Un nouvel apprentissage du libre-arbitre

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Au travers de l’histoire extraordinaire de Pourim, nous découvrons une transformation fondamentale au sein de notre peuple. Une facette profonde et fidèle des Juifs est apparue, les réhaussant à un niveau d’authenticité inconnu jusqu’alors dans leur lien avec Hachem.

De nombreux choix

L’histoire de Pourim s’étale sur une période de dix ans. Le récit de la meguilath Esther se compose de trois parties. Tout d’abord, le festin de A’hachwéroch (Assuérus) avec ses péripéties à la troisième année de son règne, puis le choix de la nouvelle reine, et enfin le décret de Haman et son aboutissement la douzième année du règne.

A chaque étape, les personnages sont confrontés à des choix.

Le premier évènement est le festin qui a duré 180 jours. Le roi cherchait à satisfaire les nations qu’il dominait pour les unifier. Il proposa alors à chacun de quoi satisfaire ses propres plaisirs. Ainsi, c’est de la nourriture cachère avec le tampon de surveillance de Mordekhaï qu’on présentait aux Juifs. Ils furent confrontés à un dilemme. Faire preuve de reconnaissance envers le souverain en acceptant cette nourriture ou rester fidèles à leurs principes et refuser de participer à ce festin. Mordekhaï, le dirigeant spirituel de la génération, s’opposa totalement au fait de participer au festin mais il ne fut pas écouté par tous.

Le dernier jour de la fête, face au refus de la reine Vachti d’obéir à sa demande effrontée, le roi ne savait s’il devait sévir ou gracier sa femme, petite-fille de Nevou’hadnétsar (Nabuchodonosor). Les Sages d’Israël s’abstinrent de le conseiller car ils savaient que de toute manière, leur avis serait critiqué. D’ailleurs Haman, qui conseilla de mettre à mort la reine, essuiera la colère du roi. Le choix de non-intervention des Sages s’avéra donc bien avisé.

Plus tard, Esther, désirée par A’hachvéroch, refusa de révéler son origine, ce qui était susceptible d’être condamnable. Elle se plia cependant à l’indication de Mordekhaï.

Lorsque Mordekhaï surprit le complot de Bigtan et Térech visant la mort du roi, il aurait pu garder le silence ; Esther s’en serait trouvée libérée. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, il protégea la vie du roi, qui ne cherchait pourtant pas le bien de notre peuple.

Le tournant de l’histoire qui provoqua le décret d’extermination des Juifs se situe lors de la rencontre Haman-Mordekhaï. Ce dernier aurait pu se courber comme tout le monde devant le grand ministre, mais il décida de le provoquer ouvertement. Qu’est-ce qui justifiait ce comportement provocateur et dangereux ? Haman de son côté aurait bien pu se satisfaire de sa richesse colossale et de l’honneur reçu du roi ainsi que de la totalité du royaume. Mais un homme limitait son bonheur. Il choisit de s’attaquer à lui, décision qui l’amènera à sa propre perte.

 

Plaçons-nous maintenant après le décret. Mordekhaï a alerté tout le monde et a ordonné à Esther d’intervenir immédiatement. Elle rétorqua qu’elle ne pouvait se présenter au roi sans y être invitée. Mais Mordekhaï resta intransigeant et Esther l’écouta. De plus, en tant que maître de la génération, il ordonna à tous les Juifs de jeûner pendant trois jours, les 15, 16 et 17 Nissan, ne faisant pas cas de la fête de Pessa’h. La soirée du séder et la mitswa de la matsa ne sont-elles pas importantes ? Les jeûnes ne peuvent-ils pas être repoussés ? Non, ויעבר מרדכי ; d’après lui, l’urgence de la techouva justifiait la « transgression » de ces mitswoth.

Esther, au lieu de rabaisser le pouvoir du bras droit ‘amalécite, l’honora et le fit inviter au festin qu’elle proposa au roi. Contre toute logique.

Le peuple entier, apprenant le danger, s’appuiera-t-il sur la juive pieuse du palais ou épanchera-t-il  son cœur en prières devant Hachem ?

La techouva : une nouvelle manière de choisir

Nous avons rencontré de nombreuses situations où le choix adopté a été celui de Mordekhaï, le grand sage de la génération. Esther, comme l’ensemble du peuple, plaça sa confiance dans toutes ses décisions. C’est ainsi que les Juifs de Suse firent l’effort considérable de jeûner pendant trois jours.

A l’annonce du terrible décret de Haman, certains auraient sûrement proposé de faire intervenir des hommes politiques ou de soudoyer des hommes du pouvoir. D’autres n’auraient sûrement pas manqué de pointer un doigt accusateur sur Mordekhai, qui, par sa fougue irresponsable, a causé la jalousie et la colère de Haman. Mais tous les Juifs de Suse acceptèrent le pénible jeûne de trois jours consécutifs renonçant à la mitswa de Pessa’h car Mordekhaï l’avait décrété.

Cela semble avoir été le point de départ de la techouva de notre peuple. Nous nous rappelons que lors du fameux festin d’A’hachwéroch, l’indication de Mordekhaï ne fut pas suivie. D’après nos Sages, la menace de Haman était la punition résultante de cette faute. Cette fois, en se pliant à la décision du gadol, en se privant de toute nourriture trois jours d’affilée, ils réparaient l’erreur du passé.

Même lorsque nous sommes sous le pouvoir des peuples, et même s’ils se montrent tolérants, nous resterons intransigeants. Seuls la Tora et les maîtres nous enseigneront la conduite à adopter face aux obstacles. Cela fut bien réalisé après le décret de Haman par le jeûne décrété mais aussi par les mitswoth de Pourim que l’ensemble du peuple d’Israël prit sur lui pour toutes les générations à venir.

La portée limitée de nos choix

Remarquons une curiosité supplémentaire dans l’histoire de Pourim. Les choix ont eu des résultats inattendus.

A’hachwéroch pensait réjouir son royaume par de grands moyens. Tout fut gâché par l’épisode de Vachti qui finit par être exécutée.

A’hachwéroch était-il capable de choisir véritablement sa femme ? Non. D’après le commentaire du Gaon de Vilna, il cherchait à la conserver ; pour cela il voulut que les princes demandent une grâce en sa faveur. Mais Haman présenta les choses d’une manière à ce que le roi soit le seul à décider ; toute grâce aurait alors été considérée comme une faiblesse. A’hachwéroch n’eut plus le choix.

Et quand il cherchait la femme la plus belle de son royaume pendant des années, il choisit finalement Esther que la couleur jaunâtre du visage aurait dû disqualifier. Mais une grâce miraculeuse vint poser son choix. Décidément A’hachwéroch ne choisit pas librement sa femme…

Haman a-t-il véritablement du pouvoir ? Non, celui-ci lui est accordé sans qu’ il le mérite. Il le quitta au moment où on s’y attendait le moins, à l’apogée de ce despote.

Après le décret, Esther invita le roi. Le salut dépendait-t-il d’elle ? Pas du tout. C’est un heureux « concours de circonstances » qui a amené la perte de Haman. La colère de celui-ci atteignit son sommet justement le soir où Ahachwéroch relut le livre de mémoires royales et remarqua que Mordekhaï n’avait pas été récompensé cinq ans plus tôt pour avoir sauvé la vie du roi. Le désir de Haman de tuer Mordekhaï ce jour-là ne tomba pas de bon augure…

On découvre dans la meguila que les pions ne sont pratiquement pas dans nos mains. Les aboutissements ne résultent pas des efforts de chacun.

C’est d’ailleurs cette idée qui se cache derrière le nom de la fête. « Pourim » vient de « pour », tirage au sort en perse, car celui-ci est la manière de choisir dans laquelle nous n’avons pas notre mot à dire. Pour nous rappeler que l’histoire n’est pas dans nos mains mais seulement dans celles du Ciel.

Une révolution dans la liberté de choisir

Reprenons les étapes. Le décret d’extermination de Haman trouve son origine dans la désobéissance envers Mordekhaï lors du festin royal. Le salut apparaît quand les Juifs décident de suivre leur maître avec confiance. Mais, sur le terrain, les miracles ont l’air de découler de la réunion circonstancielle de différents événements. Les Juifs de l’époque furent fort impressionnés de cela. Tout dépend de nous, puisque des dizaines d’éléments étaient déjà mis en place pour nous sauver avant même que nous ne le méritions. Mais… tout dépendait de notre peuple, car c’est lorsque notre choix de suivre la Tora et ses maîtres fut fait que le salut s’en suivit en moins de trois jours.

Apprendre que le monde est organisé pour notre bien dès que nous choisissons d’avoir confiance en Hachem et Sa Tora réveilla un amour inconditionnel envers Hachem. Le monde créé et dirigé par Hachem est le meilleur possible qu’il puisse être. Sachons juste nous mettre en phase avec Lui pour en bénéficier.

D’après nos Sages, l’époque de Mordekhaï fut un tournant dans la liberté de choisir Israël. Si, au mont Sinaï, nous avons reçu la Tora contraints quelque peu par la puissance de la Révélation, à Pourim nous avons confirmé la conviction totale de notre choix par amour envers Hachem. Car nous L’avons découvert présent avec nous, malgré les fautes, malgré la galouth, dans les trames de l’Histoire pour la retourner en notre faveur dès que nous choisissons le bien.

C’est cela qui attisa la flamme d’amour envers Hachem. ליהודים הייתה אורה ושמחה וששון ויקר « Chez les Juifs il y avait lumière, joie, allégresse et gloire », verset faisant allusion à la joie dans les mitswoth fondamentales : l’étude de la Tora, les jours de fête, l’alliance de brith mila avec Hachem et les tefilinnes. C’est cet élan extraordinaire qui nous éleva pour nous permettre de vaincre le ‘Amaleq de l’époque, puis revenir quelques années plus tard sur la terre d’Israël et reconstruire le deuxième Temple.

Chez nous aussi, chaque année le récit de Pourim réveille notre confiance et notre amour envers Hachem. Notre joie se manifeste alors pleinement dans les mitswoth de ce jour. Les sentiments prennent le dessus sur la raison pour exprimer notre reconnaissance envers la Providence extraordinaire. Ces acquis de valeur nous accompagneront les mois à venir notamment pour célébrer la fête de Pessa’h et recevoir la Tora de nouveau avec encore plus de joie et de conviction…

Magazine Kountrass numéro 162

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