Coordination régionale : ne tirez pas sur le pianiste

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Lieberman ne siégera pas avec la Liste Arabe. L’impasse n’est pas une fatalité

Doit-on entendre poindre le début de la sagesse, par la voix de la députée “Israël Beitenou”?, Yulia Malinowski : « Il n’y a aucun cas de figure dans lequel nous siégerons dans un gouvernement qui se reposerait en partie sur les voix de la Liste arabe. Que les gens du Likoud prennent des comprimés et cessent leurs hallucinations ».

Si on devait s’en tenir à cette formule en cran d’arrêt, le parti de Lieberman ne s’interdit pas tout-à-fait (ou expressément) une formule de cohabitation avec le bloc de Droite, une fois limées les “dents” de certains partis religieux, dont il expose pourtant la divine détestation. Des compromis sont-ils possibles en ce sens et lesquels?

Ensuite, ce même parti, qu’on enrage qu’il ait à ce point le pouvoir de bloquer tout processus “raisonnable”, a proposé une à plusieurs formules pour sortir de l’impasse, par une alliance Likoud-Bleu-Blanc-soi-même (Israël Beitenu), quitte à faire place à une rotation pour le poste de Premier Ministre. La difficulté d’une telle flexibilité est qu’elle peut aussi apporter une fragilité à un gouvernement ne pouvant mener à terme, sous la même juridiction, certains dossiers lourds et décisifs. Dans l’alternative, Lieberman prône l’union qui voterait sans délai le budget 2020 ainsi qu’un plan de budget de Tsahal pour les dix ans à venir.

Le parti de Lieberman est donc, à la fois, un “empêcheur de gouverner en rond” et porteur de quelques propositions concrètes, alternatives.

Les hommes “raisonnables” du clan Bleu-Blanc avaient salué cette posture, alors que le ”laïcisme” exacerbé prôné par Liberman semble plus de “façade” et permet de se libérer d’anti-cléricaux comme Lapid, pour proposer une attitude plus “constructive”.

De même, les semeurs de chaos que sont les groupes d’extrême-gauche, type Meretz, Darkenu (ex V15, qu’on soupçonne fortement de mainmise étrangère, type JStreet), avec lesquels Ehud Barak a cru très fin de composer, pour tenir la dragée haute au Parti Travailliste et à Gesher, doivent être renvoyer à leur marginalité estudiantine, pour laisser les groupements politiques adultes travailler de concert.

Dans ce cadre, il faut dépersonnaliser la lutte politique intestine (ou plutôt viscérale-atrabilaire -coeur du blocage généralisé – ) israélienne. Faire feu de tout bois contre Netanyahu, alors que Mandelblit n’a rendu aucune décision de justice est totalement irresponsable. Il est aussi possible, que pour des raisons d’usure du pouvoir, celui-ci doive être lucide sur ses chances de mener complètement le navire Israël seul dans les quatre années à venir. Reste la question du “dauphin”, de la dauphine, ou de “l’élu”, alors que les barons du Likoud hésitent à s’avancer clairement, parfois jusqu’au point de rupture.

Un article “Fake” réalisé par un organe de presse orthodoxe a évoqué des “ambitions” politiques chez l’homme de l’ombre Yossi Cohen, comme un éventuel successeur de Bibi. Il est alors certain que la fibre sécuritaire de la plupart des Israéliens morde immédiatement à l’hameçon commercial de cette publication, faite pour stimuler l’adrénaline à bon compte. Vrai? Faux? On voit là qu’on rêve tout éveillé de la solution en or sortie des mains du “magicien” du Mossad pour nous sortir collectivement de l’impasse. Mais, inventer des résolutions qui n’ont pas clairement été prononcées par l’intéressé (il pourrait sortir de son rôle en 2020… soit trop tard pour le calendrier électoral en souffrance !) ne fait que nous rendre un peu plus conscients de la marche abrupte qu’Israël ne parvient pas à franchir.

L’imbroglio politique interne d’Israël n’est plus qu’une affaire de cuisine, d’ambitions politiques et d’ego. Le compromis est au bout de la poignée de main que ne se tendent réellement aucun des trois protagonistes principaux.

La situation externe est “grave mais pas désespérée”, sans quoi l’union nationale aurait été trouvée depuis des semaines. L’Etat-Major de Tsahal, entre les mains d’Aviv Kochavi, est parfaitement sain, et ses mains sont libres de poursuivre la “Guerre entre les guerres”, qui jusqu’à présent, protège d’un dôme de verre, la poursuite du crêpage de gomina entre les grands cappi de partis, comme s’ils avaient l’éternité devant eux. En soi, cette performance de l’armée est un exploit!

De même, trop “pilonner” la posture de repli empruntée par Trump dans le Nord-Est de la Syrie conduit, sur le plan intérieur, à affaiblir Netanyahou au profit de ses détracteurs, les généraux en révolte du clan B-B (initials), même si cela se fait de concert avec les sénateurs et commandants américains qui, plus rouges de honte que l’ancien drapeau soviétique, y voient le signe patent d’un “déclin” de l’Amérique, souhaité par tous ses ennemis. Celui qui a réellement gagné la guerre froide n’est pas forcément celui que l’on croit, hors disette économique…

Cette zone nord-Est de la Syrie est, néanmoins le point faible de toute la chaîne des “valeurs occidentales” et des moyens militaires et diplomatiques de les faire prévaloir. Netanyahou, avec tous ses travers et ses affaires de cigares, est parvenu à établir une coopération directe avec Poutine. Ceci a constitué un atout majeur depuis l’installation de Poutine à Hmeimim et Tartous. Aucun prestidigitateur de l’opposition ne parviendrait à cette maestria en un clin d’œil. Il faudra un long apprentissage pour reprendre ces rênes. Du fait de la défection américaine, le “Tsar” est amené à jouer le rôle de gendarme de la région et d’ailleurs, la police russe circule entre les rangs kurdo-syriens et turcs pour empêcher le départ de feu. Le poste de négociateur israélien en chef est donc ultra-sensible.

Malgré les massacres et les exactions turques, la partie n’est donc pas complètement jouée. L’armée américaine, étouffant de honte à quelque distance du champ de bataille, reste en lisière de la frontière syro-irakienne et à Al-Tanf (jusqu’à preuve de la réalité de l’ordre contraire donné par Trump). Elle n’a donc pas encore abandonné “Israël” face à “l’autoroute iranienne” en développement. La “Guerre entre les guerres de Kochavi prend un sens nouveau et plus aigu, mais se poursuit.

La gravité politico-diplomatique et décisionnelle, sur le plan militaire, requiert que les grands joueurs de la politique israélienne ouvre les yeux et fassent preuve de créativité pour poursuivre l’oeuvre d’ouverture sur le monde que laissera, incontestablement, Binyamin Netanyahou derrière lui, à l’instar du père fondateur David Ben Gourion. Il faut le conforter à trouver la formule d’équilibriste qui sorte le pays de l’ornière, dans les sept à huit jours qui lui restent pour décider.

Cela peut même en passer par un passage de relais à Benny Gantz pour former un autre type de coalition, se soldant dans quelques mois, une année par un échec retentissant, le temps que Netanyahou résolve ses affaires judiciaires en cours, et un troisième tour différé de la même période, avant le retour d’un gouvernement réellement structuré pour affronter les affaires du monde…

Mais l’heure n’est assurément pas à tirer sur le pianiste. 

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