Images de la construction d’un ghetto juif en Pologne en 1940

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L’historienne Julia Werner a découvert au Musée juif de Rendsburg (Allemagne) cet ensemble de photos qui constitue un des seuls témoignages visuels dont nous disposons de la construction d’un ghetto. Prises le 16 juin 1940 par le soldat allemand Wilhelm Hansen, ces 83 images (à voir sur le site d’origine) décrivent le déménagement forcé de la population juive de Kutno (Pologne) de ses maisons vers une usine de sucre abandonnée, où elle s’est vu ordonner de s’installer.

«Aucune autre source ne nous permet de parler de la ghettoïsation avec autant de détails: les carrioles à cheval, les gens en train d’attendre, les masses d’objets, possessions, meubles que, dans ce cas particulier, ils ont été capables d’amener dans le ghetto», écrit Werner dans un long résumé du contexte des photographies, publié sur le site de la Shoah Foundation Institute for Visual History and Education (University of Southern California). Les photos montrent aussi «la situation désespérée, à la fin de la journée, dans les bâtiments de l’usine de sucre, où environ 7.000 personnes ont été en gros abandonnées avec leurs bagages».

Werner écrit qu’il existe un vide majeur dans les archives photographiques des nombreux déplacements forcés de Juifs durant l’occupation allemande: on n’a quasiment pas d’images prises par des Juifs polonais. «L’accès aux appareils photo était très inégalitaire», écrit Warner. «Les Juifs n’étaient pas autorisés à posséder un appareil, et chez les Polonais non-Juifs, son usage était strictement limité à la sphère privée. Les occupants allemands, non seulement ont exproprié de leur entreprise les Polonais propriétaires de leur laboratoire photo et ont interdit les photographes professionnels de travailler, mais ils ont aussi confisqué les appareils photo.»

Le Shoah Foundation Institute a enregistré des témoignages oraux de survivants qui ont vécu dans le ghetto de Kutno, qui peuvent nous aider à comprendre comment les Juifs ont pu voir ce camp à ciel ouvert. Dans un de ces entretiens, Barbara Stimler se souvient de l’esprit de coopération qui existait parmi les habitants du camp, qu’elle qualifie de «pire endroit où elle a jamais vécu»: «Nous sommes arrivés sans rien, mais il y avait un comité de répartition, et ils nous ont donné un lit.» Dans un autre entretien, Gordon Klasky, un barbier qui fini par réinstaller son commerce dans l’enceinte de l’usine de sucre, décrit les conditions de vie: «Nous avions collé les lits les uns aux autres… Il n’y avait pas de place où marcher, juste où s’allonger sur les lits… Beaucoup de gens avaient installé leur petit chez-soi, vous savez, comme le font les Indiens… comme des tentes, mais construites en bois, avec des couvertures sur le dessus… Quand il pleuvait, nous étions en train de nager.»

Quand on lui demande comment la Gestapo contrôlait les faits et gestes des gens vivant à l’intérieur du camp, Klasky répond: «J’ai vu un frère juif être abattu, de mes propres yeux. Il s’est approché trop près des barbelés, et le garde l’a tout simplement abattu. Je ne l’oublierai jamais.»

Source : http://www.slate.fr/story/122707/photos-ghetto-juif-pologne

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