Orbán à Juncker: « Imposer des migrants à la Hongrie n’est pas de la solidarité, c’est de la violence »

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Hungarian Prime Minister Viktor Orban arrives to take part in a European Union (EU) summit dominated by the migration crisis at the European Council in Brussels, on October 15, 2015. AFP PHOTO / THIERRY CHARLIER (Photo credit should read THIERRY CHARLIER/AFP/Getty Images)
Parfois, la politique peut devenir assez… personnelle. Le dernier échange dans le différend entre l’UE et la Hongrie semble avoir atteint le point où les acteurs du drame sont engagés personnellement. Ni le président de la Commission européenne (non élu), Jean-Claude Juncker, ni le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán (élu), ont cédé sur la question de l’immigration.

 

Pourtant, bien que personne à Bruxelles ne voudra ouvertement le reconnaître, Viktor Orbán est en train de gagner le débat sur la migration.

Juncker semble avoir accepté l’immigration comme inévitable et semble avoir pris la position de partager la charge de l’immigration par un régime de quotas. Il appelle cela de la «solidarité» dans une lettre à Orbán.

Juncker écrit : « En effet, la protection des frontières extérieures de l’Union est une question d’intérêt commun, identifiée comme prioritaire dans notre agenda de migration depuis 2015, et la Commission aide tous les États membres à protéger les frontières extérieures de l’Union et à contrôler flux migratoires ».

Jusqu’ici tout va bien. Pour avoir une Union européenne sans frontières, les frontières extérieures de l’espace Schengen doivent être protégées – et il serait logique que tous les pays Schengen aident à payer les pays sur ces frontières extérieures pour la protection des frontières. Parce qu’en échange, ils n’ont pas besoin de protéger leurs propres frontières et, évidemment, les voyages gratuits ont de nombreux bénéfices (économiques). Mais quand Juncker utilise des mots comme «solidarité» et «contrôle des flux migratoires», qu’est-ce qu’il veut dire? Eh bien, dans la prochaine phrase, il le dit : « En fait, en 2015, lorsque la Hongrie a été affectée par la crise des réfugiés, la Commission a proposé qu’un plan de relogement d’urgence s’appliquerait en Hongrie, avec l’Italie et la Grèce. Toutefois, la Hongrie a décidé de rejeter cette offre de solidarité concrète, en refusant la possibilité de bénéficier d’un relogement de plus de 54.000 personnes et a décidé de renvoyer près de 4 millions d’euros de fonds européens prépayés par la Commission à la Hongrie. Par la suite, la Hongrie a contesté la validité des décisions du Conseil concernant le relogement devant la Cour de justice ».

Cela ne protège pas les frontières. Le seul « contrôle des flux migratoires» accompli par ce plan donne aux réfugiés un passage libre en Europe. Et peu importe que le plan de relogement échoue et même échoue lamentablement. L’UE, sous la forme Juncker, n’est tout simplement pas disposée à aider les pays qui reçoivent des migrants à séparer le bon grain de l’ivraie. L’UE perd des milliards d’euros dans un accord avec la Turquie, mais quand la Hongrie demande que la moitié de ses dépenses pour ce qui est un moyen très efficace de traiter l’immigration lui soient remboursée, Juncker se comporte d’une manière arrogante : « Je tiens également à souligner que, en traitant la crise des réfugiés, la Hongrie a pu compter sur d’autres formes de soutien opérationnel et financier de la part de la Commission et des agences de l’UE.

En 2014-2015, la Hongrie a reçu trois subventions d’urgence de 6,26 millions d’euros.  Je regrette que, compte tenu du taux de réalisation modique de la Hongrie de ces trois subventions, seulement environ 33% des fonds ont été utilisés et les fonds inutilisés ont été perdus. Pour soutenir la protection des frontières extérieures, la Hongrie devrait également s’appuyer sur le financement de l’UE déjà alloué sous l’enveloppe nationale du Fonds de sécurité intérieure ‘Frontières’, qui s’élève à plus de 40 millions d’euros pour la période 2014-2020 ».

Pour mettre cela en perspective : « Entre 2007 et cette année, la Turquie a reçu environ 4,8 milliards d’euros, ce qui représente plus de 40% des allocations de fonds d’aide de l’Instrument pour la préadhésion (IPA) à l’UE. De ce montant, 2,68 milliards d’euros ont été engagés et 2,19 milliards d’euros ont été payés. Un montant supplémentaire de 1,65 milliard d’euros a été attribué depuis 2014 mais n’a pas encore été payé. Parce que le pays est encore un membre candidat, il semble tout à fait possible qu’ils recevront encore plus d’argent dans le futur.»

Ajoutant l’insulte à l’injure, Juncker mentionne « d’autres formes d’assistance », à savoir le fait que : « La Frontière européenne et la garde côtière offrent un soutien opérationnel actif à la Hongrie avec le déploiement de 20 gardes-frontières européens actuellement aux sections frontalières avec la Serbie. À ce stade, à la connaissance de la Commission, la frontière européenne et la Garde côtière n’ont reçu aucune demande de la Hongrie pour augmenter ce contingent ».

Bien sûr, Orbán lui a répondu. Et quelle réponse !

« Tout d’abord, je suis heureux de noter que vous reconnaissez les efforts de la Hongrie en matière de protection des frontières. Au cours des deux dernières années, la Hongrie a défendu nos frontières communes en mobilisant des ressources budgétaires, en construisant une clôture de protection et en mettant en place des milliers de garde-frontières ».

Comparez cela aux 20 insignifiants gardes-frontières de Bruxelles.

Orbán poursuit en réitérant l’opinion de la Hongrie sur ses responsabilités en ce qui concerne la frontière Schengen : « La Hongrie devrait toujours se comporter comme un pays où il existe des frontières Schengen, mais pour des raisons géographiques, les migrants ne peuvent entrer dans le pays que s’ils ont traversé les frontières de l’UE dans d’autres États membres, principalement en Grèce. Pour cette raison, la Hongrie n’a pas participé et ne veut pas participer à des projets qui ne rendent pas cette question évidente.

Ce paragraphe souligne quelque chose que Juncker ne traite pas : le fait que, en contradiction avec la loi de l’UE, certains migrants prennent sur eux de commencer le processus de délocalisation. Apparemment, prendre le « contrôle des flux migratoires» en charge n’est pas vraiment à l’ordre du jour de Juncker. Un point que Orbán souligne plus tard dans la lettre : « Je suis étonné et perplexe de lire que vous et la Commission européenne refusez de fournir des fonds pour la clôture que nous avons construite. Je suis convaincu que ceux qui ne supportent pas cette clôture ne peuvent pas et ne veulent pas protéger les citoyens de l’Union européenne. Il est impossible de nous défendre contre les nombreuses tentatives illégales de franchissement de frontière sans créer d’obstacles physiques. Si, au lieu de défendre nos frontières, la Commission européenne est disposée à financer uniquement des mesures et des organisations qui visent à faciliter l’admission des migrants, alors cela ne fera que motiver des centaines de milliers de migrants qui souhaitent déménager en Europe, au lieu de freiner la migration. »

Cela semble être un point valable: afin de contrôler la migration, il faut distinguer entre ceux qui, selon la loi, peuvent demander l’asile et ceux qui ne le peuvent pas.

S’il n’existe aucun moyen efficace d’expulser ceux qui ne peuvent pas demander asile, la seule solution est de les maintenir efficacement hors de l’espace Schengen. C’est exactement ce que la Hongrie essaie de faire – et avec un certain succès.

En ce faisant, la Hongrie protège non seulement – ou peut-être plus précisément, et pas principalement – la Hongrie elle-même, mais aussi les Autrichiens, les Allemands, les Français et d’autres citoyens européens. Pour tout son discours sur la «solidarité», Juncker montre avec sa lettre, et ce n’est pas la première fois, que sa marque de solidarité n’est pas envers les citoyens européens mais avec les réfugiés.

Et si Bruxelles continue à s’appuyer sur les pays de Visegrád, nous pourrions voir plus qu’un Brexit dans un proche avenir.

Pour conclure, Orbán affirme franchement que: « L’interprétation du principe de solidarité décrite dans votre lettre est en substance la transformation de la Hongrie en un pays d’immigrants contre la volonté des citoyens hongrois.

À mon avis, ce n’est pas de la solidarité, c’est de la violence».

traduction © Marina Linardi pour Dreuz.info.

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