Les problèmes que nous pose la médecine légale

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En marge du scandale des quatre morts de l’Hyper Cacher et de la rétention de certains membres de leurs corps par les services de médecine légale, il nous faut apporter quelques précisions.

Le premier heurt entre la communauté juive et les services de médecine légale a une date : c’est quand le public se préparait à accompagner l’épouse du rav Guedalia Nadel (1923-2004) à sa dernière demeure en 1975, qu’on a découvert un drame d’une dimension alors inconnue : le corps de cette relativement jeune dame (qui, à 50 ans, laissait derrière elle neuf enfants, dont seulement deux mariés) avait été mutilé par les services de la médecine légale israélienne. Cette dame souffrait du cœur, et sans aucun doute, son mari, l’un des plus importants disciples du ‘Hazon Ich, avait tout fait pour lui assurer les meilleures conditions médicales possible – d’autant plus, comme on le sait, que le ‘Hazon Ich, justement, était très versé dans ce domaine, et que son entourage conçoit également de prendre toutes les précautions pour une santé optimale. Le public était présent, mais le mari a refusé que l’enterrement ait lieu avant la restitution à la famille de tous les restes funéraires ! Cela a prit quelques jours… Ce, en Erets Israël, où l’on fait tout pour enterrer les morts le jour-même.

A partir de là, le public a commencé à faire très attention à ce « détail ». Très souvent, des cas de mort soudaine entraînent une grande activité chez certains responsables, qui cherchent à obtenir des tribunaux et de la police que l’on enterre ces gens malgré les questions éventuelles. Avec le temps, divers accords ont été pris, notamment sur l’utilisation de dispositifs spéciaux (IRM), pour une analyse des cas sans profanation des corps. Parfois, aussi, le tribunal accepte que l’on se contente d’une vérification externe au corps avant l’inhumation.

Ceci est valable dans le pays, quand tous les intervenants sont juifs, et comprennent, finalement, l’importance du respect des morts.

A l’étranger, évidemment, la question est de loin plus délicate : la conception du monde non-juif s’avère totalement différente, pratiquement à toute considération pour le corps humain. Pire encore : à partir du moment où un défunt fait l’objet d’une enquête, la loi veut attribuer son corps à l’Etat, et la famille n’a plus rien à dire ! Ceci est également vrai, soit dit en passant, dans le cas de corps déterrés à la suite d’une « exhumation administrative », ou à plus forte raison quand les gens n’ont pas su faire attention à prendre une tombe à perpétuité.

S’il faut vérifier les causes de la mort d’une personne, donc, la médecine légale est appelée à intervenir. Juridiquement, la famille n’a plus rien à dire.

Toutefois, dans le cas présent des morts de l’Hyper Cacher, nous concevons que les autorités auraient dû tenir compte de la sensibilité de la famille, et cette partie délicate de l’enquête aurait dû être faite en collaboration avec la famille. Evidemment, la question est à renvoyer également à la communauté juive, qui aurait dû se mobiliser pour éviter une telle intervention, ou la réduire au minimum – sans oublier d’exiger la restitution des membres au plus vite, au moins avant l’envoi des corps en Erets Israël.

Toutefois, on n’a rien su avant que la famille ne demande à récupérer les habits – afin d’enterrer leurs morts avec le sang qui avait giclé sur eux. Là, les services de médecine légale leur ont annoncé qu’il n’y avait pas que les vêtements qui avaient été pris, et ont mentionné des parties des corps des victimes…

La police avait cherché à bien identifier le responsable de la mort de ces personnes : les terroristes, ou… les agents de sécurité. Dans le cas du regretté Jonathan Sandler הי »ד, nous dit le rav Avraham Weinberg, les corps ont été libérés de suite, car il n’y avait aucun doute quant à l’identité du meurtrier. A Vincennes, c’était moins évident. Toutefois, les médecins légistes auraient pu se suffire d’extraire les balles ; cela aurait permis d’apporter une réponse immédiate et indiscutable.

Il nous faut, enfin, aborder l’aspect le plus délicat de cette question. Rav Weinberg, gendre du rav ‘Hayim Rosenberg, est l’un des membres de la communauté juive orthodoxe de Paris les plus impliqués dans ce sujet. Il a attiré notre attention à ce propos : il peut arriver, nous a-t-il raconté, que le juge se montre compréhensif à l’égard de nos traditions ; or, que peut-il faire ? Récemment, par exemple, l’épouse d’un homme mort à son domicile nous a demandé de tout faire pour obtenir le corps sans autopsie. Le juge a accepté, non sans dire qu’il n’était pas certain que son geste allait servir à quelque chose. Et, en effet, une heure plus tard, la veuve revenait vers les responsables de la ‘hévra kadicha pour leur demander d’accepter l’autopsie : la compagnie d’assurance, qui devait payer une grande somme à la veuve, lui avait annoncé sa condition : l’autopsie ! … On peut trouver ce genre de situations en Erets Israël également, bien entendu.

Un sujet qui demande encore énormément d’efforts, tant sur le plan des relations interculturelles de la part de notre communauté, que sur celui de l’éducation du public : un intérêt financier a-t-il le droit de nous amener à accepter une profanation du corps de nos proches ?

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