L’espoir de la Techouva (2)

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L'espoir de la Téchouva (2)

Essayons maintenant de cerner le processus de la Techouva dans l’histoire de l’humanité et de distinguer son rôle dynamique dans la marche de celle-ci sur le plan collectif. Tentons en même temps d’éclairer encore le sens profond de la Techouva et les propos mystérieux des Sages qui affirment qu’elle a précédé la création du monde ; car cela implique que, outre son importance en tant que commandement divin, la Techouva embrasse et résume l’histoire et la marche du monde.

Conséquence de la faute sur l’histoire.

La faute d’Adam. A l’aube des temps, le premier homme, Adam, transgressa le seul commandement divin auquel il était tenu. Bien qu’il se soit repenti immédiatement et que sa Techouva ait été acceptée, celle-ci n’était pas suffisamment profonde pour provoquer l’annulation des conséquences de sa faute. C’est le poids de ces conséquences qu’il incombe à l’humanité de porter en tentant de les effacer, jusqu’à l’avènement de l’ère messianique.

Un monde incomplet subsista près de 2 000 ans : ensuite, D’ Se révéla aux Patriarches, et au peuple juif au mont Sinaï et lui donna les dix commandements (puis toute la Tora).
La faute du Veau d’Or. Comme Moché tardait à redescendre du mont Sinaï, le peuple se livra à l’adoration du Veau d’or (le veau jouant le rôle de la Nature, il s’agissait de la recherche d’un service de D’ par l’intermédiaire du monde naturel, comme l’expliquent nos Sages, les Richonim). Malgré la gravité de la faute, la génération du désert obtint le pardon divin grâce à la Techouva, pardon concrétisé par la construction du Sanctuaire, symbolisant la constance de la présence divine au sein d’Israël.

La Techouva assure la pérennité du monde

Le roi David, dont sera issu le Messie, commet une grave faute en prenant la femme de Ouria. Il se repent et D’ lui accorde le pardon, au point que le mauvais penchant s’éteint en lui.

Eu égard à leur niveau spirituel, ni la génération du désert ni le roi David n’auraient dû fauter (comme le dit la Guemara dans ‘Avoda Zara 4b), mais D’ leur retira l’aide qu’Il accorde généralement aux homme justes et qui leur permet de résister au mal. Pourquoi cela ? La Guemara nous explique que c’est afin d’enseigner la force de la Techouva individuelle (David) aussi bien que le repentir collectif (génération du désert).

Le phénomène de la Techouva traverse ainsi le cours de l’histoire. La lecture la plus simple de la Tora met en relief une constante dans la trame du récit biblique : le peuple juif pèche et se voit livré à ses détracteurs ; il revient à son Créateur et se voit sauvé et élevé à nouveau par D’. Le premier rôle de la Techouva au niveau collectif est donc d’être le fil conducteur qui assure la perpétuation de notre monde ; sans la Techouva, l’accumulation des fautes et des iniquités eût déséquilibré le soubassement spirituel de ce monde et celui-ci eût fini par disparaître.

La Techouva renouvelle la structure du monde

Mais outre le rôle d’assurer la pérennité du monde à travers ses lois naturelles et spirituelles, la Techouva a également le privilège de faire progresser le monde, au point de le bouleverser dans ses structures les plus fondamentales.

L’Eternel nous adresse cette demande : « Revenez à moi et je reviendrai à vous » (Malakhi/Malachie 3, 7). Bien plus, la Guemara dit (Sanhédrin 97b) : «Tous les « termes » propices à la venue du Messie sont déjà arrivés ; et celle-ci ne dépend plus que de la Techouva

La Techouva particulière à la fin de l’exil

Considérons encore certains passages de la Tora qui touchent plus particulièrement notre époque meurtrie : « Or quand te seront survenus tous ces événements, la bénédiction ou la malédiction que j’offre à ton choix ; si tu les prends à cœur au milieu de tous les peuples où t’aura relégué l’Eternel ton D’, […] il se plaira de nouveau, le Seigneur, à te faire tu bien […] pourvu que tu écoutes la voix de l’Eternel ton D’ […] que tu reviennes à l’Eternel ton D’ de tout ton cœur et de toute ton âme» (Devarim/Deutéronome 30,1-10).

Et de même dans Devarim/Deutéronome 4, 27-30 : « L’Eternel vous dispersera parmi les peuples, et vous serez réduits à un misérable reste au milieu des nations où l’Eternel vous conduira.[…] De là, VOUS aurez recours à l’Eternel TON D’ et TU Le retrouveras, si TU Le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme. Dans ta détresse, quand tu auras essuyé tous ces malheurs, après de longs jours, tu reviendras (Techouva) à l’Eternel ton D’ et tu écouteras Sa voix. » Le texte prophétique de la Tora nous annonce qu’il viendra une époque, à la fin des temps où, plongé dans la détresse, le peuple juif recherchera son D. Or le texte exprime la recherche de D. au pluriel car tous les Juifs l’appelleront du fond de leurs souffrances « VOUS aurez recours » (et pour ceux qui n’ont pas atteint ce degré c’est l’expression « où est D. ? », cf. Ramban/Na’hmanide et Seforno Dévarim 31, 17-18) ; tandis que « et TU Le trouveras » est écrit au singulier parce que le but du projet divin ne sera atteint que lorsque chaque individu en particulier se mettra en quête de D., non pas entraîné par l’élan de la collectivité mais à partir d’une démarche personnelle. C’est pourquoi aussi la Tora passe du terme global « et vous aurez recours » (ouBikachtem) au terme beaucoup plus fort « et tu Le trouveras lorsque tu Le rechercheras », c’est-à-dire avec insistance et persévérance (KI TIDRECHENOU). Cette quête doit être stimulée par une soif sans précédent dans le passé, comme il est écrit : « de tout ton cœur et de toute ton âme ». Et la Tora d’enseigner et de prédire… un repentir particulier qui aura lieu avant la fin des temps, un repentir qui englobe TOUT le cœur et TOUTE l’âme, car il s’agit de la dernière étape avant l’avènement du Messie, définie dans tous les textes comme ‘Iqveta diMechi’ha, littéralement « talons du Messie », la période qui précède immédiatement la venue du Messie. Elle est marquée par de nombreux signes explicites rapportés dans la Guémara Sanhédrin 97-98, et dans la dernière Michna de Sota.

L’époque actuelle : les « talons » du Messie.

D’après tous les textes et selon l’avertissement de tous les rabbanim, cet âge concerne l’époque actuelle dite « moderne ». Nous pouvons y ajouter un texte commenté par le rav Dessler, un des maîtres à penser de notre temps.

Talmud Sanhédrin 97b : «Si le peuple d’Israël ne fait pas Téchouva, il ne connaîtra pas la rédemption. Cela est vrai ! mais alors D. suscitera un tyran dont les décrets seront semblables à ceux de Haman (qui tenta d’anéantir le peuple juif dans le monde entier, hommes, femmes et enfants) et les Juifs reviendront à de meilleures dispositions.» Le tyran en question, nous enseigne rav Dessler zatsal., c’est Hitler, de mémoire maudite. La Seconde Guerre mondiale annonce la fin proche du dernier exil, le nôtre, et l’avènement messianique qui le suivra. Mais s’il est écrit de TOUT ton cœur et de TOUTE ton âme, cela signifie que le Juif de cette époque doit abandonner ses entraves passées et brûler toutes les idoles. Il doit renoncer à tous les moyens à tort transformés en buts (c’est la définition la plus globale de l’idolâtrie et de ses dérivés), à tous les faux idéaux comme la science, l’argent, la politique – socialiste ou nationaliste –, ou faute de mieux à l’orgueil et l’autodivinisation.

La Téchouva face à l’excès de mal : la porte du Messie.

Cependant, comme nous l’avons mentionné précédemment, l’homme ne peut faire Téchouva sans avoir recours aux régulations et à l’étude de la Tora et il est un texte qui rend compte de notre époque et nous dévoile des horizons nouveaux : le Or ha’Hayim (Chémoth 3, 8) rapporte les paroles des Sages qui disent que D. a créé cinquante degrés de sainteté et cinquante degrés d’impureté. Or l’on sait qu’en Egypte, les Juifs ont atteint le quarante-neuvième degré d’impureté (frôlant ainsila disparition physique) mais ont été sauvés par D. et portés au quarante-neuvième degré de sainteté (au cours des quarante-neuf jours entre Pessa’h et Chavou’oth) lors du don de la Tora au mont Sinaï. Et le Or ha’Hayim ajoute qu’à l’époque pré-messianique, le peuple juif (et à plus forte raison l’ensemble du monde) atteindra le cinquantième degré d’impureté, mais grâce à la connaissance de la Tora qui se propagera et se renforcera, il sera à même de se purifier jusqu’à parvenir au cinquantième degré de Qédoucha (pureté). C’est l’avènement messianique avec la disparition du Mal.

C’est pourquoi si l’on voit aujourd’hui le Mal se déployer dans tous ses excès de façon effrénée, si l’on assiste d’autre part à une renaissance de la Tora dans les endroits les plus reculés, où l’assimilation semblait avoir définitivement éteint le judaïsme ; si des jeunes qui avaient tout pour réussir dans la société moderne trouvent leur épanouissement et l’aboutissement de leur quête dans cette Tora si ancienne mais si vivifiante, tout en reconnaissant la vanité de tous les pseudo-idéaux, c’est que la prophétie de la Tora est en train de s’accomplir.

«A la fin des temps, tu reviendras à l’Eternel ton D… lorsque tu reviendras à l’Eternel ton D. de tout ton cœur et de toute ton âme.»

Conclusion

La Téchouva sur le plan individuel élève l’homme à une existence véritable ; lorsqu’elle se généralisera au niveau collectif, ce monde entamé par le péché, dont nous avions pressenti qu’il n’était pas le monde authentique mais une seconde création nécessaire pour le libre arbitre de l’homme, ce monde donc disparaîtra à tout jamais. Nous assisterons à l’anéantissement du monde actuel et à l’avènement de l’époque messianique. Il ne s’agit pas d’une utopie : l’espérance que l’homme peut ressentir actuellement à titre personnel sera vécue par l’humanité toute entière (cf.rabbi Moché ‘Hayim Luzzato). Alors, nous reviendrons au premier Tétragramme (cf. supra), celui de la Création première, essentielle, d’un monde sans péché, où même la notion de Mal sera inconnue.

Peut-être comprenons-nous un peu mieux à présent cette profonde réflexion des Sages, à savoir que la Téchouva possède une place particulière parmi les Mitswoth au point d’avoir précédé l’existence du monde. Car la Tora, telle qu’elle nous a été révélée au mont Sinaï, en tout cas dans son sens le plus simple, est chargée de régir le monde temporaire, où la présence du mal est encore inscrite dans l’existence. Mais cette Tora, qui a précédé la création du monde, possède en filigrane la faculté de transcender et d’abolir le monde naturel dit historique, pour ramener l’homme à une essence infiniment plus élevée, lorsqu’il s’attachera à la profondeur de cette Tora. Ce phénomène trouve sa réalisation à travers la Téchouva, qui outre son caractère de commandement parmi tous les autres, possède la faculté de faire se dévoiler les 13 artides de la Miséricorde divine dans leur caractère illimité, source de toute vie. « Fais-nous revenir, notre Père, à ta Tora, et rapproche-nous, notre Roi, à Ton service, et fais-nous revenir à Toi par une Téchouva totale » (‘Amida, cf. supra). Désonnais la mort n’effraye plus, car elle ne touche que le monde physique. En contact et à proximité du D. vivant, source de toute vie, et dans le monde du premier Tétragramme, l’homme est vivant au-delà de la mort. «Il me conduit au bord d’eaux paisibles […] même si je dois marcher dans le gouffre de la mort, je ne craindrai aucun mal car Tu es avec moi

 

Par le rav Moché Kaufmann, Bené Braq

Kountrass Magazine nº 36 – Eloul 5752 / Septembre 1992

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