Le torchon continue de brûler…

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L'hôtel de ville de Villefranche-sur-Saône

Cette fois-ci, c’est l’ouverture d’une auto-école avec une salle réservée aux femmes qui a fait la une des journaux. Proposant de mettre une salle à disposition des femmes qui désirent apprendre à l’écart des hommes, la directrice de l’établissement situé à Villefranche-sur-Saône, Sarah Bakar, avait expliqué qu’elle ne faisait « que répondre à la demande de beaucoup de jeunes filles de tous horizons et de toutes origines », et qu’elle se chargeait de donner les leçons de conduite aux femmes, tandis qu’un homme le ferait pour les candidats.

Mais le maire de la ville, Bernard Perrut, député LR de la 9ème circonscription du Rhône, ne l’a pas entendu de cette oreille. Dans un communiqué, il s’est dit « surpris et choqué d’apprendre […] qu’une auto-école qui porte le nom d’Auto-école de la mairie – car située à proximité – veuille accueillir de manière distincte les hommes et les femmes dans deux salles », affirmant son attachement « à l’égalité homme-femme » et son « opposition à toutes les formes de communautarisme »…

La polémique n’a pas empêché l’auto-école de recevoir l’autorisation nécessaire de la part de la sous-préfecture pour débuter son exploitation ce lundi 22 août. Mais quoi qu’il en soit, un nouveau coup vient d’être porté au débat sur la laïcité et les signes extérieurs d’appartenance religieuse.

Et pour cause : il est clair que la France aura été le pays à avoir le moins bien compris ce qu’est un fait religieux et la place qu’il faut accorder à l’étranger. Car, parler de « communautarisme », c’est exclure tout en se référant à un modèle qui se prétend égalitaire. Bernard Perrut n’est certes qu’une exception au plan médiatique, mais il est fidèle au nouvel esprit français institutionnel de la laïcité tel qu’il s’est exprimé avec la fameuse commission « Stasi ». Cette loi du 15 mars 2004, votée par le gouvernement Raffarin, interdit en effet les signes ou les tenues par lesquels les élèves manifestent « ostensiblement » leur appartenance religieuse. Une décision en contradiction avec la loi de 1905 qui se dit, au contraire, garante de la libre expression des croyances religieuses au sein de l’espace public.

Un droit à l’indifférence

« …pour beaucoup de Musulmans français, il s’agit simplement de demander une égalité de traitement ou un droit à l’indifférence : le droit, par exemple, de ne pas être fixé et ostracisé à cause de ses vêtements, de sa barbe, de sa coupe de cheveux ou de son régime alimentaire. Puisque six des dix jours fériés français sont catholiques, quand des Musulmans (ou des Juifs, ou des Bouddhistes) demandent à pouvoir célébrer leurs propres fêtes, ils demandent simplement un traitement égalitaire de la part d’un gouvernement supposément laïc et neutre. Plutôt que de reconnaître les insuffisances de la laïcité française ou au moins d’accueillir favorablement un débat sur la question de savoir si le système actuel reflète bien les principes de neutralité et de séparation qu’il est censé incarner, beaucoup d’hommes politiques français et d’écrivains préfèrent stigmatiser les Musulmans, les blâmant pour les contradictions inhérentes à l’athéisme libéral. » (Mayanthi Fernando, professeure associée à l’Université de Californie, auteure de « The Republic Unsettled: Muslim French and the Contradictions of Secularism » dont un passage de l’ouvrage  est résumé ici par l’historien John Tolan).

Présenter le refus de l’expression publique de signes religieux comme la défense d’un idéal rationnel de la laïcité et/ou de la neutralité pose à la France un problème de fond qui interroge les fondements culturels de sa vision du monde. Et en vérité, n’est-ce pas ce qui sous-tend la guerre menée par l’islam à l’Europe chrétienne ?

Ne nous voilons pas la face

Sans vouloir faire de jeu de mots, ne nous voilons pas la face : après avoir rudement combattu Aristide Briand, rappelons que c’est finalement le Pape Pie X qui remporta la bataille de la laïcité française puisque l’Etat reconnut alors la légitimité de la religion catholique dans l’espace public français. La loi du 28 mars 1907 qui mettra fin à la dispute, supprime en effet « l’obligation de déclaration préalable pour les réunions publiques » et plus de 30 000 édifices sont mis gratuitement à la disposition des églises. Et enfin, last but not least, les sonneries de cloches sont explicitement autorisées !

Tant que les minorités religieuses restaient ce qu’elles étaient, minoritaires, la veille garde pouvait supporter l’idée de mettre sur un pied d’égalité tous ceux qui ne se plient pas à ses dogmes. Mais aujourd’hui, les données ne sont plus les mêmes, et on voit mal la France parvenir à redéfinir les bases d’une laïcité qui sache vraiment laisser la place à un « autre »…

 

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