Israël est intervenu au Yémén

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

Illustration : Iraniens au Yémen

Le chef d’État-major Aviv Kokhavi n’avait pas précisé le «pays tiers» qui avait été attaqué le 8 août durant les opérations de Gaza : «Il y a dix jours, Tsahal a frappé avec grande précision Tayseer Jabari, un archi-terroriste ; dans le même temps, procédant à une vague d’arrestations en Cisjordanie ; et en même temps, attaquer un pays tiers, tout en sécurisant les autres frontières du pays». Cette déclaration sibylline avait étonné car il n’est pas dans les habitudes de Tsahal d’annoncer ses opérations à l’étranger. Cependant l’information est de taille.

Mais les services de renseignements arabes ont dévoilé ce pays tiers comme étant le Yémen. La base militaire d’Al Hafa sur la montagne Naqam à l’ouest de la capitale yéménite de Sanaa, a été bombardée le 7 août car il s’agit d’une base iranienne tenue par le CGRI (Corps des Gardiens de la révolution islamique), par le Hezbollah et par les Houthis. Le CGRI l’utilise pour lancer ses drones à travers la région. Un missile balistique israélien a détruit une grande partie de la base et tué une dizaine de miliciens.

Attaque contre l’OLP à Tunis en 1985

Depuis l’attaque du 1er octobre 1985 contre le quartier-général de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à Hammam Chott en Tunisie, il s’agit de l’opération la plus éloignée menée par l’armée de l’air israélienne parmi celles qui ont été révélées. La base d’Al Hafa se situé à 2.918 km d’Israël, soit 1.718 km plus loin que l’Iran ce qui constitue un exercice grandeur nature pour une éventuelle attaque contre une base iranienne. La frappe a été conduite par un drone israélien armé à longue portée.

Usine de missiles iraniens

Cette opération était préventive pour empêcher l’Iran de lancer une attaque de drone durant l’opération prévue le lendemain contre le Djihad islamique à Gaza. Al-Arabiya a précisé que le camp était dirigé par les rebelles houthis. L’attaque par missile a entrainé une deuxième explosion sur un site de munitions à proximité, qui avait été attribuée à l’origine par les Iraniens à un dysfonctionnement lors de l’installation d’un lanceur de missiles balistiques. En fait, une usine de fabrication de missiles et de roquettes appartenant à l’unité 340 de la force Al-Quds a été touchée par l’explosion. Ces missiles étaient ensuite transférés en contrebande à Gaza et au Liban.

Il s’agissait aussi de répliquer à l’attaque subie en janvier 2022 par le président israélien Isaac Herzog alors qu’il rencontrait à Abou Dhabi le prince cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan. Un missile houthi avait visé, mais raté, le président dans la capitale des Émirats arabes unis. Un sérieux contentieux existait donc avec le Yémen.

Déjà en 2019, le premier ministre Netanyahou avait dit craindre les missiles de haute précision et à longue portée que posséderait le Yémen laissant entendre qu’Israël irait frapper les terroristes yéménites. Depuis la frappe au drone du Yémen le 14 septembre 2019 contre Aramco, Israël s’attendait à subir le choc de l’un des missiles de croisière Ansarullah, d’où la nécessité d’une attaque préventive. Abdel Bari Atwan, l’éditorialiste de Rai al-Youm, avait affirmé que la riposte Ansarullah ne faisait pas de doute : «Israël a déjà mis à l’épreuve le Hezbollah ou le Hamas mais pas Ansarullah. Or si Tel-Aviv venait à commettre cette erreur, Ansarullah n’hésiterait pas à ouvrir un front en mer Rouge à prendre pour cible les navires israéliens, le port d’Eilat et le réacteur de Dimona».

Malgré la difficulté de la distance, Israël a d’abord mené des opérations de renseignement au nord du Yémen pour évaluer l’étendue de l’arsenal balistique des Houthis. Les services de renseignement avaient établi que les Houthis avaient l’intention de s’attaquer à Israël en prenant la relève du Hezbollah en représailles à l’arrestation à Djénine d’un haut responsable du Djihad islamique.

La décision d’Aviv Kokhavi de révéler l’opération au Yémen sert de mise en garde, à la fois à l’attention du Yémen mais aussi de l’Iran et du Hezbollah, prouvant ainsi qu’Israël a le bras long au sens propre.

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