La cybersécurité, une priorité nationale selon Benjamin Netanyahou

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Benjamin Netanyahou explique la nouvelle approche de cybersécurité innovante en Israël.

La semaine dernière le Premier ministre a assisté à la conférence Cybertech 2019 à Tel Aviv. Il a présenté la nouvelle approche du pays en matière de cybersécurité. Israël ambitionne de rester l’une des cinq grandes cyber puissances.

La cybersécurité, selon le chef du gouvernement, est primordiale pour Israël.Le pays a entrepris de capitaliser sur cette expertise et de transformer la menace en levier de développement économique.

Israël doit rester leader dans le business de la cybersécurité  a déclaré Benjamin Netanyahou, le premier ministre d’Israël, à la conférence annuelle 2019 sur la cybersécurité.

Selon lui, la sécurité informatique doit faire partie des cursus de toute école d’ingénieur, de commerce ou de management.C’est là la force de la cybersécurité israélienne ajoute-t-il. Les industriels israéliens ont évolué parce qu’ils ont été sensibilisés sur les nouveaux risques.

En 1972, les passagers d’un avion de la Sabena reliant Bruxelles à Tel Aviv sont pris en otage par un groupe terroriste palestinien. Dans l’équipe d’intervention israélienne qui donne l’assaut et neutralise les pirates, on retrouve – déguisé en mécanicien – un jeune soldat baptisé Benjamin Netanyahou.

Le premier ministre israélien a fait référence à cet épisode lors d’un discours donné à la foire Cybertech pour démontrer à quel point les menaces sur l’aviation civile ont évolué. « Aujourd’hui, on sait attaquer des avions en créant des interférences dans le contrôle au sol, en visant les systèmes embarqués dans l’avion, les communications… L’aviation civile est aujourd’hui le système le plus vulnérable que nous ayons. Je pense que c’est le secteur qui a besoin le plus urgemment de cyberdéfense ». Israël en a fait une priorité nationale.

Une série de comptes rendus a été réalisés à l’intention d’une délégation de journalistes étrangers reçue par le ministère des affaires étrangères d’Israël. Ces comptes rendus incluaient des plans d’ensemble du fonctionnement de la cybersécurité israélienne présentés par le général de division, le professeur Isaac Ben-Israel, directeur du centre Blavatnik de recherche de Cyber-études de l’université de Tel Aviv, le précédent directeur de la recherche et du développement pour les forces de défense d’Israël, le Ministre de la défense, ainsi que le Dr Eviatar Matana, président de la Direction nationale de la cybersécurité d’Israël.

La cybersécurité est un secteur florissant

Israël est le premier pays au monde à avoir instauré un numéro d’urgence pour les victimes d’actes de cybercriminalité. Tout citoyen qui suspecte une attaque peut appeler le 119 gratuitement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et entrer en contact avec des spécialistes.

En Israël, la cybersécurité est même devenue un business pour les entreprises publiques. A la foire Cybertech de Tel Aviv, on ne pouvait pas rater le stand de l’Israël Electric, la société publique de production et de distribution d’électricité du pays. Que vient faire un électricien aux côtés d’IBM, Microsoft ou Checkpoint ? Vendre des solutions de cybersécurité aux autres électriciens !

Les budgets traditionnellement consacrés aux achats d’armes ont partiellement glissé vers l’achat de « cyber armes ». «C’est une vraie course à l’armement en tête de laquelle on retrouve les Etats-Unis, suivis d’Israël, de la Russie et de la Chine.

Les employées et employés de la cybersécurité israélienne, en majorité des jeunes soldats, bénéficient d’un environnement de travail à la pointe de la technologie, d’un bon salaire et d’une stabilité garantie.

Les soldats israéliens sortant de l’unité 8200 touchent à minima plus de 7000 euros par mois.

Les unités les plus recherchées au sein de Tsahal au cours des dernières années sont les unités technologiques de la Branche du renseignement, de la Force aérienne et de la Division informatique. Les diplômés sont rapidement absorbés par des entreprises de haute technologie et des start-up, avec des salaires allant de 30 000 shekels (7000 €) jusqu’à 100 000 shekels (25000 €) par mois.

Les nouvelles firmes de cybersécurité sont très souvent des émanations d’anciens officiers issus de l’Unité 8200 ou d’anciens dirigeants sécuritaires comme Yuval Diskin, ancien directeur du Shin Bet, qui a créé son entreprise avec des officiers retraités.

Haïm Tomer, 59 ans, qui vient de prendre sa retraite du Mossad dirige aussi l’une des sociétés les plus efficaces, Cyber-Sec, spécialisée dans le développement de solutions de cybersécurité.

Israël est devenu une puissance de la cybersécurité qui se trouve au cœur d’une industrie d’une valeur de 82 milliards de dollars (sans compter les dépenses pour les équipes de sécurité interne et les procédures). En plus de collaborer avec des super-puissances, Israël assiste de plus petites nations (comme par exemple Singapour ou la Lituanie) en créant plus de 420 startup de la cybersécurité et en exportant l’année dernière 7 milliards de dollars en produits de cet ordre.

Le pays a également convaincu plus de trente multinationales d’ouvrir des centres de recherche et de développement locaux, tout en attirant des investisseurs étrangers. “En 2018, nous détenions environ 28% de l’investissement mondial de la cybersécurité privée,” a avancé Netanyahou.

Lorsque le Premier ministre Netanyahou demanda en 2010 au professeur Ben-Israël un plan sur cinq ans établissant la façon de répondre, à l’échelle nationale, à la recrudescence des menaces informatiques, ce dernier répondit qu’en terme de cybersécurité cinq années équivalaient à peu près à trois ou quatre générations technologiques, ce qui rendait impossible l’élaboration d’un plan. Ben-Israël et son équipe spéciale de cybersécurité ont donc recommandé de développer une “structure qui saurait quoi faire quand ces menaces imprévues surviendraient.”

En 2011, lorsque le Bureau national de la cybersécurité fut établi à la suite des recommandations de Ben-Israel concernant le groupe de travail, son mandat incluait, en plus de la coordination de la cybersécurité et la politique de développement, “la vision de faire entrer Israël dans le top cinq des pays leaders du domaine de la cybersécurité dans un futur proche.”

Le Bureau national de la cybersécurité est un cadre de collaboration entre le gouvernement (y compris l’organe militaire), les entreprises et les universités.

Rôle du gouvernement et de l’armée

Le gouvernement israélien a joué un rôle important en lançant et en soutenant le secteur florissant de la technologie en Israël, il a également servi de catalyseur à l’évolution rapide de l’industrie de la cybersécurité dans le pays.

Considérant la cybersécurité comme “un moteur de croissance économique,” le gouvernement a identifié ce domaine comme un secteur dans lequel Israël profite d’un avantage compétitif du fait d’une recherche d’excellence et d’une expérience pratique unique. Cet avantage fut aussi perçu et appréhendé comme un contributeur important à la coopération internationale, un bénéfice additionnel pour le pays.

Les conditions géopolitiques négatives qui sont celles d’Israël depuis la proclamation de son indépendance en 1948 ont forcé le petit pays à investir ses faibles ressources dans le développement et le maintien de capacités militaires supérieures. Alors que les ordinateurs se sont installés au fur et à mesure dans la société, la cyberdéfense est devenue une activité cruciale.

Après des années de collecte d’informations et de pratique de cybersécurité, l’Unité 8200 a évolué en devenant un incubateur pour les startup israéliennes de la cybersécurité et d’autres domaines. “Nous sommes parvenus à faire d’un désavantage un avantage,” se réjouit Nadav Zafrir, le précédent chef de l’Unité 8200. Il poursuit ainsi: “Par le passé, le service militaire était perçu comme une perte de temps, ce qui est différent à présent. Nous n’avions pas prévu cela. Personne n’a pensé à la façon de faire de l’Unité 8200 un catalyseur pour l’économie israélienne, mais c’est ce qui est arrivé.”

Les jeunes personnes qui servent au sein de l’Unité 8200 et des unités similaires expérimentent de réels défis et solutions de cybersécurité. Toutes ces unités fonctionnent comme des startup, elles expérimentent aussi le travail d’équipe, le fait de diriger d’autres personnes, d’être responsable de la prise de décisions importantes, ainsi que la survie à l’échec ; le tout étant une excellente préparation à la vie entrepreneuriale.

Afin de garder ces jeunes de lancer leurs propres entreprises, au moins pour un temps, l’Unité 8200 les incite à étendre leur service en finançant leur études doctorales ou en présentant d’autres attraits comme la confrontation à des défis qu’ils ne rencontreraient pas dans la vie civile.

Rôle des universités israéliennes et secteur privé  

Israël est un pays connu pour sa culture dynamique, sa capacité d’improvisation, d’innovation et d’initiative. L’énergie et l’ambition de son peuple sont dirigées vers des aspirations académiques spécifiques. L’enseignement de la cybersécurité débute au collège, et Israël est l’unique pays au monde dans lequel la cybersécurité est disponible au lycée.

Un certain nombre d’universités israéliennes proposent une spécialisation en cybersécurité, et Israël est le seul pays dans lequel il est possible d’obtenir un doctorat en cybersécurité(en tant que discipline indépendante, et non en tant que science de l’informatique). Aujourd’hui, il existe six centres de recherche universitaires dédiés à la cybersécurité.

En plus de plusieurs programmes sponsorisés par le gouvernement, ayant pour but de déployer une jeunesse prometteuse et de mettre à sa disposition une formation spécialisée avant et pendant le service militaire, le secteur privé est aussi impliqué dans la culture de l’enseignement de la science et de la technologie. Par exemple, le Centre de la Cyber-éducation recrute des ingénieurs et des programmeurs pour enseigner dans les écoles, en plus d’organiser des visites d’entreprises technologiques pour les écoliers et d’aider les enseignants volontaires à obtenir des emplois dans des entreprises de ce type.

La cybersécurité et l’interdisciplinarité

Selon le professeur Ben-Israël si  la cybersécurité requiert des solutions technologiques, les difficultés qu’elle pose ne sont pas d’ordre technologique.

De ce fait, il est important selon lui d’appliquer une approche interdisciplinaire à la cybersécurité et de comprendre la pluralité des domaines qui l’affectent, comme par exemple le domaine juridique, le domaine économique ou encore le domaine sociologique, entre autres. Ben-Israël a mis en lumière le fait que les étudiants de l’Université de Tel Aviv, peu importe la discipline qu’ils étudient (excepté les arts), ont la possibilité de se spécialiser en cybersécurité.

L’interdisciplinarité implique le fait de voir les choses sous des angles différents et de briser les barrières artificielles. En Israël, l’expérience unique des cyber professionnels se charge de cela. Durant le service militaire obligatoire, l’introduction académique initiale à la cybersécurité est améliorée et complétée par l’expérience pratique. Ces cyber-professionnels rejoignent ensuite les universités, les laboratoires d’idées, des entreprises de toute taille, et les agences gouvernementales. L’expérience partagée des cyber-professionnels assure que toutes les formes de solutions de cybersécurité sont appliquées aussi bien en théorie qu’en pratique.

La cybersécurité et la nouvelle approche israélienne

L’approche typique de la cybersécurité a été jusqu’à présent majoritairement réactive et focalisée sur les attaques potentielles. Lorsque les gouvernements sont impliqués (y compris le gouvernement israélien, pendant plusieurs années), ils assignent des responsabilités afin de traiter les différents types d’attaques provenant de différentes entités, fragmentant ainsi la politique nationale et rendant sa coordination moins optimale.

Après des années passées à commettre des erreurs, la politique nationale de cybersécurité du pays adopte une approche nouvelle. Elle a évolué en devenant une stratégie plus proactive, plus compréhensive, concentrée non pas sur les attaques potentielles mais sur les menaces potentielles et plaçant les organisations en première ligne de défense.

Ce nouveau type de stratégie de cybersécurité présente trois aspects : la résistance, la résilience et la défense.

Le premier aspect est similaire à l’immunisation dans le secteur de la santé. Le gouvernement peut conseiller et guider, mais il est de la responsabilité des organisations de s’immuniser.

Le gouvernement est un peu plus actif dans le deuxième aspect, en aidant au partage d’information, à l’analyse et à l’atténuation des cyberattaques spécifiques.

Le troisième aspect porte sur la réaction face à un événement de grande ampleur ; cet aspect relève exclusivement de la responsabilité du gouvernement.

Le parc technologique de Beer-Shev’a permet la présentation de la philosophie israélienne en matière de cybersécurité, de son concentré unique de pratique et de théorie, d’interdisciplinarité, d’intérêts publics et privés.

Beer-Shev’a, la capitale de la cybersécurité israélienne

Il veut faire de cette ville dans le désert le cœur et la vitrine de sa florissante industrie de la cybersécurité.

Les avenues à moitié vides, des immeubles en construction, de vastes terrains désertiques délimités par des panneaux barrés de slogans « we shape the futur » ( » nous dessinons l’avenir »). Le parc technologique de la ville de Beer Sheva est encore en devenir. Sur les 15 bâtiments prévus, trois seulement sont sortis de terre mais la détermination d’Israël à transformer ce bout du désert du Neguev en Silicon Valley israélienne est intacte.

Le premier ministre Benjamin Netanyahou le répète à la conférence Cybertech 2019 à Tel Aviv : il veut faire de la capitale déshéritée du sud d’Israël la capitale de l’industrie de la cybersécurité.

Avec sa mission de faire de la région une source majeure de talent et d’expertise, en particulier dans le domaine de la cybersécurité, le parc a attiré des multinationales considérables et leurs centres de recherche et de développement, ainsi que des entreprises du capital-risque, des laboratoires de recherche avancée, l’Institut national de cyber-étude et les équipes du service national des cyber-urgences.

L’Unité 8200 a déjà déplacé toutes ses unités de stratégie technologique sur le même campus.

L’Unité 8200 hérite environ un tiers du parc,comme l’a déclaré le professeur Rivka Carmi, président de l’Université Ben Gourion. Il n’y a toutefois pas de barrière entre l’unité et les chercheurs civils, les entrepreneurs et autres experts de la cybersécurité y travaillant.

Les talents des professionnels du secteur sont au cœur de la philosophie israélienne de cybersécurité : ces talents incarnent non seulement les solutions face aux cyber-menaces, mais aussi le moyen de changer les risques en opportunités.

À Beer Sheva, il y a l’Université Ben Gourion. C’est là que nous mettons nos renseignements militaires. Nous allons en mettre encore plus. C’est là que se trouve le centre de commandement central chargé de la défense du pays contre les cyberattaques et le cyber-parc de certaines des principales puissances en matière de cybersécurité a déclaré Benjamin Netanyahu, le premier ministre d’Israël, à la conférence annuelle 2019 sur la cybersécurité.

Nous créons actuellement à Beer Sheva ce complexe qui encouragera le même type de développement que celui que nous avons connu, que j’ai vu au Massachusetts Institute of Technology et que vous avez peut-être vu à San Francisco. Cela se passe déjà ici à Tel-Aviv. Nous ne faisons que le dupliquer là comme moyen de croissance supplémentaire ajoute Benjamin Netanyahou.

Souhail Ftouh

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