Mode d’emploi de la bénédiction

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Réflexion sur la paracha de la semaine par le rav Mordekhai Bismuth

« Que l’ange qui m’a délivré de tout mal bénisse les garçons, et qu’en eux soit appelé mon nom et le nom de mes pères Avraham et Yits’hak ; qu’ils se multiplient abondamment au milieu du pays » (48,16).

Dans la paracha de cette semaine, Ya’akov bénit les enfants de Yossef, Ephraim et Menaché.

Cette bénédiction, est surprenante pourquoi Ya’akov a-t-t-il besoin de ses pères, ainsi que lui-même pour les bénir ?

Aussi, pourquoi s’est-il placé avant ses pères ? En effet il aurait dû dire « qu’en eux soit appelé le nom de mes pères… et mon nom… »

Pour répondre à ces questions nous devons comprendre qui sont nos Avoth (patriarches) et que représentent-ils.

Les noms des Avoth font références aux trois rôles principaux de la vie d’un juif : Tora, Mitsva et joie.

Ya’akov a béni ainsi, par allusion, et pas directement en leur souhaitant des réussites dans ces 3 domaines, pour ne pas que sa bénédiction soit interceptée par des anges accusateurs.

Puis Ya’akov, voulait aussi dans sa bénédiction, faire référence aux midoth (traits de caractère) de ses pères.

Avraham avinou, exemple de Hakhnassat Orkhim/hospitalité et de Messirout néfech/sacrifice de soi, représente le ‘Hessed. Toute sa vie, il s’est efforcé d’accueillir des invités chez lui. Sa tente avait quatre portes pour que les voyageurs puissent entrer de chaque côté et que personne ne manque d’être accueilli. Pour Avraham, qu’on soit jeune, vieux, malade ou fatigué, rien ne nous dispense de notre ‘Avodat Hachem. A 99 ans, le troisième jour suivant sa Brit Mila, sous une canicule intense, Avraham était assis à l’entrée de sa tente pour guetter les voyageurs et pouvoir accomplir la Mitsva de Guemilout ‘Hassadim/Acte de bonté. Avraham, guematria 248, ce qui correspond aux 248 mitsvoth positives de la Tora qu’un Juif a le devoir d’accomplir.

Yits’hak avinou est le pilier et le précurseur de la rigueur, la Guevoura. Serviteur d’Hachem dans une crainte absolue, comme la Tora le caractérise : « וּפַחַד יִצְחָק /[D’] la crainte de Yits’hak » (Beréchit 31,42), il a su surmonter toute peur autre que celle de Hachem. Âgé de 37 ans, il est monté sans trembler sur Mizbéa’h/l’autel pour que son père l’offre en sacrifice. C’est grâce à sa rigueur qu’il put intégrer les enseignements de son père.
Yits’hak qui est traduit par le Onkelos par le mot « ‘hedva-la joie ». La joie n’est pas seulement un besoin psychologique-spirituel, c’est aussi un des principes fondamentaux du service divin, comme le Rambam (Hilkhoth Soucca 8,15) nous dit : « La Sim’ha que dégage un homme lors de l’accomplissement d’une Mitsva est un service important ; mais tout celui qui effectue une mitsva sans Sim’ha mérite un châtiment, comme il est dit (Devarim 28,45-47)  »Viendront sur toi toutes ces malédictions… parce que tu n’as pas servi Hachem, ton Elokim, avec Sim’ha et avec bonté du cœur »».

La Sim’ha n’est donc pas un petit plus dans le service de Hachem, elle n’est pas non plus optionnelle, et son absence causera de terribles malédictions annoncées par la Tora. Une mitsva même accomplie minutieusement, mais sans Sim’ha, demeure incomplète. La Sim’ha ne vient pas embellir la mitsva, elle en constitue une partie intégrante.

Enfin Ya’akov avinou fut capable de mêler les midot de ‘hessed/bonté et de guevoura/rigueur, représente la mida de Tiférth/Splendeur.

La splendeur, c’est l’équilibre, c’est la capacité de faire la synthèse de la bonté et de la rigueur. C’est en cela que Ya’akov représente la Tora et qu’il a mérité le surnom de «  Ya’akov était un homme intègre, assis dans les tentes » (Beréchit 25,27), les tentes où il étudiait la Tora.

Grâce à l’étude de la Tora, Ya’akov a atteint la perfection dans l’équilibre des midoth. De la même façon, nous aussi devons trouver grâce à la Tora l’équilibre dans nos midoth et notre vie.

Ya’akov, qui est appelé « Israël-ישראל » (Beréchith 32,29) qui en inversant les lettres donne le mot « li-roch-לי-ראש ».

Cela fait référence à la Tora qui est appelé « Roch », comme il est écrit « L’éternel me créa au debut de son action, antérieurement à ses œuvres, dès l’origine des choses » (Michlei 8,22), qui a était donné en 40 jours, guematria de « li ». Et comme le dit le Midrach (Vayikra Raba 2;2) « Le terme « li » fait toujours à une pérennité qui ne bougera pas, ni dans ce monde ni dans celui à venir. »

Résumons, Avraham représente le Hessed et les Mitsvot ; Yits’hak la guevoura et la joie enfin Ya’akov la Tiféreth et la Tora.

Maintenant reste à comprendre pourquoi Ya’akov s’est mentionnée avant ses pères.

Même s’il est vrai que chaque mida (trait de caractère) de nos Avoth est essentielle, et bonne en elle-même, seule, elle pourrait être nuisible. Par exemple un homme construit uniquement sur le ‘hessed viendrait pour un élan de ‘hessed apporter un éléphant en korban à Hachem plutôt qu’un petit agneau. Un éléphant c’est mieux, c’est plus grand, plus gras. Ou celui qui serait construit exclusivement sur la guevoura, la rigueur, pourrait par excès de zèle tuer une personne qui aurait omis de mettre les tefillinnes !

En se plaçant avant ses pères, Ya’akov vient par sa bénédiction nous enseigner que le chemin à suivre est celui du milieu. Comme le Rambam, au début du chapitre Hilkhot Déot, énumère les différents traits de caractère extrêmement opposés que peut posséder un homme : le généreux et l’avare ; le cruel et le sensible ; le craintif et le courageux ; etc… Et il explique qu’entre chacun de tous ces traits de caractère il existe une infinité d’intermédiaires, mais il recommande de ne pas adopter les extrêmes, mais de toujours chercher la voie médiane. Il est bon de souligner que le « Michné Tora » du Rambam n’est pas un livre de moussar, mais un véritable ouvrage de Halakha, de lois à appliquer dans la pratique.

Représentant la Tora, Ya’akov vient aussi nous enseigner l’importance de la Tora et sa priorité par rapport aux mitsvot et à la joie.

La Guemara (Nedarim 81a) rapporte que lorsque le premier Temple fut détruit, on interrogea les Sages et les Prophètes sur la raison pour laquelle la terre avait été anéantie. Personne ne put répondre à cette question jusqu’à ce que HaKadoch Baroukh Hou en personne leur en fournit l’explication avec le verset suivant (Yirmiyahou 9,12) : « C’est parce qu’ils ont abandonné Ma Tora que Je leur avais proposée, parce qu’ils n’ont pas écouté ce que Je leur disais et ne l’ont pas suivie ». Et la Guemara explique parce qu’ils ne récitaient pas les bénédictions de la Tora avant de l’étudier. Et le Ben Ich Hai (Od Yossef ‘Hai – Drachot) explique qu’à cette époque les pères ne bénissaient pas leurs enfants dans leur réussite spirituelle dans la Tora.

En effet pour que notre progéniture puisse devenir un Talmid Hakham il faut devancer nos bénédictions dans cette direction avant toutes les autres. On leur souhaitera qu’ils puissent grandir dans les voies de la Tora, avec Yirat Chamayim, qu’ils soient des ‘Hakhamim, des Tsadikim… et bien après viennent nos voeux pour la parnassa. En le bénissant ainsi on leur exprime nos priorités, et l’essentialité de la Tora dans la vie. Et c’est comme ça, avec l’aide de Hachem que l’on pourra voir nos enfants grandir et s’épanouir dans les voies de la Tora.

Et c’est d’ailleurs ainsi qu’est structurée la Amida : nous avons tout d’abord les bénédictions des « Ata ‘honen-l’intelligence et le discernement », « Hachivénou lé toratékha-Techouva et Tora » et « Séla’h lanou-le pardon ». Ce n’est qu’ensuite que l’on demande la santé, la parnassa, la gueoula…

Heureux l’homme qui implorera pour ses enfants tout d’abord une réussite spirituelle avant les besoins matériels.

Sur cela il est écrit « Qui M’a rendu un service que j’aie à payer de retour ? » (Job 41;3), c’est-à-dire que celui qui demande d’abord pour les besoins pour Me servir, se verra recevoir tout ce qu’il désire.

C’est donc pour toutes ces raisons que Ya’akov s’est mentionné, avant ses pères, et ce n’est qu’après, qu’il les bénis matériellement « Vayideou larov berek haarets… Et qu’il se multiplient abondamment comme des poisons au sein de la terre » (48;16).

Chabat Chalom – Rav Mordekhai Bismuth

Extrait de la Daf de Chabbath disponible sur notre site  https://www.ovdhm.com/

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