/actualites/contre-la-desinformation/les-liens-priviliegies-entre-les-nazis-et-les-palestiniens-50133
[15] Roland Dajou, Le temps des confusions. p.135
[16] https://www.memri.org/reports/palestinian-authority-tv-lauds-president-abbas-holocaust-denial-phd-thesis-terror-attacks
[17] Dr Edy Cohen – Le vrai visage de Mahmoud Abbas, Jerusalem Post – 4 novembre 2014
[18] D. Nora – Nouvel Obs, février 2005 : Sur la piste de l’argent d’Arafat.
[19] La fortune mal acquise de la famille Abbas ou pourquoi Mahmoud Abbas a annulé les élections. leschroniquesderivka.over-blog.com
[20] Saïd Hammami, journaliste, représentant l’OLP en Grande Bretagne, il militait pour une solution à deux états. Il fut assassiné par Abu Nidal le 4 janvier 1978. Ezzedin Kalak assassiné à Paris le 3 août 1978. Issam Sartaoui, assassiné le 10 avril 1983 par le Fatah-CR, il participa avec Pierre Mendès-France au Conseil pour la Paix. Uri Avnery lui a consacré un livre « mon ami l’ennemi ». Abou Iyiad, chef des services de renseignements, responsable du tournant de l’OLP pour la reconnaissance d’Israël, assassiné le 14 janvier 1991.
[21] Commission européenne : Allegations of misuse of EU funds.
[22] François Suard, Les clés du paradis sont tombées dans les égouts du monde. p.21
[23] Altern Erich fut chef régional des affaires juives en Galicie. Devenu Ali Bella dans les années 50 en Égypte, il fut instructeur de camps palestiniens.
[24] Jean-Robert Debbaudt, nazi jusqu’à son dernier souffle, était le bras droit de Léon Degrelle. Il a combattu les Soviétiques aux côtés des nazis dans la Légion Wallonie.
[25] – Contre la désinformation
[26] Ziyad Nakhale secrétaire général du Mouvement du Jihad Islamique, au cours d’une conférence à Gaza rassemblant les différentes composantes de la résistance et de la société palestiniennes : « Gloire aux martyrs, gloire à la résistance, gloire et victoire pour notre peuple qui n’a pas été brisé et qui ne le sera pas. C’est le combat, la victoire ou le martyre.
Paix et miséricorde de Dieu sur vous ». 21 février 2020.
[27] Palestine Info : Le Hamas détermine les trois conditions pour contrer le deal du siècle. 28 janvier 2020 ; Samidoun : le « Deal du siècle » colonial échouera, il est temps de riposter et de défendre la Palestine – ISM, 30 janvier 2020.

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