La zerizouth : une qualité du cœur

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Lorsque Hachem proposa la Tora à Israël, la réponse immédiate fut : « נעשה ונשמע », « nous sommes prêts à accomplir tout ce que nous entendrons ». Cette proclamation, reflétant le zèle d’Israël, est devenue une base de notre culture. Penchons – nous sur la qualité de zerizouth d’après les enseignements du Or’hoth Tsadiqim.

La zerizouth : depuis le don de la Tora et à toutes les générations

La confiance et la fidélité du peuple d’Israël envers Hachem a de tout temps éveillé l’étonnement et la jalousie des nations du monde. Ainsi, la Guemara de Chabbath (88a) rapporte une scène où Rava, plongé dans son étude, ne remarquait pas qu’il s’écrasait les doigts au point de saigner. Un non-juif s’exclama : « Peuple fougueux, votre bouche a devancé vos oreilles [vous avez exprimé votre accord d’engagement avant même d’écouter ce que contient la Tora]. Vous persistez dans votre impétuosité en plongeant dans l’étude sans prendre de précautions ». Rava rétorqua : « Pour nous qui sommes en parfaite confiance avec Hachem, le verset dit (Michlé/Proverbes 11,3) : L’intégrité des hommes droits les mèneront ».
SagesCe passage relève du zèle de nos pères qui s’empressèrent de recevoir la Tora de manière irréfléchie aux yeux des autres peuples.
Dans Chir Hachirim/Cantique des cantiques (1,3), est relaté l’appel lancé par Israël lors du don de la Tora en ces termes : « משכני אחריך נרוצה », « Tire-moi, après Toi nous accourrons », exprimant l’empressement dans l’acceptation de la Tora.
Et les générations futures également, jusqu’à nous de nos jours, expriment cette soif de Tora par la prière suivante : « ‘נרדפה לדעת את ה », « Nous poursuivrons pour connaître Hachem », cela comprenant la connaissance de la Tora comme celle de notre Créateur. Cette qualité de zerizouth nous accompagne donc depuis toujours et, comme Rava l’a expliqué, elle provient de la confiance totale qui nous habite dans l’accomplissement de la volonté de Hachem.
Le manque de zerizouth est comparé au ‘hamets. Pour la confection des matsoth, on ne perd pas un instant pour empêcher la fermentation de la pâte comme la Tora exige : « ושמרתם את המצות », « Vous garderez les matsoth ». Une indication parallèle est transmise dans ce verset qui peut être lu ainsi : « ושמרתם את המצוות », « Vous garderez les mitswoth ». Comme le temps agit sur la pâte pour la rendre invalide comme matsa, ainsi le temps non utilisé fait perdre la valeur d’une mitswa.
Le mois dernier, nous avons appris la valeur de l’instant présent. Une mitswa ne doit pas s’étaler inutilement dans le temps. Si on peut l’accomplir maintenant, il convient de le faire sans attendre, sans compter sur le lendemain ni même sur les minutes qui suivent.

La patience dans les mitswoth

Le livre Or’hoth Tsadiqim soulève une difficulté. On comprend le bien de la zerizouth mais, d’un autre côté, celui qui court risque de tomber, celui qui s’empresse risque de ne pas prêter attention aux obstacles et de trébucher. Le premier enseignement de Pirqé Avoth est : « הוו מתונים בדין », « Soyez circonspects dans le jugement ». Et si l’on se penche sur l’explication des Avoth deRabbi Nathan, on apprendra que cela ne concerne pas que le domaine juridique. Il convient de prendre son temps, de peser les arguments à maintes reprises, non seulement pour juger des cas judiciaires, mais aussi dans le cadre de l’étude.
MatsotAvant de trancher sur la valeur et le sens des livres du roi Chelomo, les Sages se penchèrent longtemps et seulement deux siècles plus tard, ayant enfin trouvé explication aux passages délicats, on valida des écrits qui avaient failli être enterrés dès le début. Dans la Guemara, on parle même de להחמיץ את הדין. On doit laisser « fermenter » le jugement au contraire de ce qui était indiqué pour les mitswoth.
Une explication supplémentaire indique que la patience doit apparaître également dans la forme du langage. Même lorsqu’on a raison et qu’on vient défendre des valeurs de la Tora, il convient de ne pas s’emporter et de rester calme. « Si Moché rabbénou, le plus grand des sages, le maître des prophètes, lorsqu’il s’emporta (au sujet du peuple de Midian qui avait causé la mort de 24 000 personnes du peuple juif) en oublia ses enseignements, nous, à plus forte raison ».
Le calme et la patience sont donc nécessaires dans le jugement, dans l’étude, ainsi que dans la manière de parler. Au niveau du comportement également, l’empressement comporte des risques d’erreur et d’échec. Quelle place reste t-il donc à la zerizouth ?

La zerizouth, une faculté de l’esprit

Le Or’hoth Tsadiqim apporte un nouvel éclairage sur le sujet. La zerizouth correspond avant tout à l’éveil du cœur et la vivacité de l’esprit. En effet, celui qui concentre sa pensée dans une seule direction pourra s’y attacher au point d’exclure tout autre sujet. Par exemple, Avraham avinou ayant reçu l’ordre de ‘Aqédath Yits’haq (offrir son fils à Hachem) aurait pu voir l’angoisse, la peine, l’hésitation l’envahir. Comment réussit-il à s’empresser pour accomplir cette mission si difficile ?
Tout d’abord, il éveilla un sentiment d’amour envers Hachem et le désir pressant de réaliser Sa volonté. Il décida également de mettre de côté l’amour paternel et de l’annuler devant son amour de Hachem.
La zerizouth joue là un rôle décisif. Elle permet de ranger les priorités entre les différents sentiments et de fixer celle qu’on aura choisie. Quelqu’un de nonchalant verra les différentes options réapparaître dans son esprit et sera incapable de mener à terme un projet si délicat. Le zélé, par contre, le zèle marquera son impact dans le domaine des pensées et des sentiments pour ne laisser en présence qu’une seule direction. Avraham, comme Yits’haq d’ailleurs, sut maintenir son amour de Hachem et son désir de respecter Sa volonté envers et contre tout autre sentiment.

Une arme face aux épreuves

Ce principe pourra s’appliquer face à toute épreuve ou difficulté. Chez chacun de nous, la tentation du yétser hara’ éveillera le désir d’une part et la retenue d’autre part. De quoi dépendra l’issue de ce dilemme ? Si les deux directions restent présentes à l’esprit, il faut craindre que la balance penche à un moment du mauvais coté. Mais si l’on s’empresse de fixer son choix, la zerizouth permettra de s’y arrêter, éliminant les autres options.
En particulier, lorsqu’il arrive un événement pénible et qu’il nous incombe de garder confiance en Hachem et même de Le bénir pour le mal comme pour le bien, la confrontation violente entre les sentiments risque d’échapper à notre maîtrise. « Il faudra un zèle particulier pour approfondir l’amour de Hachem dans sa pensée, annuler la souffrance du cœur, le purifier pour donner raison à Hachem dans Ses décrets, accepter avec amour et s’attacher à la Tora, la prière et les bonnes actions, se renforçant par Hachem avec toute la pensée » (Or’hoth Tsadiqim).
On le sait, le doute mine l’assurance de l’homme et son efficacité. La zerizouth saura entraver cette embuche en focalisant la personne sur une direction ou une pensée positive qu’elle aura choisie.

Parfaire nos mitswoth

Cela pourra favoriser également la qualité de nos mitswoth. Si nous avons du mal à nous concentrer dans la prière, n’est-ce pas à cause des pensées parasites ? Si nous devons remercier ou encourager quelqu’un, n’est-ce pas le souci ou le manque de discipline intérieure qui nous retient de nous investir parfaitement ? De même, pour les actes à réaliser, pourquoi ne sommes-nous pas efficaces comme les exemples de Tsadiqim que l’on connaît ? Dans tous ces domaines, un remède consistera à éveiller la zerizouth, à se focaliser sur la démarche entreprise, enraillant toute pensée perturbatrice, pour penser à bien son projet. Seulement ainsi, l’instant sera pleinement vécu, apportant le maximum du pouvoir de la mitswa.
Si l’on développe cette faculté de zerizouth, chaque pensée et chaque acte seront plus purs car les entraves éventuelles s’effaceront devant notre détermination.
De plus, toute notre approche des mitswoth s’en trouvera bien allégée. Comme Avraham, parce qu’investi d’une pensée claire put remplir son devoir avec zèle, nous aussi saurons désirer le bien et le réaliser sans hésitation ni retenue. Cela complète le point développé le mois dernier. L’instant présent doit occuper toute notre attention ; c’est la zerizouth qui permettra de le charger d’un contenu riche et intense.

Au niveau du comportement

Remarquons que nous n’avons pas encore étudié les manières d’acquérir la zerizouth (on pourra pour cela étudier avec profit les chapitres 4,7 et 8 du Messilath Yecharim). Notre but n’était que de définir cette qualité et de la dissocier de toute précipitation irréfléchie. La zerizouth positive se situe avant tout dans le cœur et la pensée de l’homme. Il s’agit d’une vivacité intérieure bien dirigée qui saura faire fi de tout obstacle au niveau des sentiments.

Evidemment, cela se manifestera par une légèreté du corps dans l’action, mais pas par de la précipitation. Cette dernière est dangereuse car elle échappe à notre contrôle. La légèreté signifie uniquement que le corps ne s’enlise pas dans la lourdeur des difficultés physiques ou psychiques.
D’après la Guemara Sanhédrin (96a), nos patriarches ressemblaient à des chevaux courant sur la boue. Bien que la matière ait tendance à nous freiner comme la boue embourbe les pas, le cheval sait poser ses pattes sur le sol pour s’en élever immédiatement. Ainsi, nos pères ont traversé le monde sans s’y enliser, c’est-à-dire sans que celui-ci réussisse à les ralentir un tant soi peu.

Comment réussissent-ils? Par la zerizouth intérieure et par le lien profond qui les unit à D’. La zerizouth, cette valeur si essentielle de notre patrimoine, n’est donc pas seulement un devoir qui nous incombe mais également un outil extraordinaire nous donnant les moyens de surmonter les difficultés et d’atteindre plus facilement nos objectifs.

Par le rav Y. Koen

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