L’innocence du Hezbollah au Liban

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31 May 2019, Lebanon, Beirut: Pro-Iranian Hezbollah fighter take part in a parade to mark the annual al-Quds Day (Jerusalem Day) on the last Friday of the Muslim holy month of Ramadan. Photo: Marwan Naamani/dpa (Photo by Marwan Naamani/picture alliance via Getty Images)

Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

Le silence international qui entoure le Hezbollah est déroutant alors que de plus en plus de faisceaux de présomption s’accumulent contre lui. Aucun pays occidental ne se risque à soulever le problème par crainte de semer le trouble et d’attiser le feu contre la milice. Lors de son voyage, Emmanuel Macron n’a pas touché mot de cette présence nuisible au point que les observateurs attribuent la médaille de l’innocence à Hassan Nasrallah. Pourtant l’incendie et la destruction du port de Beyrouth mettent en cause la milice libanaise, de manière directe ou indirecte.

Le Hezbollah n’est certainement pas étranger au nitrate d’ammonium du port de Beyrouth sachant que le propriétaire du cargo, qui l’a déposé sur les quais, a des liens avérés avec une banque proche du Hezbollah. On s’étonne d’ailleurs que les 2.750 tonnes de nitrate aient été stockées pendant plus de six ans sans aucune précaution. Le secret a été bien gardé, puis éventé, sur le destinataire final de la marchandise acheminée le 20 novembre 2013 par le cargo moldave le Rhosus et sur les raisons de l’abandon du bateau par son propriétaire. On a caché aussi le nom du titulaire du hangar 12 où était entreposée cette marchandise inflammable.

Il est vrai que le Liban n’est pas réputé pour avoir une information fluide alors que la corruption règne au sein d’une administration opaque. Les fonctionnaires du port sont silencieux comme s’ils avaient reçu des ordres de ne rien laisser transpirer ou parce qu’ils se sentent impliqués. Il leur est difficile de révéler les dessous de table et les passe-droits accordés au Hezbollah dont les conteneurs ne sont soumis à aucun contrôle de la douane.

Bien sûr, ce nitrate peut être déclaré comme engrais agricole alors qu’en fait, c’est un puissant agent explosif utilisé par toutes les organisations terroristes et militaires du monde entier. L’usage de ce produit est d’ailleurs réglementé dans les pays occidentaux mais cela semble volontairement ignoré par le Hezbollah qui a utilisé ce nitrate dans 40 cas référencés dans le monde, de 1983 à 2017.

En mars 1994, lors de l’attaque de l’ambassade israélienne à Bangkok, une tonne de nitrate avait été découverte par les autorités lors du démantèlement d’une cellule du Hezbollah. En 2012, en Thaïlande, même scénario. En août 2015, trois miliciens du Hezbollah avaient été arrêtés au Koweït avec 18 tonnes de nitrate tandis que plusieurs autres l’ont été à Chypre avec 420 paquets de nitrate d’un poids de 8 tonnes. Ils préparaient des attaques contre des cibles et des touristes israéliens. Les services de renseignements ont révélé plusieurs attaques avortées contre des sites juifs et des synagogues au moyen de ces explosifs financés par l’Iran. Toutes les actions terroristes du Hezbollah en Allemagne, au Royaume-Uni et en Bulgarie l’ont été au moyen du nitrate d’ammonium. En 2015, le Mossad avait prévenu les Britanniques que des pains de glace contenant trois tonnes de nitrate étaient convoyés par quatre membres du Hezbollah. En 2020, les Allemands avaient découvert du nitrate dans des emballages de glace.

En décembre 2019, la Cour fédérale de New York avait condamné à 40 ans de prison un agent du Hezbollah, un Libanais naturalisé Américain, Ali Kourani, accusé d’avoir tenté d’acquérir des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium d’un fabricant chinois. Il ne fait donc aucun doute que le Hezbollah est un grand consommateur de nitrate d’ammonium comme explosif et non pas comme engrais. Évidemment, Hassan Nasrallah s’en défend et l’ensemble de la communauté internationale feint de le croire pour n’avoir aucun problème avec ses agentes terroristes.

L’hebdomadaire allemand Der Spiegel vient de révéler, le 21 août, que le propriétaire du Rhosus est «l’homme d’affaires chypriote, Charalambos Manoli, ayant des relations avec une banque utilisée par le Hezbollah au Liban». Il avait contracté en 2001 un emprunt de quatre millions de dollars auprès de la Bank FBME. Les Américains avaient depuis longtemps accusé cette banque, une compagnie syrienne, de blanchir l’argent du Hezbollah et de financer le programme d’armes chimiques du régime syrien.

Le quotidien conservateur allemand Die Welt, avait de son côté révélé que le parti chiite libanais «avait reçu d’importantes livraisons de nitrate d’ammonium étroitement liées au matériau qui a explosé Beyrouth» sur la base de trois transactions financières en 2013 et 2014.

Israël avait depuis longtemps mis en garde l’opinion internationale sur le rôle ambigu du Hezbollah dans ces transactions. L’an dernier déjà, l’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, avait anticipé le drame «le port de Beyrouth est devenu celui du Hezbollah. Dans les années 2018-2019, des produits à double usage étaient introduits en contrebande au Liban afin de faire progresser les capacités de roquettes et de missiles du Hezbollah». Les  autorités libanaises avaient alors rejeté cette accusation en prétendant que «le Hezbollah dispose de technologies bien plus récentes, et qu’il n’a que faire de ce composé primitif au Liban». En revanche, le nitrate est plus utilisé à l’étranger car il est vendu en tant qu’engrais et facile à acheter sachant de plus, qu’une concentration d’azote à 35% est suffisamment élevée pour en faire un explosif puissant.

Mais ces arguments ne semblent pas avoir convaincu Emmanuel Macron pour  diligenter une enquête internationale. Bien sûr, son ami et celui du Hezbollah, le président Aoun, s’est opposé avec force contre toute enquête. En effet, le gouvernement libanais ne peut durer qu’avec la participation du Hezbollah qui détient aujourd’hui l’avenir du Liban entre ses mains. Pour Aoun, il ne s’agit donc pas de faire des vagues ni d’incriminer un allié auquel il doit son poste.

Un lecteur, sur le site de Temps et contremps, a commenté le présent texte de la manière intéressante qui suit :

Macron sait parfaiement à quoi s’en tenir quant au fait que le Hezbollah supplétif de l’Iran tient le Liban en otage lequel n’est pas pret d’y renoncer. Mais il joue la carte de la real politik arabe du Quai d’Orsay pour tenter de réintroduire la France-exclue de la région depuis lurette- comme « puissance moyenne qui compte ». Le but poursuivi par la France est d’aboutir « pendant un certain temps » comme disait Fernand Reynaud- sous ses auspices à reconstruire ce qui a été détruit en demandant au Hezbollah qui y trouverait un intéret tout comme elle à mettre en sourdine ses vélléités militaires trop voyantes à l’intérieur . Cet arrangement redorerait le blouson de la france diplomatiquement et sans doute économiquement pour les grandes sociétés de construction comme Bouygues par exemple. Quant à changer le rapport de forces sur le terrain il ne faut pas rever. Il s’agit d’un espoir… qui le restera. La raison d’Etat prime donnant à la France une possibilité de tirer parti de cette misére au besoin comme elle l’a déjà fait avec des terroristes en usant d’acccomodements que la morale de la collaborration(Libération du mufti de Jerusalem, d’Abou Daoud) ne réprouve pas. Reste à savoir dans quelle mesure les donateurs arabes anti iraniens-l’EAU- feront semblant d’etre dupes laissant le soin aux Europeens et au FMI de procéder aux financements.

[Signé Philippe Bliah]

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