Israël tire les conséquences de l’attaque contre l’Arabie

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

L’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes a été une surprise totale pour les Occidentaux qui ne s’attendaient pas à ce que l’Iran prenne autant de risques. Les services sécuritaires israéliens se sont immédiatement penchés sur les conséquences stratégiques d’une telle action, tant sur le plan offensif que défensif. Un fait nouveau vient d’être révélé faisant état du feu vert donné par l’Arabie saoudite à des négociations avec Iran. Le bureau du premier ministre irakien Adel Abdul Mahdi a confirmé que Bagdad disposait de canaux avec les deux côtés et cherchait à organiser une réunion avec l’Iran ce qui pourrait constituer un premier pas vers une déstabilisation de la région.

Abbas al-Hasnawi, responsable du bureau du Premier ministre irakien, a déclaré que le gouvernement américain avait également approuvé les négociations entre les deux parties. D’ailleurs, Falih Alfayyadh, conseiller irakien pour la sécurité nationale, est actuellement à Washington pour discuter du calendrier des réunions : «S’il existe un accord potentiel dans la région incluant le Yémen, la Syrie et l’Irak, cela ne pose aucun problème aux Américains».

Hasnawi a déclaré que les deux parties avaient défini les conditions comme point de départ des négociations : «Les conditions requises par l’Arabie saoudite sont que l’Iran minimise son rôle au Yémen et en Syrie et cesse de soutenir des groupes armés tels que les Houthis. Il demande également au régime syrien de résoudre ses problèmes avec les groupes d’opposition syriens et d’écrire une constitution pour la Syrie avec tous les partis d’accord sur cela».

Mohammed bin Salman, MBS, a lui-aussi, évolué car il a déclaré «qu’une solution politique et pacifique est bien préférable à une solution militaire. Une guerre entre l’Arabie saoudite et l’Iran signifierait l’effondrement total de l’économie mondiale». Le ministre iranien des Affaires étrangères a également laissé entendre qu’il était ouvert aux négociations multilatérales impliquant les Émirats arabes unis, principal allié régional de l’Arabie saoudite : «Nous sommes prêts à discuter avec des pays, en particulier les Émirats, en groupe ou séparément, afin d’éliminer les malentendus».

La préoccupation d’Israël reste que, si l’Arabie saoudite n’est plus un ennemi avéré, il n’existe pas d’accord de paix ni de relations diplomatiques formelles avec Riyad. À tout moment donc, l’Arabie saoudite pourrait rejoindre par opportunisme le camp adverse. Israël doit donc envisager toutes les possibilités pour protéger ses infrastructures énergétiques en mer et sur terre car il n’est pas à l’abri d’un incident similaire.

L’attaque contre l’Arabie a touché la moitié de la production de pétrole et les recettes économiques afférentes. D’ailleurs le prix du pétrole a bondi de plus de 10%. Certes Israël ne dépend pas de l’exportation de son pétrole mais une attaque contre les aéroports ou les ports pourrait paralyser l’économie israélienne. La nouveauté tient dans l’utilisation de systèmes d’armes télécommandés qui ne permettent pas d’identifier l’auteur qui reste à l’abri de représailles. Les avions ou les missiles sont signés mais pas les drones. L’Iran pourrait attaquer par l’intermédiaire de ses vassaux, le Hezbollah ou l’Irak. Le missile Qods et le missile iranien Soumar, tout à fait identiques, laissent d’ailleurs un doute sur l’auteur de l’attaque. C’est ce qu’on appelle une «opération sous faux drapeau».

L’Iran pourrait opter pour des dommages économiques, tolérables aux yeux de la communauté internationale, afin de ne pas déclencher de guerre. Mais la comparaison avec l’Arabie ne tient pas car son système de défense aérienne est défaillant. D’autre part, les véhicules aériens iraniens n’ont pas d’autonomie suffisante pour parvenir jusqu’en Israël mais rien n’empêche les Iraniens d’utiliser des bases relais plus proches. La crainte d’Israël est qu’un aéronef spécialisé peut bloquer les radars et tromper la configuration de surveillance et d’interception de Tsahal. C’est pourquoi Israël envisage la mise en place d’un système de défense aérienne en couches incluant des systèmes d’armes à tube, des systèmes de missiles et des ressources de guerre électronique.

Par ailleurs, l’attaque contre l’Arabie a mis en doute le soutien militaire américain en cas d’urgence. Certes l’Arabie saoudite a acquis d’importantes quantités de systèmes d’armes défensives fabriqués par les États-Unis mais ils n’ont pas fonctionné pendant l’attaque. Il est improbable qu’il s’agisse d’un fonctionnement défectueux mais plutôt d’un manque d’expérience des servants, ceux des Patriot, par exemple.

Les États-Unis ont prouvé qu’ils ne s’engageraient dans aucune action militaire qui ne cadrerait pas avec leurs propres intérêts. L’Arabie comme Israël ont tenté d’impliquer les Américains dans une action préventive contre l’Iran, en vain; elle n’a jamais eu lieu. Cependant les Etats-Unis ont autorisé Israël à utiliser ses drones depuis des bases dans le nord-est de la Syrie. Les Israéliens ont compris que leur ennemi était devenu «intelligent et rusé» et qu’ils ne peuvent plus compter sur l’alliance avec les États-Unis.

Israël sera toujours seul dans les moments difficiles.

NDLR : Si ce n’est l’aide providentielle qui l’accompagne depuis 70 ans. Ce n’est rien, cela ?

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