Irremplaçable ?

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Partie pour Tombouctou… Ou presque

Fermez les yeux et imaginez… Euh non, rouvrez pour lire, mais imaginez que vous fermez les yeux. Bref, vous partez deux jours en vacances. Bon, je sais, c’est improbable. Utopique. Disons que c’est juste un scénario pour une pièce de théâtre, OK ? Vous partez donc en vacances et vous laissez tous les enfants à la maison. Oui, le mari aussi. Je vous vois rire. Vous êtes seule, aux Caraïbes. Vous sirotez un lait chocolaté si vous avez entre 20 et 30 ans. Un coca, si vous avez entre 30 et 40. Un jus de carotte, entre 40 et 50. Un café très chaud, après 50 ans.

Dring. C’est votre téléphone portable. Un appel de la maison. Répondre ou ne pas répondre ? Pfff. Vous regrettez d’avoir pris cet appareil avec vous. Vous répondez. Chelomi pleure. Yehoudit aussi. Les placards sont vides, les enfants n’ont pas fait les devoirs, l’évier est plein, impossible de faire marcher la machine à laver, deux enfants sont malades mais on ne sait plus qui est leur médecin attitré, Yossi refuse d’aller à l’école car il n’a plus de pantalon propre, tout le monde a faim, votre aînée vous annonce que votre mari est parti, énervé, faire ‘Arvit.י

A présent, je vous pose une question : c’est la catastrophe ? Oui. Ou presque.

Est-ce que la situation à la maison aurait pu être pire ? A priori, non. Ou difficilement.

Eh bien moi, je pense que ça aurait pu être pire. Mais vraiment pire.

On reste sur le même décor : Caraïbes, boisson préférée, le calme plat.

Dring. Caraïbes, scène 2, pire que scène 1, on tourne !

« Allô Maman ?

– Oui…

– Je voulais juste savoir si tout vas bien de ton côté, si tu profites bien.

– Euh… Oui… Mais vous, comment ça va ?

– Ah ici, tout est parfait. Ecoute, tu vas jamais croire, il est 19 h, tous les enfants sont déjà au lit, papa nous a préparé des vol-au-vent avec une sauce aux champignons hyper bonne, et pour demain, il va nous faire du poulet farci et des pommes de terre en éventail sur leur lit d’épinards à la crème parvé. Sinon, j’ai appelé le professeur de Yossi pour régler un petit problème qu’il avait avec un camarade de classe, et là Papa est parti étudier. Les machines à laver sont à jour, j’ai reprisé les quelques robes et chaussettes qui étaient dans le bac depuis longtemps et dont tu n’as jamais le temps de t’occuper. Je vais préparer les sandwichs des petits pour demain, ainsi que leurs habits. Comme cela, ils partiront tôt comme ce matin, et sans aucun stress. A bientôt, Maman ! Et ne t’inquiète pas pour nous, on se débrouille très bien, tu peux même rester un peu plus si tu veux. »

Les Caraïbes ont soudain un goût amer. Amer. Non seulement je suis remplaçable… Mais on fait mieux que moi ! N’est-ce-pas, que c’est vraiment pire … ?

Rav ‘Hiya

Alors, à toutes les femmes qui craignent d’être facilement remplaçables, je voudrais monter sur scène, ôter le décor des cocotiers, et vous expliquer que vous êtes irremplaçables… mais peut-être pas dans les domaines auxquels vous pensez. Je suis prête à vous livrer ce secret à une petite condition : que vous donniez désormais priorité aux domaines où vous êtes irremplaçables. Logique, non ? Si personne ne peut le faire à votre place, vous devez être là pour ces choses-là. Constamment.

J’apporte quelques vieilles cruches, des pierres, du sable. On change de décor.

Rav ‘Hiya

Rav ‘Hiya se trouve chez lui. Sa femme lui sert à manger un repas qu’il n’aime pas. Elle le fait exprès et lui cuisine toujours des aliments qu’il n’apprécie pas, ou qu’il ne voulait pas ce jour-là. Elle prend soin de lui demander chaque jour ce qu’il désire manger, et lui prépare l’inverse de ce qu’il répond. Pourtant, lorsque Rav ‘Hiya trouve quoi que ce soit qui puisse faire plaisir à sa femme, il s’empresse de le prendre et de le lui rapporter.

« Mais pourquoi, rav ? lui demandent ses élèves. Votre femme vous fait tellement de mal…

– Il est suffisant qu’elle élève nos enfants et me sauve du péché. »

Nos domaines

Avez-vous déjà réfléchi à cette réponse de rav ‘Hiya ?

Pourquoi cite-t-il ces deux domaines, où la femme agit ? Pensez-y une minute. Certaines vont dire qu’ils concernent les mitswoth de la femme. Pourtant, s’il en était ainsi, il aurait pu dire « Il est suffisant qu’elle prie tous les jours et allume les bougies de Chabbath. »

D’autres vont proposer qu’il parle des domaines qui incombent à la femme mais concernent le mari. Or, dans ce cas, il aurait aussi bien pu dire « Il est suffisant qu’elle vérifie la cacherouth des aliments de la maison », ou encore « qu’elle ne me dérange pas dans mon étude de la Tora. » »

Alors pourquoi précisément l’éducation des enfants et l’entente dans le couple ?

Je vous donne ma réponse… qui n’engage que moi.

Ce sont les deux domaines où la femme est ir-rem-pla-çable. Irremplaçable.

Vous ne pouvez pas faire la vaisselle ? Quelqu’un d’autre s’en occupera. Incapable de faire à manger, nausées de début de grossesse ? On peut aller acheter du tout prêt. Trop fatiguée pour faire le ménage ? On louera les services d’une technicienne de surface. On peut trouver une solution à tout, même si c’est dur pour nous psychologiquement de savoir qu’on peut très bien se passer de nous et trouver des substituts. Peut-être même que les enfants préfèrent les frites surgelées que nos pommes de terre fondantes cuites trois heures au four.

Mais là où personne ne pourra vous remplacer, c’est pour l’éducation de vos enfants et pour le bien-être de votre couple. Même si tout semble marcher comme sur des roulettes au téléphone, votre mari et vos enfants ont besoin de vous, et rien n’est pareil. Pour le couple, ça semble évident, et il est inutile de vous convaincre.

Or, en ce qui concerne l’éducation des enfants, on pourrait justement penser que d’autres font très bien ce travail, et même mieux : les professeurs, les rabbanim, les éducateurs professionnels en tout genre… Nous, les mamans, nous ne voyons nos enfants que quelques heures par jour… Les heures critiques, de surcroît. Le matin, en stress pour partir à l’heure… et le soir en état d’excitation pour les devoirs, les douches, le dîner, le coucher… Cela ne se prête pas vraiment à éduquer les enfants comme il se doit, ou comme on le voudrait. Et pourtant, la Tora parle de la mère, du respect qui lui est réservé, de son rôle dans l’éducation. Le roi Chelomo demande même aux enfants de ne jamais oublier « la Tora de leur mère », alors que ce serait plutôt le père qui étudie la Tora avec eux. On comprend de là que personne ne pourra jamais inculquer des valeurs à des enfants comme le ferait leur maman. Même si elle ne s’y connaît pas en éducation. Même si elle est loin d’être parfaite à tous les niveaux. Ce qu’elle apporte aux enfants est de première importance.

Alors, rassurées ? Vous n’êtes pas remplaçables ! Mais maintenant que vous le savez, pas le choix : vous devez, nous devons, donner priorité à ces deux domaines… Accordons donc un peu moins de temps et de réflexion aux choses où l’on peut se passer de nous, et concentrons-nous sur les deux domaines dont nous avons le monopole !

Par Karen Ohayon

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