L’influence visuelle

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« Maudit soit quiconque n’accomplira pas (YAKIM) les paroles de cette Tora-ci pour les faire… » (Devarim 27,26).

Les commentateurs expliquent de différentes manières le terme Yakim/accomplir, et la signification de ce verset, qui clôt les malédictions. Une des nombreuses réponses données par nos Sages, est de traduire « Yakim » par lever.

Le Yerouchalmi (Sota 7,4 -Korban Ha Eda) explique qu’il ne s’agit pas d’une Mitsva d’ordre général, mais elle fait référence à celui qui ne lève pas «YAKIM» le Sefer Tora comme il faut. Mistva plus connue sous le nom de la Hagbaa (action de lever et de présenter la Tora à l’assemblée).

Les paroles du Yerouchalmi ont de quoi nous surprendre, surtout que d’après nos connaissances, la Hagbaa n’est pas une Mitsva de la Tora. Qui y a-t-il de si grave de « mal » faire la Hagbaa ?!

Plus encore, la Guemara (Meguila 32a) nous enseigne que celui qui fait la Hagbaa reçoit une récompense qui vaut à elle seule, celle de tous ceux qui sont montés à la Tora !

A cela le Rrav Nevenstal ajoute deux questions :

1-En quoi et pourquoi cette Mitsva est-elle aussi importante ?

2-Si selon le Yerouchalmi, ce verset se rapporte à la Hagbaa et non pas à l’accomplissement des Mitsvoth, alors comment comprendre la fin du verset « …pour les faire ». C’est à dire comment relier l’action de la Hagbaa et celui d’accomplir les Mitsvoth ?

Dans un premier temps, regardons, comment cette Mitsva est présentée dans la Halakha :

Le Choul’han ‘Aroukh (134, § 2) écrit que celui qui fait la Hagbaa doit exposer les lettres du Séfer Tora à l’assemblée… car c’est une grande Mitsva pour les hommes comme pour les femmes de regarder les lettres du Séfer Tora à ce moment-là. Le Michna Beroura (ibid.) rapporte qu’en effet d’après les Mekoubalim (Ari zal) lorsqu’une personne regarde les lettres à ce moment-là, un grand flux de lumière se déverse sur cette personne. Il semble d’après cela, qu’un des buts de la Hagbaa est de propager de la Kedoucha à l’assemblée qui la captera à la vue des lettres du Séfer Tora.

Par nature, et notre génération le sait mieux que n’importe qui, l’homme est plus influencé par ce qu’il voit, que par tout autre moyen de communication.

Il y a certes le poids des mots, mais il y a le choc des photos. Une image vaut mille mots, et cela tous les plus grands publicitaires le savent et l’utilisent sans limite pour influencer la société.

L’acte de la Hagbaa lorsqu’il est bien fait, va révéler aux fidèles une notion de respect, de gloire, de splendeur envers la Tora. Elle est portée, levée, présentée… comme Hamavdil et uniquement pour comprendre : lorsqu’un joueur de foot soulève le trophée, les supporters captent toute la splendeur de la victoire, de l’équipe, du joueur…

Mais si cette Hagbaa est mal faite, ou faite d’une façon rapide et bafouée, la Tora risque d’être dépréciée aux yeux de ceux qui auront vu cette scène, que D’ nous en préserve.

Le rav explique que même si nous connaissons l’importance de la Tora et que nous la respectons, que nous écoutons les paroles de nos sages, que nous voulons enraciner dans nos cœurs et nos esprits. La vision d’une telle scène aura plus d’influence sur nos actes que sur nos connaissances. Le phénomène de l’influence déterminante de la vision sur notre comportement est vaste et profond. Il concerne chacun d’entre nous. Afin de nous convaincre que nul n’est écarté de ce phénomène, nous allons rapporter quelques exemples.

Dans la Paracha Ki tissa, l’épisode de la faute du veau d’or met en relief ce phénomène. Il est écrit : « Ce fut quand il approcha du camp et vit le veau, que la colère de Moché s’enflamma, il jeta les tables de ses mains et les brisa au pied de la montagne » (Chemoth 32,19). Bien que Hachem informa Moché que le peuple était en train de fauter par le biais du veau d’or, Moché ne brisa les tables qu’après avoir vu le peuple danser autour de l’idole.

Sur cet épisode de nombreux commentateurs posent la question suivante : Moché avait pourtant déjà entendu de la bouche de Hachem, que les Bené Israël fautaient !? Quelle nouveauté ou surprise y avait-il pour lui, en les voyant ?

Le Alchikh rajoute : pourquoi Moché n’a-t-il brisé lorsqu’il apprit ça de la bouche de Hachem ?!

Certes il le savait, mais maintenant il le voyait. Et l’ouïe ne laisse pas une impression aussi forte que la vue ! Nous dit la Mekhilta (Parachat Yitro). Même pour un homme tel que Moché Rabénou, le plus grand de tous les prophètes, on remarque qu’il y a tout de même une différence entre l’annonce d’un événement et sa vision. Car ce n’est qu’après avoir vu les Bené Israël fauter qu’il les brisa.

C’est ce que vient nous enseigner la Mitsva de la Hagbaa, connaissant la nature de l’homme, la Tora comprend que l’homme ne la respectera que si elle est levée à une hauteur respectable et de façon honorable. Si la Tora s’est montrée très sévère sur cet acte « Maudit soit quiconque n’accomplira pas … », c’est parce que cet acte d’apparence extérieur à le pouvoir de renforcer ou affaiblir l’homme dans son ‘Avodat Hachem/service Divin.

On peut ainsi déjà répondre à la question posée plus haut, comment comprendre la fin du verset « …pour les faire ». C’est parce que le Yakim, la Hagbaa, la vision de cette « présentation » de la Tora aura une influence directe sur notre conduite. Cette influence visuelle nous mènera à l’accomplissement, pour les faire.

Revenons à cette interrogation : pourquoi Moché n’a-t-il brisé les Lou’hoth lorsqu’il apprit la faute des Bené Israël de la bouche de Hachem ?!

Le rav Moché Feinstein zatsal y répond lors d’une question de Halakha : « Est-il possible de s’aquitter de la mitsva de bikour ‘holim (visite aux malades) par téléphone ? » Il rapporta aussi cet épisode afin de prouver l’impact de la vue et rajoute aussi que Moché n’a pas brisé les Lou’hoth au moment où Hachem lui appris la terrible nouvelle, car Moché compris qu’il y aurait beaucoup plus d’impact à la vision de cet acte, que s’il l’avait fait seul en haut du Har Sinaï. Encore une fois la Tora souligne l’impact de l’influence visuelle.

Mais le Alchikh Akadoch répond autrement à sa question. Il explique qu’en descendant Moché entendit les Bené Israël chantant, il sentait les Bené Israël en délire… il pensait que tous ces actes auraient peut-être une réparation, il avait un espoir de techouva pour les Bené Israël, qui se seraient éventuellement repentis à la vue des Lou’hoth. Mais rien de tout ça, ils continuèrent à chanter et danser autour du veau d’or. C’est à la vue de cela que Moché a abandonné sa première idée, en les voyants heureux dans leur faute, il comprit qu’il n’y avait plus d’espoir.

Comment et pourquoi les Bené Israël à la vue des Lou’hoth ne se sont-ils pas repentis ? Selon tout ce qu’il a été dit plus haut, le phénomène de l’influence de la vision joue un rôle plus qu’important. Comment sont-ils restés insensibles ?!

L’ouvrage Méacher Léavinou, y répond par la parabole suivante : un homme avait un fils aveugle qui avait déjà consulté les plus grands médecins dans l’espoir de lui rendre la vue, mais en vain. Un jour, son fils entra dans une boutique et toucha un objet rond. Il demanda à un homme près de lui quel était cet objet. « C’est une ampoule, lui répondit-il. Elle permet d’éclairer dans l’obscurité. » Très heureux, l’enfant appela son père dans la boutique et lui annonça qu’il avait enfin trouvé un remède qui lui permettrait de voir. Un homme venait de lui expliquer qu’une ampoule éclaire dans l’obscurité. Par conséquent, il lui demanda de lui acheter une ampoule ! Triste de décevoir son fils, le père lui expliqua que l’ampoule éclaire seulement les voyants qu’une obscurité occasionnelle empêche de voir. Mais celui dont les yeux ne peuvent pas voir, cette ampoule est inutile. On comprend mieux pourquoi les Bené Israël n’ont pas été sensibles à la vue des lou’hoth, car au même moment ils étaient dans l’euphorie de leur faute, ils étaient plongés dans la pénombre, ils étaient devenus complètement insensibles.

La vue de l’acte de la Hagbaa vient nous ouvrir notre cœur pour nous sensibiliser et influencer notre comportement vers l’accomplissement des mistvoth. On peut déduire aussi que chacun d’entre nous peut par nos actions et notre conduite influencer son prochain. En accomplissant les mitsvoth avec joie et un comportement respectueux, on réalisera un kidouch Hachem, qui dégagera un flux d’influence positif et donnera envie aux autres de suivre son exemple pour qu’eux aussi puissent s’ « élever » et « les faire… »

Rav Mordekhai Bismuth

Extrait de la Daf de Chabat disponible sur http://www.ovdhm.com

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