Yves Cochet : «L’humanité pourrait avoir disparu en 2050»

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Le Parisien
Yves Cochet, ici avec Viking, vit dans la campagne rennaise. Les chevaux seront utiles, estime-t-il, quand l’essence manquera. Yann Peucat
Devant le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources, l’ex-député européen de 73 ans annonce la fin proche de notre civilisation. Pour celui qui se réclame de la collapsologie, il faut s’y préparer et miser sur l’entraide.

Yves Cochet dit avec une étonnante gaieté des choses déprimantes. Le mathématicien, ministre de l’Environnement de Lionel Jospin de 2001 à 2002, nous reçoit dans son bastion breton, où il prépare son prochain livre et… la fin du monde. Car l’écologiste de 73 ans prédit l’effondrement inéluctable et rapide de notre société industrielle. « Il y a une hypothèse selon laquelle l’humanité n’existera plus en tant qu’espèce en 2050 », assure-t-il, sans se départir de sa bonne humeur. On lui fait remarquer. « C’est que moi, je ne serai plus là pour voir ça. Alors que vous… »

Yves Cochet n’est pas le seul à tirer la sonnette d’alarme. En septembre 2018, l’actrice Juliette Binoche et l’astrophysicien Aurélien Barrau lançaient l’appel de 200 personnalités pour sauver la planète, demandant une action politique « ferme et immédiate » face au changement climatique. Partout dans le monde, des jeunes marchent « pour le climat », emmenés par des militants médiatiques tels que la Suédoise Greta Thunberg, 16 ans. Cette urgence explique aussi le score surprise d’Europe Ecologie – Les Verts aux européennes, le 26 mai : 13,5 % des voix, dont plus de 25 % chez les 18-24 ans. Mais, pour Yves Cochet, qui se dit « effondriste » et se réclame de la « collapsologie », il est déjà trop tard.

La collapsologie se veut une science, celle de l’effondrement de la civilisation. Le terme est apparu en 2015 sous la plume de deux Français, Pablo Servigne et Raphaël Stevens, coauteurs de « Comment tout peut s’effondrer » (Seuil). Respectivement biologiste et chercheur, ils soutiennent que la fin de notre civilisation ne peut être évitée. Ils s’appuient sur une compilation d’études attestant le réchauffement climatique, bien sûr, mais aussi la raréfaction des ressources naturelles, la disparition des espèces…

Loin de convaincre tout le monde – l’essayiste Pascal Bruckner parle de « Grand-Guignol à vernis scientifique » –, cet essai, dont Yves Cochet signe la postface, s’est vendu à 60 000 exemplaires. La notion est depuis reprise dans le podcast « Présages », la web-série documentaire « Next », des groupes Facebook et d’autres livres. Le 1er mai, la romancière Fred Vargas, ex-chercheuse au CNRS, délaissait ses habituels polars pour publier « L’Humanité en péril » (Flammarion) et, à son tour, dénoncer les crimes commis contre la planète.

La bonne nouvelle ? Si la fin de ce monde est inévitable, on peut s’y préparer. Contrairement aux survivalistes américains qui s’arment, construisent des bunkers et empilent des conserves, les collapsologues imaginent des communautés locales autonomes fondées sur l’entraide. Explications avec Yves Cochet.

Alors, c’est bientôt la fin du monde ?

YVES COCHET. Je dirais oui. Evidemment, personne ne peut en être sûr. Mais il y a une chance sur deux que l’humanité n’existe plus en 2050. C’est déjà énorme. C’est du très sérieux.

A quoi ressemblerait cette fin ?

Elle peut d’abord prendre la forme d’une guerre liée à la raréfaction des ressources. Ou provenir d’épidémies dues à une insécurité sanitaire – le moustique-tigre remonte les latitudes, amenant le chikungunya ou la dengue –, ou de famines. Tout peut se mêler, rapidement et massivement. Fred Vargas dit que 75 % de la population va mourir d’ici à 2060. Au lieu d’être 10 milliards en 2050, ce que prévoit l’ONU, on ne sera que 2 ou 3 milliards. Donc, soit on sera mort, soit on aura des proches, des amis morts. Ce sera une espèce de tristesse, de dépression mondiale.

Tout cela à cause du réchauffement climatique ?

Pas seulement. Selon les instituts de recherche, jusqu’à 24 paramètres peuvent entrer en jeu, comme la qualité et la quantité de l’eau potable, les cycles du phosphore et de l’azote, les émissions de méthane dues à la fonte du pergélisol (NDLR : : des terres normalement gelées toute l’année)… Il pourrait y avoir, autour de 2026-2028, une hausse brutale de la température de 1 °C en seulement deux ans, alors qu’elle a augmenté de 1,2 °C depuis 1750 et la révolution industrielle.

Il doit bien y avoir une solution ?

Les alarmistes lancent des appels dans les journaux. Juliette Binoche et Aurélien Barrau disent au gouvernement, à l’Europe, à l’ONU : faites quelque chose, vous, les puissants ! Un peu comme Brigitte Bardot avec les bébés phoques, il y a quarante ans. Leur constat est presque le même que le mien, mais ils font confiance aux pouvoirs publics pour tout changer. Moi, je n’y crois plus. Pour les effondristes comme moi, il n’y a pas de bonne solution. Il est hélas trop tard pour la transition écologique et la croissance verte. On peut quand même minimiser le nombre de morts. Au lieu d’en avoir 4 milliards dans les trente ans, on en aura peut-être 3,5 milliards, en faisant des bio-régions résilientes.

Ce n’est pas vraiment le programme d’Europe Ecologie – Les Verts…

Yannick Jadot ne parle pas d’effondrement. Il croit à la croissance verte.

Que faire, alors ?

Agir local, aller voir ses voisins. Vos voisins, cela peut être 50 personnes, 500 personnes, beaucoup plus. Un exemple : la région du Rojava, dans le nord de la Syrie, est occupée par les Kurdes. Ils sont quelques millions, entre les Turcs, qui les détestent, et le régime syrien, qui les déteste aussi. Ils sont le plus autonomes possible pour la nourriture et l’énergie. Car c’est le cœur du problème. Sans la nourriture et l’énergie, vous êtes mort. Si Rungis s’effondre, à Paris, en trois jours, c’est la guerre civile.

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«Nous devons apprendre à mourir ensemble», pense Yves Cochet. Yann Peucat

C’est pour cela que vous vous êtes installé à la campagne ?

Avec ma fille, on a acheté il y a treize ans cette longère près de Rennes datant du XIXe siècle. On avait une liste de critères. Il fallait de l’eau : on a une mare, un ruisseau, un puits, et on récupère la pluie dans des bidons de 1000 litres. Il fallait du bois pour se chauffer : on dispose de 3 hectares de forêt. Et il fallait ne pas être trop proche de la ville, parce que les citadins iront saccager ce qu’il y a autour. On a des chevaux pour la traction animale – en 2035, il n’y aura plus de pétrole – et des panneaux photovoltaïques. Si ça s’effondre, avec qui vous allez survivre ? Avec vos voisins. Or les gars, ici, sont des paysans. Ils font du maïs, ont des vaches laitières. J’ai créé de bons rapports avec tous. Enfin, ma fille surtout, qui est plus sympathique que moi !

Vous êtes armés ?

On n’est pas des survivalistes avec des carabines et des conserves. Ce n’est pas qu’on croit à l’espèce humaine, mais la survie est collective. Tout seul, vous tenez trois jours. C’est à l’échelle d’une bio-région que l’on peut survivre.

Aujourd’hui, on a des voitures, de la nourriture… Comment être entendu dans cette opulence ?

Mon discours ne fera jamais recette. Je ne suis pas entendu, et c’est précisément pour cela que l’effondrement va arriver. Pour s’en sortir, il faudrait une économie de guerre comme à Londres, en 1941. Je suis pour le rationnement de l’essence, des vivres, des vêtements, et pour le contrôle des naissances. Mais il n’y a pas d’exemples dans l’Histoire où une économie de guerre a été adoptée avant la guerre. Les gens ne l’acceptent pas. Aujourd’hui, la préoccupation première des Français, c’est le pouvoir d’achat.

L’Histoire est parsemée de prophètes annonçant la fin du monde. Pourquoi vous croire, vous ?

Parce que, cette fois, tous les problèmes surgissent en même temps. La chute de l’Empire romain ou de la civilisation maya, c’était limité dans le temps et l’espace. Maintenant, les problèmes sont planétaires et nous devons apprendre à mourir ensemble. Avec ça, on ne fait pas une voix aux élections ! Mais j’en suis convaincu.

Ils ont prédit la fin du monde

Nostradamus. Au XVIsiècle, l’apothicaire et astrologue français publie ses prophéties sous la forme de 942 quatrains au sens obscur. A croire ses exégètes, le devin aurait ainsi prévu l’arrivée au pouvoir d’Hitler et les attentats du 11 septembre 2001. La fin du monde, elle, surviendrait en 3797.

Isaac Newton. Le savant britannique a révolutionné la physique et l’astronomie au XVIIIe siècle. Mais, mystique, il a aussi pronostiqué l’Apocalypse pour 2060. Année qu’il a déduite de son interprétation de la Bible.

Paco Rabanne. En mai 1999, le couturier espagnol, qui dit avoir des visions, prédisait la fin du monde dans un livre. La station spatiale russe Mir devait s’écraser sur le château de Vincennes le 11 août 1999, date d’une éclipse solaire, et ses débris, détruire Paris et plusieurs villes du sud de la France.

Les Mayas. En 2012, la rumeur circulait sur Internet : selon le calendrier Maya, la fin du monde devait survenir le 21 décembre de la même année (21/12/12). Seul Bugarach, un village de l’Aude, devait y échapper grâce à son pic de 1231 mètres, aux propriétés magnétiques particulières.

« Devant l’effondrement », Yves Cochet, Les liens qui libèrent, à paraître en septembre.

NDLR : Le Parisien, et Yves Cochet, semblent ignorer nos sources juives, mais aucune importance. L’apocalypse n’est donc pas loin, même pour des laïcs de cette inspiration.

 

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