Israël : « Anatomie d’une escalade intentionnelle »

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Par David Wursmer (notre photo)

La situation actuelle d’Israël, où se déroulent simultanément une guerre générale avec le Hamas et de violents affrontements intérieurs initiés par des agitateurs arabes israéliens, n’est pas le résultat d’un échauffement des esprits ou de violences policières. C’est le produit d’une action pensée, planifiée et coordonnée depuis au moins deux mois par des acteurs violents ayant des objectifs différents et parfois concurrents. Le leadership arabe israélien a voulu faire payer à Ra’am ses velléités d’indépendance et son intention de participer à un gouvernement israélien. Mahmoud Abbas a voulu éviter les représailles du Hamas suite à l’élection annulée par lui qui privait le groupe terroriste de sa victoire. Le Hamas, suivi par diverses factions, a voulu se poser comme seul défenseur et héritier de la « cause palestinienne. » La Turquie et l’Iran voient là une occasion rêvée d’étendre leur influence. Et l’administration Biden qui éreinte hypocritement l’État juif depuis son entrée en fonction donne indirectement un feu vert à toutes les aventures anti-israéliennes jihadistes ou autres. La traduction qui suit détaille enchaînement des évènements (NdT)

Un été chaud s’annonce pour Israël

Les mois à venir seront tendus pour Israël et probablement très violents. Les intérêts des différentes factions palestiniennes, ainsi que ceux de la Turquie et de l’Iran convergent pour nourrir le conflit actuel.

Il semble qu’une volonté d’escalade de la violence, souterraine et délibérée, soit à l’œuvre en Israël, dans les territoires de Judée et de Samarie, le long des frontières nord et de Gaza, et même au niveau mondial, ce qui pourrait conduire à de graves tensions, voire à une guerre dans les mois à venir. Il ne s’agit pas d’une surenchère de violences entre deux camps, mais d’une offensive concertée servant les objectifs stratégiques d’un certain nombre d’ennemis d’Israël.

Le 10 mai, plus de 300 Palestiniens ont été blessés près du Mont du Temple, la police israélienne ayant lancé des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes et tiré des balles en caoutchouc pour faire cesser les jets de pierres d’émeutiers palestiniens. Des centaines de Palestiniens et un plus petit nombre d’Israéliens ont été blessés dans des attaques similaires au cours du week-end. Les violences récentes ont coïncidé avec la célébration, le 10 mai du Jour de Jérusalem, une fête nationale israélienne qui célèbre la prise de la partie orientale de Jérusalem et des sites religieux situés dans l’enceinte de la Vieille ville en 1967. Ces évènements s’inscrivent également dans une récente montée des violences à Jérusalem en partie motivée par les contentieux concernant le quartier de Sheikh Jarrah.

Il n’y a pas de cause unique à cette escalade. Elle résulte de la convergence d’un ensemble de forces et d’intérêts stratégiques. Comme dans l’art épique des contes du Moyen-Orient, le thème singulier de l’escalade est en fait le produit de nombreuses histoires secondaires tissées dans d’autres contes qui se combinent en une histoire-cadre unique. Dans ce cas, les circonstances qui relient entre elles ces histoires distinctes sont un moment de danger très réel.

Des signes d’escalade se sont accumulés pendant des semaines. Comme l’a noté Palestinian Media Watch, un institut israélien de recherche sur les média, les organes de presse officiels palestiniens ont commencé à diffuser une rhétorique hautement incendiaire et sanguinaire dès le mois de mars. Au début du mois d’avril, on a assisté à une multiplication soudaine des attaques contre des Juifs israéliens, dont beaucoup étaient suffisamment graves et violentes pour nécessiter une hospitalisation. Deux attaques étaient particulièrement inquiétantes. Dans l’une, trois jeunes arabes frappaient gratuitement un rabbin à Jaffa, dans le sud de Tel-Aviv, et dans l’autre, un Arabe renversait un liquide bouillant sur un Juif qui entrait dans la Vieille ville de Jérusalem. Elles furent suivies de violentes manifestations arabes lorsque la police tenta d’arrêter leurs auteurs.

Lintifada Tik Tok

Début avril, les auteurs de ces attaques qui avaient filmé leurs exploits et les avaient postés sur TikTok, rivalisant sur le nombre de « likes » et d’« approbations » obtenus. Cette vague d’agressions contre des Juifs qui ne se méfiaient pas prit une telle ampleur qu’elle a été baptisée « Intifada TikTok »1.

Après deux semaines de brutalités, un petit groupe de Juifs extrémistes a défilé dans les rues de Jérusalem en appelant à s’en prendre aux Arabes. De petites manifestations eurent également lieu à Jaffa, près de la zone où le rabbin avait été attaqué le 20 avril. Auparavant, il n’y avait pas eu d’actes similaires ou de manifestations juives. On a noté également un ou deux actes localisés de vandalisme juif anonyme, notamment des graffitis haineux et la destruction de quelques arbres.

Ces incidents sont restés isolés et limités. Les autorités israéliennes ont enquêté et des poursuites seront engagées. D’ailleurs, lors d’enquêtes ultérieures menées par des organisations gauchistes de défense des droits de l’homme comme B’Tselem, celles-ci ont dû admettre qu’elles avaient été induites en erreur et qu’elles retiraient certaines de leurs accusations sur les violences juives, en particulier sur les incendies criminels qui s’avéraient être le fait de Palestiniens. Les manifestations et les troubles réellement imputables à des Juifs, rapidement réprimés par la police israélienne, ont alors pris fin pour l’essentiel.

En revanche, les manifestations arabes se sont accélérées, étendues, élargies géographiquement, gagnant sans cesse en violence. Les dirigeants de l’Autorité palestinienne ont continué d’utiliser leurs médias non pas pour calmer les flammes, mais pour les attiser avec des carburants à haut indice d’octane. Cette incitation a pris la forme de chansons et de slogans appelant au martyre et au sang dans les activités pour enfants de toutes les tranches d’âge, même les tout-petits.

Une série de nouvelles attaques s’est concentrée sur la Porte de Damas qui mène à la Vieille ville. Cette campagne de violences, notamment une série de passages à tabac de Juifs et d’émeutes à Jérusalem, à Jaffa et à la Porte de Damas le 12 avril, a conduit Israël à mettre en place des barrières le 13 avril. Il s’agissait de contrôler les passages, de séparer les extrémistes juifs et arabes potentiellement violents, et de segmenter la circulation des piétons de façon à répondre rapidement aux velléités d’émeutes de l’un ou l’autre camp. Comme un grand nombre d’agitateurs arabes avaient investi la zone ce soir-là, les barrières se sont avérées inadéquates, et plusieurs jours d’émeutes nocturnes arabes contre la police israélienne ont suivi. Cela a fini par provoquer une manifestation de Juifs de moindre ampleur le 20 avril.

Le Hamas se joint aux violences et tire des roquettes depuis Gaza

Il n’a pas fallu longtemps pour que la frontière avec Gaza s’échauffe également suite à des tirs de roquettes sur Israël. Une nuit de la fin avril, on a enregistré près de trois douzaines d’attaques à la roquette contre des villes israéliennes proches de Gaza. La frontière septentrionale avec la Syrie s’est également réchauffée. Les activités du Corps des gardiens de la révolution iranienne (IRGC) se sont intensifiées en préalable à des attaques contre Israël, provoquant en retour une série de frappes pour neutraliser la menace. Après une frappe israélienne, le 22 avril, un missile SA-5 syrien égaré a traversé Israël sur près de 125 miles, atterrissant à proximité du réacteur nucléaire de Dimona.

Au cours de la première semaine de mai, l’escalade s’est poursuivie. L’Autorité palestinienne a alors officiellement annulé les élections prévues et en a rejeté la responsabilité sur Israël. Après quoi le chef de la structure militaire du Hamas, Muhammad Deif, longtemps silencieux, a soudainement refait surface pour appeler à des actions violentes contre les Israéliens, y compris des attaques de type « hit and run » [« frapper et s’enfuir »]. Le 2 mai, trois adolescents israéliens qui attendaient à un arrêt de bus à la jonction de Kfar Tapuach, en Samarie, étaient abattus par les tirs d’une voiture. L’une des victimes, Yehuda Guetta, succombait à ses blessures. Une autre était dans un état grave, la troisième s’en sortant avec des blessures légères.

Le Hamas a mis ses menaces à exécution très rapidement sur un autre front. Le 5 mai, il a repris ses lancers de ballons incendiaires depuis Gaza pour mettre le feu aux champs en culture. Les ballons portaient aussi de petites bombes susceptibles causer des blessures considérables ou la mort.

Le 7 mai, les forces israéliennes empêchaient une escouade lourdement armée de Tulkarem d’entrer dans le centre d’Israël. Les terroristes se trouvaient dans un minibus portant des plaques israéliennes volées pour faciliter leur entrée en Israël. Arrêtés par les forces israéliennes près d’un point de contrôle, les trois terroristes sortirent du véhicule et commencèrent à tirer, sans parvenir à blesser un seul Israélien. Deux des trois terroristes ont été abattus.

Enfin, à la tombée de la nuit le 7 mai, des émeutes éclataient sur le Mont du Temple, faisant des centaines de blessés, dont de nombreux policiers. Les émeutiers se replièrent dans les mosquées du Mont. La police, contrainte de prendre position à proximité, mettait Israël dans la situation difficile d’être accusé d’« agression » contre le Mont du Temple et de menacer le « statu quo ».

En effet, tout porte à croire que les incidents peuvent provoquer une crise dans les relations israélo-jordaniennes. En fait, le concept de statu quo est inadéquat puisque, au cours des deux dernières décennies, il a été plus fluide que statique. Mais l’évolution a toujours été dans la même direction. Comme tout visiteur du Mont du Temple au cours des quatre dernières décennies peut en témoigner, l’idée d’un « statu quo » rigide sur le Mont du Temple est un concept approximatif qui masque des défis permanents de la souveraineté israélienne, sans parler de l’accès de plus en plus restrictif au Mont du Temple imposé aux Juifs et aux Chrétiens par le Wakf musulman.

Le leader de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et les élections de l’AP

Israël est confronté à une campagne d’escalade concertée de la violence qui promet un été chaud. Mais pourquoi ?

Cette escalade s’inscrit dans une politique délibérée de provocation pour généraliser un climat de tension Elle a d’abord été lancée par le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, puis rapidement reprise à leur compte par d’autres acteurs ayant des motivations tout aussi stratégiques pour que s’installe une situation de chaos.

Au début de cette année, contre l’avis de la plupart de ses plus proches collaborateurs, Mahmoud Abbas a convoqué les premières élections palestiniennes depuis plus de dix ans. La date fixée pour les élections parlementaires palestiniennes était le 22 mai. Quel qu’ait été le plan d’Abbas, il semble qu’il ait fait une terrible erreur de calcul. Fin mars, il devenait douloureusement clair pour lui, ses collaborateurs, ses alliés, ses ennemis et la plupart des observateurs internationaux que non seulement il ne remporterait pas les élections, mais qu’il serait battu par le Hamas et la faction de l’OLP représentée par Marwan Barghouti.

Pour éviter une humiliation aussi dévastatrice, il était clair, dès le début du mois d’avril, qu’il devrait annuler les élections. Ce qu’il a fait, comme nous l’avons mentionné, au cours de la première semaine de mai. Mais l’annulation des élections n’était pas si simple. Les conseillers d’Abbas, comme les dirigeants du Hamas, lui avaient clairement fait savoir que le groupe terroriste descendrait dans la rue dans un violent soulèvement en cas d’annulation. Le chef de l’AP n’avait pas d’autre issue à ce dilemme que d’accuser Israël d’être la cause de sa décision, puis de provoquer une série d’agressions, de façon à externaliser la violence anticipée et la reporter sur Israël.

Des acteurs extérieurs contribuent à la violence

La situation renvoie également à un contexte plus large, à des immixtions dont il existe des preuves en nombre croissant. Plusieurs acteurs, aussi bien d’autres factions palestiniennes que des acteurs extérieurs comme l’Iran et la Turquie, ont besoin, ou saisissent l’opportunité d’inciter à l’escalade contre Israël sur de nombreux fronts, sous forme d’agitation populaire dans une première phase.

En termes de besoin, l’Autorité palestinienne, le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan en Turquie et le régime révolutionnaire en Iran sont tous menacés par des troubles intérieurs. Tous sont confrontés à de graves crises qui ébranlent leurs régimes de manière dangereuse. Du côté des opportunités, tous ces acteurs sentent que toute montée de la violence en Israël provoquerait des tensions entre Jérusalem et l’administration Biden. Ce type d’escalade était traditionnel à l’arrivée de toute administration américaine susceptible d’adopter une position moins pro-israélienne.

Le rôle des Arabes israéliens

Enfin, il y a aussi une dimension intérieure à Israël. Les partis et des élites arabes israéliennes ont connu une grande surprise et subi récemment un grand malaise. Lors des récentes élections, un parti arabe, Ra’am, dirigé par Mansour Abbas, a obtenu presque autant de sièges à la Knesset que le leadership traditionnel représenté par la Liste arabe commune dirigée par Ayman Odeh. Le parti de Mansour Abbas a obtenu ce résultat parce que la population arabe israélienne est confrontée à une série de crises graves en matière de criminalité, d’éducation et d’économie. Le soutien de la population à l’égard des dirigeants traditionnels s’érode car ceux-ci n’ont pas réussi à tenir leurs promesses sur les questions importantes pour l’Arabe israélien moyen. Et leur patience est mise à rude épreuve quand on leur demande de continuer à se sacrifier au bénéfice d’élites obsédées par des aspirations nationalistes irréalisables.

S’écartant radicalement des pratiques de ces élites arabo-israéliennes, le parti de Mansour Abbas a promis de travailler dans le cadre du gouvernement israélien, quel qu’il soit, en tant que parti parlementaire normal, afin de garantir les intérêts de ses électeurs. Cependant, plutôt que de répondre de manière réaliste, l’ « establishment » de la Liste arabe commune a continué de colporter son programme nationaliste panarabe, antisioniste et totalement perturbateur, sacrifiant ainsi toute perspective d’intégrer aussi le pouvoir parlementaire pour exercer une influence et négocier les intérêts de ses électeurs. À la place, il persiste à privilégier les applaudissements recueillis sur la scène internationale pour sa rhétorique nationaliste entièrement stérile.

Ainsi, la direction traditionnelle arabe israélienne réunie sous le drapeau de la Liste arabe a également été l’instigatrice d’une partie des violences, dans le but de compliquer et de saper le soutien croissant des électeurs arabes à Ra’am. La Liste arabe a même procédé à des agressions personnelles contre Mansour Abbas et certains membres de son parti à Umm el-Fahm le mois dernier. L’un des objectifs de cette tension est donc de faire suffisamment honte à la direction du parti Ra’am pour la forcer à soutenir publiquement l’agitation, empêchant de ce fait ce parti de tenir sa promesse de participer à un gouvernement israélien.

Ainsi, les intérêts d’une panoplie d’acteurs se rejoignent maintenant dans un climat d’escalade dangereuse et de résonance mutuelle enflammée par la Liste arabe, l’Autorité Palestinienne, le Hamas, le Jihad islamique palestinien, la Turquie et l’Iran. Chaque acteur a contribué à un récit secondaire de cette histoire, mais le récit principal, ou récit « parapluie », est le récit plus large et unificateur qui sous-tend l’escalade des affrontements violents.

Cependant, les émeutes arabes concertées, le climat de tension créé par les résultats impressionnants de Ra’am aux élections, par les actions violentes déclenchées sur l’ordre de Abbas, puis celles du Hamas et du Jihad islamique ne disent pas toute l’histoire. Étant donné les intérêts en jeu, il est probable que les évènements actuels soient le prélude à des formes d’escalade plus dangereuses dans les jours et les semaines à venir, au service des diversions de Abbas déjà examinées, mais aussi des intérêts d’acteurs étrangers qui cherchent à creuser un fossé entre Israël et les États-Unis.

Un think tank anti-israélien d’Amérique tire à boulets rouges sur Israël

Une dernière dimension, inquiétante et nouvelle, du cycle d’escalade actuel est qu’il porte une forte empreinte des États-Unis. Une campagne de propagande clairement coordonnée vise à faire naître aux États-Unis un récit favorable à l’escalade des violences en cours et à aiguiser les tensions qu’elle provoquera dans les relations américano-israéliennes. À une vitesse fulgurante, suite à l’annonce publique de l’AP et du Hamas du déclenchement du cycle d’escalade, des voix pro-palestiniennes aux États-Unis se sont mobilisées pour justifier ce récit.

Khaled Elgindy, du Middle East Institute, qui publie dans Foreign Policy, est un exemple révélateur de cette entreprise. Il écrit :

« Les troubles ont commencé le 13 avril – au début du ramadan – lorsque les autorités israéliennes ont bloqué les marches de la Porte de Damas, emblématique de la vieille ville, à Jérusalem-Est. Cette mesure apparemment arbitraire a déclenché plusieurs jours d’affrontements entre les manifestants palestiniens et les forces de sécurité israéliennes2. »

Or les mesures prises par Israël à la Porte de Damas le 13 avril n’avaient rien d’arbitraire, puisque pendant les semaines qui ont précédé les restrictions de circulation imposées par la police, un nombre croissant d’attaques non provoquées dues à l’incitation à la violence des dirigeants palestiniens, ont été perpétrées contre des Juifs à Jérusalem et à Jaffa. En outre, la Porte de Damas a été le point de convergence d’actes de violence au cours des dernières semaines, mais aussi au cours de l’année précédente, et parmi ces actes plusieurs agressions visaient la police. En fait, les barrières restrictives mises en place à la Porte de Damas le 13 avril étaient la conséquence inévitable d’une escalade que les dirigeants palestiniens avaient personnellement programmée.

Alors, pourquoi l’auteur de l’article, Khaled Elgindy, a-t-il choisi d’isoler le 13 avril, une date qui se situe au milieu d’une série d’évènements violents ? Parce que c’était le début du Ramadan.

Le sens de ce choix est insidieux : les Israéliens auraient choisi de s’en prendre tout à coup aux musulmans de Jérusalem ce jour-là, parce qu’il marquait le début du mois le plus sacré. En d’autres termes, Israël est subtilement accusé par Khaled Elgindy de lancer une attaque religieuse contre l’Islam lui-même – une accusation aux implications hautement incendiaires.

En tant que tel, cet article ne vise aucunement à éclairer une situation. Il est un acte propagande calculé et coordonné avec le lancement déterminé du processus d’escalade des violences par le leader de l’AP, Mahmoud Abbas, désormais rejoint par le Hamas et le Jihad islamique, ainsi que par l’Iran et la Turquie. L’utilisation du mot « arbitraire » pour caractériser l’action d’Israël est un artifice de propagande astucieux visant à obscurcir et à travestir les initiatives de l’État juif, et non moyen d’analyse.

Pourquoi le quartier de Sheikh Jarrah est devenu un point chaud

La question de Sheikh Jarrah est stratégique pour deux raisons :

Premièrement, cette zone relie les quartiers juifs de Jérusalem à l’Université hébraïque, au Mont Scopus et à plusieurs grands quartiers juifs au nord.

Deuxièmement, et c’est peut-être plus inquiétant, si on annule des titres de propriété des Juifs légalement reconnus, on risque d’encourager des demandes massives de contestation de tous les titres de propriété des Juifs à Jérusalem, dans le quartier juif de la Vieille ville, et peut-être même dans tout Israël.

La question de Sheikh Jarrah est complexe. C’est le site de la tombe d’un cheikh musulman du XIIᵉ siècle qui était le médecin de Saladin, le grand chef militaire musulman qui prit Jérusalem en 1187, de qui le quartier tire son nom moderne. C’est également le lieu de repos final du grand prêtre juif du Vᵉ siècle avant J.-C., « Simon le Juste ». Le sous-quartier Shimon HaTzadik porte son nom. Au-delà de sa profonde importance historique, le quartier revêt une importance juridique et stratégique encore plus grande.

Les trois sections du quartier abritaient en 1948 environ 125 familles arabes, qui s’y étaient installées dans les années 1930 et 1940, et environ 80 familles juives. Certaines de ces familles arabes, comme les Husseini et les Nashashibi, n’y conservaient que des résidences secondaires, alors que depuis l’époque ottomane, les familles juives y vivaient à l’année. En 1948, la zone a été sécurisée avec succès par la brigade Harel de la Haganah pendant les escarmouches entre Juifs et Arabes qui ont précédé la déclaration de l’État d’Israël. Des soldats britanniques, et non des Arabes, attaquèrent alors la zone, soustraite au contrôle israélien et remise aux forces arabes, forçant les familles juives à partir.

Peu après, le 13 avril 1948, un convoi de ravitaillement juif « protégé par les Britanniques » se dirigeant vers l’enclave israélienne du Mont Scopus était attaqué par des soldats arabes. Les Britanniques restés neutres malgré leur obligation de protéger le convoi, assistèrent au massacre de 78 médecins, infirmières et civils juifs. Le Mont Scopus et l’Université hébraïque furent coupés du reste d’Israël à l’époque.

Quelques années plus tard, alors que la zone était sous contrôle jordanien, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) et le gouvernement jordanien transférèrent plusieurs familles arabes dans les maisons juives devenues vacantes.

En 1967, Israël a réoccupé la zone qui se trouve dans le triangle stratégique entre la ligne verte, French Hill et Givat Hamiftar, reliant Israël au Mont Scopus. Les familles juives qui avaient été expulsées deux décennies plus tôt ont alors présenté leurs titres de propriété. En 1972, la Cour suprême d’Israël a jugé que les demandes juives étaient valables, mais aussi que, pour des raisons pratiques, toute famille arabe occupant l’une des maisons appartenant à des Juifs serait protégée de l’expulsion à condition qu’elle accepte de payer un loyer.

Récemment, des Arabes ont présenté aux tribunaux des demandes reconventionnelles, qui se sont toutes avérées être des faux. Ce n’est pas surprenant, puisque les archives territoriales de l’époque ottomane se trouvent dans les archives ottomanes d’Istanbul. Le gouvernement d’Erdogan a lancé il y a plusieurs années des consignes pour se débarrasser de tous les actes de propriété foncière de l’époque ottomane relatifs à l’actuel territoire d’Israël. Le gouvernement turc est fortement soupçonné de détruire systématiquement les titres de propriété juifs originaux et de créer des faux à la place.

Quoi qu’il en soit, en 1972, un certain nombre de familles ont accepté la formule de la Cour suprême et ont payé un loyer, mais un nombre beaucoup plus important de familles ont tout simplement ignoré l’arrêt. Les expulsions en question aujourd’hui concernent les familles qui refusent de payer leur loyer depuis 1972 alors qu’elles vivent dans des maisons dont le titre de propriété juif a été établi de manière incontestable.

Tout aussi inquiétantes sont les affirmations hautement incendiaires et déstabilisantes de Démocrates américains, comme la sénatrice Elizabeth Warren, selon lesquelles les titres de propriété juifs constituent des actes « odieux » et « illégaux » d’occupation et de colonisation. Ces déclarations témoignent de tellement d’insensibilité et d’ignorance de l’histoire du quartier qu’elles devraient retirer toute crédibilité à ceux qui participent ainsi à la discussion sur cette question. Ou pire, ces affirmations suggèrent une vision antisémite pour qui les titres et actes de propriété juifs ne comptent tout simplement pas. On ne peut qu’espérer que ces déclarations soient motivées seulement par l’ignorance.

Quoi qu’il en soit, ces déclarations ont encouragé la violence et considérablement enflammé la situation en donnant aux émeutiers arabes l’impression que leur violence destructive leur fait gagner du terrain. Les déclarations du gouvernement américain, bien que moins flagrantes en termes d’ignorance et de préjugés, ont été faibles et d’une neutralité troublante, ce qui a également enflammé la situation.

Le 9 mai, la Cour suprême a décidé de reporter la décision finale sur la question de Sheikh Jarrah, manifestement pour gagner du temps et éviter d’entretenir le climat d’escalade encouragé par le Hamas et l’AP. Mais la question resurgira bientôt sinon dans l’immédiat, car le report ne permettra pas de rétablir le calme sur un sujet où les émeutiers arabes bénéficient d’un soutien international.

Le village terroriste de Turmus Ayya

Un autre aspect troublant de l’escalade actuelle est le rôle que joue le village de Samarie que Muntazir Shalabi, le principal suspect du meurtre de Yehuda Guetta, appelait son chez-lui. Non seulement Muntazir Shalabi est citoyen américain, mais 80 % du village Turmus Ayya, est habité par des citoyens américains, dont beaucoup sont absents, car ils ne résident là que pendant les mois d’été. Ce village est devenu une sorte de Mecque pour les activistes pro-palestiniens et les radicaux occidentaux. Il faudrait suivre les flux de dollars qui sont en arrière-plan.

Conclusion

Les mois à venir seront tendus pour Israël, et probablement très violents. L’incapacité des États-Unis à affirmer de manière préventive et forte qu’ils ne permettront pas que l’on tente de creuser un fossé entre Washington et Jérusalem, et la forte probabilité que ce soit plutôt le contraire, va encourager l’éruption de la violence, qui sert les intérêts sous-jacents des diverses factions palestiniennes et des ambitieux voisins turcs et perses d’Israël.

David Wurmser
Analyste au Centre des politiques de sécurité et directeur du projet du Centre sur l’antisémitisme mondial et les relations entre les États-Unis et Israël

Notes :
1James Sinkinson, « Media Spins TikTok Intifada into Slander against Israel, » Israel Hayom, May 7, 2021
2 Khaled Elgindy, « Washington has enabled Israeli extremism » (Foreign Policy, May 6, 2021)

Titre original : Anatomy of an intentional escalation : Israel’s approaching hot summer
Date de première mise en ligne : 10 mai 2021 sur le site Center for Security Policy
Traduction : Jean-Pierre Bensimon (Bloc Note)

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