Le désengagement américain

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Le point de Dov ZERAH – Benillouche blog

Les récentes décisions ou les absences de décisions du président Donald Trump sur de nombreux sujets internationaux dénotent une inflexion méthodologique notable, et un sous-jacent significatif, le désengagement américain, voire la perte de crédibilité de la diplomatie américaine.

Très vite, peu de temps après son élection, Donald Trump a dérouté plus d’un responsable ou commentateur. Il est apparu imprévisible, notamment avec des déclarations, des prises de position, des tweets souvent intempestifs… Nombreux sont ceux qui ont alors découvert un des sept livres de Donald Trump, publié en 1987, au titre révélateur «de l’art de la négociation» : l’imprévisibilité serait l’arme suprême pour déstabiliser ses adversaires. Je vous en avais parlé le 6 février 2018.

Mais, dix-huit mois après, si cette méthode est peut-être pertinente dans le business, elle ne parait pas applicable dans les relations entre les États, ne serait-ce que parce que la gestion du temps n’a pas la même importance pour une entreprise et un État. Jour après jour, la ligne directrice est de plus en plus claire. Le Président Trump veut, par tous les moyens, éviter la guerre et ramener les boys au pays, au risque de manger son chapeau de shérif.

Mais, on ne joue pas impunément avec le feu ! Á force d’avoir joué avec le feu, Donald Trump a dévoilé ses cartes. Passons en revue cinq sujets internationaux :

            L’Iran en est l’exemple le plus caractéristique. Les Iraniens ont compris que Donald Trump ne veut pas la guerre. Ils n’hésitent pas à prendre tous les risques :

– Arraisonnement de pétroliers

– Attaques des troupes américaines par les milices chiites irakiennes

– Destruction d’un drone américain avec une opération arrêtée au dernier moment

– Bombardement des installations pétrolières saoudiennes alors que dans le même temps était en négociation une rencontre entre les Présidents américains et iraniens…

            Les Iraniens semblent maîtres du jeu. Selon certaines rumeurs, les Saoudiens seraient entrés en négociation par l’intermédiaire des Irakiens. Quelle serait la provocation iranienne qui entraînerait une réaction militaire ? Jusqu’aux élections américaines, les Iraniens vont continuer à agir pour décrédibiliser Donald Trump pour le faire perdre, et attendre l’arrivée du successeur pour éventuellement négocier en position de force.

            La Corée du Nord. Après moult échanges acrimonieux et menaces diverses et variées, il a accepté de rencontrer à plusieurs reprises son homologue sans rien obtenir.

            Contre toute attente, le Président américain n’a pas hésité à bombarder la Syrie, et à reprendre, après l’avoir interrompue, l’aide aux opposants au régime de Damas. Ensuite, il a annoncé le retrait de toutes les troupes américaines, avant de se reprendre, sous la pression du Pentagone, et d’accepter le maintien d’un millier d’hommes.

            L’Afghanistan. On a appris cet été que les Américains négociaient avec les Talibans pour sortir d’Afghanistan leurs 14.000 hommes. On ne peut que s’en féliciter !

            La réussite de toute intervention extérieure exige le respect de certaines règles dont la définition précise de l’objectif et la limitation dans le temps. L’objectif initial, la mort de Ben Laden, a été obtenue. Demeurer sur place dans le cadre d’une guerre asymétrique n’est pas la bonne solution. La lutte contre les mouvements terroristes passe plus par des actions ciblées et le recours aux forces spéciales que par l’implication de troupes retranchées dans des camps fortifiés.

            La position américaine s’est considérablement fragilisée. L’opposition de la hiérarchie militaire est publique. Après un attentat, Donald Trump a déclaré le 7 septembre, que le processus était «mort» avant de reprendre les contacts.

            Le Venezuela. Malgré des déclarations plus ou moins tonitruantes, et la répétition de l’affirmation de protéger la population vénézuélienne des exactions du régime chaviste, rien ne se passe. Le pays s’enfonce dans une crise humanitaire sans précédent, et une féroce répression policière.

            Le gendarme Trump a peut-être fait peur et a incité ses adversaires à la prudence. En effet, l’imprévisibilité peut conduire certains à se dire «on ne sait jamais, ne prenons pas le risque !». Mais ce ne semble plus le cas.

            Après avoir cherché à détricoter les décisions de son prédécesseur, Donald Trump poursuit en fait le même objectif avec des méthodes différentes, le désengagement des États-Unis. Cela les fragilise, écorne leur crédibilité, et déstabilise un monde en plein évolution.

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