“Justice ne pourra jamais être rendue à Ilan”

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Richard Berry au Monde Juif.info : “Justice ne pourra jamais être rendue à Ilan”

Avec “Tout, tout de suite”, son sixième long-métrage, Richard Berry a choisi de porter à l’écran la tragique affaire Ilan Halimi. L’acteur-réalisateur a accepté de répondre aux questions du Monde Juif .info.

Comment avez-vous abordé la réalisation de “Tout, tout de suite” ?

Mon film s’appuie sur l’enquête menée par Morgan Sportès. Les faits, juste les faits, ceux qui sont inscrits dans les procès-verbaux des enquêteurs. Le père d’Ilan, Didier, a également contribué au film. Il m’a énormément appris de choses sur le déroulement de l’affaire et les relations entre lui, la police et Fofana.

Vous avez récemment déclaré que les Fofana d’hier sont les Coulibaly d’aujourd’hui. Selon Morgan Sportès, avec qui vous avez collaboré pour la réalisation du film, le gang des barbares était motivé par l’obsession morbide du “tout, tout de suite”. Qu’est ce qui motive selon vous les Coulibaly d’aujourd’hui ?

C’est la même démarche. Aujourd’hui, le terrorisme est devenu l’idéologie des voyous. Ils ont remplacé l’idée de faire des casses pour des motivations stupides par une espèce de vision tronquée du monde. Avant ils s’identifiaient à Scarface, aujourd’hui ils s’identifient à Merah, Kouachi, Coulibaly… qu’ils considèrent comme des “héros”.

Justement, Merah, Kouachi, Coulibaly… les auteurs d’attentats ont presque tous séjourné en prison où ils se sont radicalisés. Comment expliquez-vous cette situation catastrophique du système carcéral français ?

Je pense que ceux qui se radicalisent en prison ont une colère contre le “système”, contre la France, contre ceux qui les ont jugés, contre ceux qu’ils considèrent posséder le pouvoir, et bien, sans vouloir généraliser, ils vont essayer de le prendre en tuant des gens dans une épicerie cachère ou sur des terrasses.

En janvier dernier, le député PS de l’Essonne Malek Boutih a affirmé que des élus locaux corrompus ont pactisé avec les gangsters et les islamo-nazis, les Coulibaly d’aujourd’hui. La classe politique française a-t-elle une part de responsabilité dans le drame d’Ilan Halimi et de façon plus générale dans l’antisémitisme ?

La responsabilité est globale. La responsabilité est de ne pas donner à ces affaires l’importance qu’elles ont réellement. C’est toujours la même chose. La France a toujours du mal à assumer sa responsabilité dans les actes criminels commis par le gouvernement de Vichy, elle a mis plus de 40 ans à reconnaitre sa responsabilité dans la déportation des Juifs.

Les voisins sont restés silencieux, les proches du gang des barbares, dont beaucoup étaient au courant de l’enlèvement, se sont tus et les responsables communautaires juifs, sur ordre des politiques, n’ont également pas ébruité l’affaire. La loi du silence a-t-elle condamné Ilan à son sort ?

La loi du silence, ça aussi est un défaut bien français, comme on a pu le voir pour Vichy. Certains croient que l’apaisement vient du silence, alors qu’au contraire, il crée une fermentation active de la plaie. Le silence des familles des membres du gang des barbares a conduit à la mort d’Ilan et à l’emprisonnement de leurs proches.

La fin du film insiste sur les peines prononcées par la justice. 10 ans après le drame, les ¾ des membres du gang des barbares sont libres, y compris Emma (Yalda), l’appât. Justice a-t-elle été rendue à Ilan ?

Justice ne pourra jamais être rendue à Ilan car aucune peine ne pourra lui rendre la vie. Si les ¾ des inculpés ont été depuis libérés, Fofana, lui, est condamné à perpétuité. On ne remet pas en liberté quelqu’un d’aussi dingue, d’aussi fou. Je fais assez confiance en la justice de mon pays pour ne jamais le libérer. Ils ne le libéreront jamais, il est trop dangereux.

En 1989, vous avez joué dans L’Union sacrée, un film qui évoque l’attentat antisémite de la rue des Rosiers. En 2015, le juge antiterroriste Trévidic a localisé à Ramallah, un des 3 membres du commando terroriste palestinien. À ce jour, les autorités françaises n’ont jamais demandé des comptes à l’Autorité palestinienne. Comment expliquez-vous cette impunité ?

On est dans une espèce de déni. C’est malheureux. C’est à chacun de nous de faire en sorte que cela bouge, à vous aussi en écrivant des articles. Au final, on y arrive. Regardez, avec Vichy on y est bien arrivé, grâce, entre autre, au combat des Klarsfeld qui ont combattu contre vents et marées.

Propos recueillis par Yohann Taïeb – © Le Monde Juif .info 

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