Le conflit palestinien invité dans la campagne électorale

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

Le risque de guerre avec l’Iran mis à part, il faudra bien que «l’accord du siècle» et l’annexion de la Cisjordanie soient abordés dans la campagne électorale d’une façon originale car la géographie politique a effectivement évolué. La notion de droite et de gauche s’est estompée, devenue obsolète, caduque comme aurait dit l’autre.  La frontière n’est plus étanche entre tenants de l’un et de l’autre bord. Il existe à présent deux clans, celui qui refuse la création d’un État palestinien en Cisjordanie et celui qui préfère qu’Israël reste un État juif et se sépare physiquement de près de deux millions d’Arabes.

Village arabe de Oum El-Fahm

 

Ehud Barak l’a compris puisqu’il s’est mis sur cette longueur d’onde et veut ratisser large en puisant parmi quelques électeurs hésitants du Likoud et parmi la communauté russe et arabe. Les statistiques officielles ont prouvé que 35% des Arabes des villages israéliens ont voté pour le Likoud, une situation qui s’explique mal mais qui crée une réserve de voix non négligeable.

La politique vis-à-vis du Hamas est portée au-devant de la scène et pour cause ; c’est elle qui a empêché la constitution d’une majorité aux élections du 9 avril 2019. Avigdor Lieberman s’était appuyé sur le problème de Gaza pour refuser d’entrer au gouvernement et c’est pourquoi il veut inscrire le problème palestinien dans la campagne. Il avait justifié son départ du gouvernement par la manière, déplorable selon lui, dont le gouvernement avait traité l’affaire de Gaza. Il avait voulu protester contre l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

Bahreïn

À cela s’est rajoutée la conférence de Bahreïn, un demi-échec, puisque les Palestiniens et les Israéliens n’y ont pas participé au sommet et qu’aucune avancée n’a été enregistrée. Durant la précédente campagne électorale, Netanyahou avait tout fait pour maintenir un calme précaire sur le front de Gaza parce qu’il savait que son argumentation politique était fondée sur l’excellente situation sécuritaire en Israël et que tout trouble serait mis à son débit avec une perte d’électeurs. D’ailleurs Barak a visé la faille et dans toutes ses interventions médiatiques il cogne, il cogne dur sur la politique suivie par le gouvernement vis-à-vis du Hamas.

Barak axant son attaque sur Netanyahou

Avi Gabbay, Tsipi Livni et même Avigdor Lieberman avaient conseillé le premier ministre sur la méthodologie à suivre pour un calme presque définitif à Gaza. Pour eux, il faut améliorer la situation humanitaire à Gaza. Quand les gens ont le ventre plein et qu’ils travaillent, ils ne songent pas à manifester. C’est le cas des Palestiniens de Cisjordanie. De ce point de vue, deux stratégies existent. Soit écarter définitivement le Hamas de la gestion de Gaza en y facilitant la réinstallation de Mahmoud Abbas ou d’un remplaçant afin de raviver les négociations au sein de toutes les régions palestiniennes. Cette vision est condamnée par la droite et l’extrême-droite. Soit rendre Gaza indépendant de l’Autorité et briser en conséquence tout espoir de création d’un État palestinien à Gaza et en Cisjordanie.

Des négociations secrètes ont eu lieu, via l’Égypte, pour exiger le calme durant les élections d’avril 2019 en échange d’accords humanitaires à Gaza. Le calme a été respecté mais il ne semble pas que Gaza ait été payé de retour sauf en ce qui concerne l’introduction de dollars qataris. Malgré cela, le Hamas n’est pas favorable à une confrontation pour l’instant. Non pas qu’il n’en ait pas l’envie pour se justifier auprès d’une population épuisée par la misère économique. Mais il attend le feu vert des Iraniens qui envisagent une action concertée avec le Hezbollah libanais dans le cadre d’un développement rapide de la situation dans le Golfe. Certains militaires à l’État-major sont convaincus qu’ils peuvent freiner les velléités belliqueuses du Hamas en lâchant du lest, en étendant les limites de pêche, en libérant des fonds alloués à l’Autorité et en empêchant l’effondrement économique de la Cisjordanie.

La campagne électorale à droite a abordé pour l’instant la seule question de l’annexion de la Cisjordanie, condition imposée par l’extrême-droite pour soutenir Benjamin Netanyahou dans une nouvelle coalition gouvernementale. Le premier ministre peut compter sur le soutien américain dans son projet d’annexion mais il doit jongler pour maintenir à la fois le calme à Gaza et la neutralité de ses allés nationalistes.

En fait il n’existe que deux solutions pour Gaza. Ou bien faire entrer les chars, raser les bases du Hamas et aller à la recherche de ses dirigeants au prix d’une centaine de morts israéliens car les Brigades Ezzedine El-Kassem se sont aguerries. Ou bien négocier avec Ismaël Haniyeh et Yahia Sinwar pour une trêve de longue durée en échange de l’ouverture des frontières aux marchandises et aux travailleurs en Israël, de la création d’un port volant, et d’un petit aérodrome contrôlé par la sécurité israélienne.

Défilé militaire des Brigades Ezzedine al-Qassam, à Gaza

Le Hamas craint cependant une attaque israélienne liée à la campagne électorale. Il a lancé un exercice «pour tester l’état de préparation de ses forces en vue d’un scénario de vaste tentative d’atteinte à l’ordre public et à la stabilité dans la bande de Gaza». 

Le «deal du siècle» a été reporté à novembre pour permettre à Mahmoud Abbas de mieux réfléchir aux conséquences de son refus. Trump n’est pas homme à accepter la contradiction. Certaines rumeurs laissent d’ailleurs entendre qu’il pourrait lâcher le président de l’Autorité pour trancher dans le vif en préparant sérieusement son remplacement par des hommes plus coopératifs.

De son côté Netanyahou persiste dans son logiciel périmé consistant à répéter à l’envie que l’opposition prépare un nouvel Oslo. Il pense que le seul mot d’Oslo rameutera à lui toute l’extrême-droite et les militants du Likoud. Or, quelle que soit la stratégie utilisée, il est impossible que la question palestinienne soit éludée durant la campagne. C’est dans ce contexte que le clivage se fera.

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