Clap de fin pour Naftali Bennet

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

Illustration : caricature de l’hebdomadaire Michpa’ha

La décision a été prise le 29 juin 2022 : Naftali Bennett a renoncé à se présenter aux élections législatives du 1er novembre 2022. Sa décision a été murie car il a été abandonné par toutes les troupes de Yamina et harcelé par son adjointe Shaked. Idit Salman et Nir Orbach ont reçu une belle proposition de figurer en position éligible sur la liste du Likoud en remerciements de l’abandon en rase campagne de leur soutien à la coalition. Trois députés sur sept ont pris le large. Ayelet Shaked avait tout fait pour protéger Benjamin Netanyahou en refusant la loi qui pouvait l’empêcher de se présenter aux élections. Il est probable qu’elle sera récompensée par le Likoud mais il existe une forte opposition interne de la part de ceux qui ne lui pardonnent pas d’avoir quitté le Likoud mais surtout d’avoir sauvé l’opposition en apportant son soutien à un gouvernement de coalition.

Bennett a tiré ses conclusions qu’il n’a pas été un bon meneur d’hommes et surtout qu’il n’a pas su fédérer des éléments venus de toutes parts. Il n’a eu aucune autorité sur un parti non homogène constitué de personnes qui n’avaient pas trouvé grâce dans les autres partis et qui avait cherché un point de chute pour obtenir un mandat à la Knesset, en prenant ensuite leur liberté. L’idéologie était absente de leur parcours. Ce fut le cas de Ami’haï Shikli qui a fini par être expulsé de son parti. Yamina est devenu une coquille vide, sans leader charismatique. Ayelet Shaked est candidate pour prendre la suite mais on ne voit pas avec qui, sauf à reconfigurer à nouveau une entité constituée de bric et de broc.

Au début de sa prise de fonction, le premier ministre Naftali Bennett était conscient des réserves de ses adversaires qui le considéraient fragile, inconsistant et dénué de charisme pour le poste auquel il a été désigné. Il était à la tête d’un parti chétif de 7 députés et pourtant Lapid lui a fait l’honneur de lui laisser sa place. Il a donc cherché à acquérir une stature d’homme d’État en multipliant les voyages auprès des dirigeants internationaux. Son premier voyage officiel du 25 août 2021, pollué par les évènements d’Afghanistan, a été bien sûr auprès de l’allié américain, Joe Biden, avec qui il devait renouer des relations israélo-américaines troublées après les épisodes du gouvernement Netanyahou. Bennett voulait créer un lien positif et sans intermédiaire entre lui-même et le président américain. Les deux parties voulaient prouver que la relation américano-israélienne était sur la bonne voie après l’ère Netanyahou et surtout l’ère Trump. Certains ont raillé la courte durée de la première réunion en tête-à-tête de 50 minutes, mais elle s’est exceptionnellement déroulée autour d’un thé dans la salle à manger privée de Biden à côté du bureau ovale.

Avant cette réunion, le 8 juillet, Naftali Bennett avait secrètement rencontré le roi Abdallah II dans son palais d’Amman pour assainir les relations tendues entre la Jordanie et Israël. À cette occasion, il avait donné son accord pour la vente de 50 millions de mètres cubes d’eau supplémentaires à la Jordanie. Il s’agit de la plus grande vente d’eau d’Israël à la Jordanie depuis le traité de paix, qui prévoit une allocation automatique de 55 millions de mètres cubes d’eau sur une base annuelle.

Aussitôt après, la visite en Égypte le 13 septembre s’imposait auprès du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi tandis que l’opposition fustigeait cette rencontre qui intervenait en plein trouble avec Gaza et sur fond d’attentat au couteau à la gare routière centrale de Jérusalem. Bennett a eu droit au tapis rouge dans l’enceinte présidentielle de la station balnéaire de Sharm al-Sheikh, dans le Sinaï, pour une réunion chaleureuse et amicale. Les symboles étant importants avec les pays arabes. D’une part, le drapeau israélien flottait juste à côté du drapeau égyptien ; d’autre part la réunion a duré plus de trois heures pour permettre aux deux dirigeants de se connaitre. L’ancien premier ministre Netanyahou n’a jamais connu de tels égards de la part des Égyptiens et il ne semble pas qu’il n’y ait jamais eu de relation profonde entre eux. Le bilan de ces deux visites a été impressionnant pour un dirigeant novice qui a réussi à se forger une réputation d’homme d’État.

En fait Bennett a toujours été sous la tutelle de Lapid. En effet la visite avait été en fait préparée le 12 septembre par le ministre des Affaires étrangères Yaïr Lapid qui avait présenté un plan pour améliorer la vie des Gazaouis, leur offrant des mesures de réhabilitation économique en échange du calme à la frontière et de l’arrêt du renforcement militaire du Hamas.

De même, de hauts responsables israéliens dirigés par le ministre de la Défense Benny Gantz avaient ouvert un canal de communication direct avec Mahmoud Abbas sur la base de réunions personnelles et d’appels téléphoniques. Bennett, premier ministre de droite, a été contraint de suivre le mouvement. En revanche, les membres de droite du gouvernement, y compris le ministre de la Justice Gideon Sa’ar, n’ont pas pris part au débat dans une sorte d’opposition silencieuse. La Droite a condamné Bennett pour avoir rompu ses promesses et pour n’avoir pas attaqué le Hamas, malgré les roquettes tirées de Gaza sur Israël. Elle n’ignorait pas que le Premier ministre ne voulait pas saboter sa réunion avec Al Sissi.

Netanyahou avait trouvé l’occasion d’intervenir pour fustiger Bennett : «Dans son effort pour offrir plus de cadeaux gratuits aux Palestiniens et pour remettre la question palestinienne à l’ordre du jour international. Le gouvernement ne parvient pas à gérer la crise des coronavirus et l’État est affaibli, sur le plan stratégique et sécuritaire». C’était de bonne guerre pour le chef de l’opposition.

La compétition était rude entre Bennett et son alliée fidèle, la numéro-2 de Yamina. Les relations entre ces deux dirigeants ont toujours été conflictuelles dans le cadre d’une concurrence pour le leadership du parti. Il n’existait aucune compréhension entre eux. La ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked s’opposait sans arrêt à Bennett ainsi lorsqu’elle s’était attaquée violemment à Mahmoud Abbas après la rencontre de Bennett avec Sissi. Elle avait déclaré à la Conférence internationale sur la guerre contre le terrorisme à l’Université Reichman : «En ce qui concerne Abbas, mon opinion est bien connue. Cela n’a pas changé. Abbas verse de l’argent aux terroristes qui assassinent des Juifs. Il poursuit des soldats et des commandants de Tsahal à La Haye et n’est donc pas un partenaire. Le Premier ministre n’a pas l’intention de le rencontrer». Mais Abbas n’en a pas tenu compte puisqu’il a ignoré le premier ministre en discutant avec les deux pointures politiques de la coalition, Yaïr Lapid et Benny Gantz. La conclusion était évidente ; le premier ministre doit être issu d’un parti disposant de plusieurs députés sinon il perd de sa crédibilité.

En fait Bennett avait peaufiné sa stature internationale tandis qu’il avait confié à Shaked le rôle de maintenir sa base électorale à droite en adoptant une ligne dure. Mais dans son habit de Premier ministre, il avait renoncé ouvertement à certains idéaux pour se maintenir au pouvoir. Il a cependant réussi sur le plan international puisque Naftali Bennett a été choisi comme l’une des «100 personnes les plus influentes de 2021» par Time Magazine. Il a tiré les conclusions qu’une défaite de son camp était prévisible et il a préféré tirer sa révérence. Il laisse son parti croupion entre les mains d’Ayelet Shaked qui aura beaucoup de mal à faire revivre une entité déjà dans le coma. Son échec d’interdire le retour de Netanyahou au pouvoir a été total.

 Commentaire:

frenkel david a dit…

Selon le Talmud la destruction du second temple et le « Galouth » ont été provoqués par la « Sinath chinam », la haine gratuite des Juifs entre eux. L’Histoire n’est-il pas en train de se répéter ? Le « Rak lo Bibi », cette haine gratuite, ne va-t-elle pas plonger tout l’État d’Israël dans la catastrophe ? A l’heure où une cinquième colonne, sous la forme d’arabes israéliens voulant y créer un État palestinien se fait de plus en plus jour en Israël, on peut se demander si l’on ne s’achemine pas vers l’anéantissement de l’État juif.

30 juin 2022 à 19:09

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