Trump promet une rupture historique entre les États-Unis et l’Europe

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Lors de sa première interview avec des journalistes européens, le président-élu américain a donné un aperçu de ses objectifs diplomatiques. 

Si l’on en croit les déclarations faites à deux journalistes européens, le britannique Michael Grove du Times of London et l’allemand Kai Dieckmann de la Bild Zeitung – et il y a tout lieu de les croire –, Donald Trump prépare une remise en cause radicale de l’organisation dominant le monde transatlantique depuis trois quarts de siècle. Après 1945, les États-Unis ont encouragé la coopération entre les États d’Europe occidentale; ils se sont engagés, pour la première fois de leur histoire, dans une alliance militaire permanente, l’Otan, convaincus que leur sécurité était liée à celle du Vieux continent ; et ils ont poussé à l’élargissement de l’Union européenne après la fin de l’empire soviétique en 1990.

Tous ces principes sont remisés par le 45e président des États-Unis au musée de l’Histoire. Certes, il n’est pas le premier à regretter que les États européens ne consentent pas assez d’efforts pour leur propre défense et s’en remettent aux États-Unis. Le burden sharing (le partage du fardeau) est un sujet de discussion récurrent entre les deux rives de l’Atlantique. Le déséquilibre s’est même aggravé après la chute du mur de Berlin car les Européens ont dans l’ensemble réduit leurs budgets militaires pour toucher «les bénéfices de la paix». Mais aucun président américain n’était allé aussi loin en déclarant l’Otan «obsolète», comme vient de le faire Donald Trump dans son premier entretien accordé à des journalistes européens. Selon lui, l’Otan est dépassée «parce qu’elle a été créée il y a beaucoup, beaucoup d’années». Elle n’a pas su se réformer pour faire face au danger principal, «le terrorisme islamique».

La fin du «parapluie»

Le thème n’est pas nouveau. Après la disparition de l’URSS et de son alliance militaire, le Pacte de Varsovie, la question de la raison d’être et donc de la survie de l’Otan s’est posée. Mais l’importance des liens transatlantiques s’est d’autant plus imposée que les États d’Europe centrale et orientale tenaient à leur intégration dans l’organisation militaire pour assurer leur sécurité face à Moscou. Force est de constater que l’histoire leur a donné raison. Les deux États auxquels la Russie postsoviétique s’est attaqué au cours des dernières années, la Géorgie et l’Ukraine, sont ceux qui ne bénéficient pas du «parapluie» de l’Otan.

Donald Trump tempère son propos en affirmant son engagement «pour la défense de l’Europe et de l’Occident» et son attachement à l’Otan, mais ses déclarations promettent de solides empoignades au sein de l’Alliance atlantique.

Le retrait relatif des États-Unis serait une chance que les Européens pourraient saisir pour prendre en mains leurs propres affaires, si l’Union européenne existait comme acteur internationale. Il intervient au contraire à un moment où l’UE est en pleine crise et il ne peut que contribuer à aggraver les risques de dislocation.

Le Brexit, «une grande chose»

Donald Trump en est certainement conscient mais c’est le dernier de ses soucis. Il n’a aucune sympathie particulière pour l’unification de l’Europe. «Divisée ou unie, ça m’est égal. Ca ne joue aucun rôle, déclare-t-il. L’Europe a été créée pour s’attaquer aux positions commerciales des États-Unis, n’est-ce pas?» Et il n’a pas une grande connaissance de ses institutions. Kai Dieckmann livre une anecdote. Au cours de l’entretien dans le bureau de la Trump Tower à New York, Donald Trump raconte qu’un «charmant Monsieur» l’a appelé pour le féliciter de son élection mais il a oublié son nom. «M. Juncker?», osent les deux journalistes qui l’interrogent. «C’est ça, Juncker».

Le nouveau président américain est un chaud partisan du Brexit, qui «à la fin, sera une grande chose». Contrairement à Barak Obama qui, avant le référendum du 23 juin, avait plaidé à Londres pour le maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE et averti les Britanniques qu’ils seraient en queue de peloton pour les accords commerciaux avec les États-Unis, Donald Trump a promis d’aller vite. Et il s’attend que l’exemple anglais fasse école. D’autres États pourraient quitter l’UE à cause de la crise des migrants, dit-il, en fustigeant «l’erreur catastrophique» commise par Angela Merkel quand elle a ouvert sa porte aux réfugiés. «C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase», alors que l’UE est «hostile à l’emploi et à la croissance». Donald Trump raisonne «en tant que businessman, pas par idéologie», commente le journaliste du Times.

Il a beaucoup de «respect» pour la chancelière mais il voit l’Europe dominée par l’Allemagne: «Vous regardez l’UE et vous voyez l’Allemagne, dit-il. Fondamentalement c’est un instrument pour les Allemands.»

L’ennemi chinois

Il en profite pour prendre quelque distance avec Vladimir Poutine dont il critique la politique en Syrie. Il n’en laisse pas moins entendre qu’il pourrait lever les sanctions frappant la Russie depuis l’annexion de la Crimée, en contrepartie d’un accord sur le désarmement nucléaire. Mais cet entretien avec deux journaux européens confirme que Donald Trump a une vision du monde proche de celle du président russe.

Pour eux, il n’existe que trois États suffisamment fort pour être vraiment souverains, les États-Unis, la Russie et la Chine. Et la Chine lui apparaît comme l’adversaire principal contre lequel il convient de s’entendre avec Moscou. Dans cette configuration, l’Europe, «divisée ou unie, ça ne joue aucun rôle». C’est lui qui le dit.

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